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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Non aux élections au CLP sous occupation

Par

Haidar Eid est un commentateur politique indépendant de la bande de Gaza.

Après que l'ancien président US George W. Bush et le Premier ministre britannique Tony Blair aient assuré et promis qu'ils allaient propager la démocratie au Moyen-Orient, et tout ce que nous avons vu est la destruction de l'Irak et de l'Afghanistan, un tiers de la population palestinienne (celle des Territoires 1967) a voté contre le gouvernement actuel de l'Autorité palestinienne, dirigé par le Fatah, et en faveur de ce qui lui semblait alors la seule force politique capable de contrer les vestiges des Accords d'Oslo. Ils n'ont pas voté en fonction de leurs propres perspectives politiques, mais pour punir une autorité "tiers-mondiste" caractérisée par la corruption, la privation de liberté, la relégation de la lutte nationale à la fin des priorités, la circonscription du peuple palestinien à la population de Cisjordanie et de Gaza, la coordination sécuritaire supervisée par un général étatsunien, la croissance soutenue des couches de bureaucratie improductive et d'une classe compradore, et l'élimination des forces nationales des parties d'opposition.

Non aux élections au CLP sous occupation

26 janvier 2006 - Les partisans du Hamas fêtent leur victoire aux élections du CLP à Ramallah (photo Muhammed Muheisen/AP)
Ajoutez à cela la transformation des aspirations nationales palestiniennes, par la marginalisation de l'OLP (Organisation de libération de la Palestine) et l'établissement d'un mini-État palestinien "indépendant" sur une fraction de la terre de la Palestine historique - la reconnaissance d'Israël mais sans exiger d'Israël la réciproque et la reconnaissance des droits du peuple palestinien, ce qui revient à conférer une légitimité au projet sioniste. Ce processus est sans précédent dans l'histoire des mouvements de libération nationale, y compris les bantoustans ou les enclaves ethniques qui étaient de soi-disant États souverains dans l'Afrique du Sud sous l'apartheid. Dans le cas unique de la Palestine, les opprimés et les colonisés ont accepté le processus de bantoustanisation, cédant au colonisateur oppresseur 78% de la terre.

Les droits au retour et à indemnisation des réfugiés, la pleine égalité devant la loi, c'est-à-dire l'auto-détermination, ont été transformés en un "processus de paix" marathon, sans limitation dans le temps ni point de référence. Et l'illusion de deux "parties égales", les Israéliens et les Palestiniens, est devenue la pensée dominante. Chacune des parties a un président, un premier ministre, des ministres, un gouvernement et des forces de sécurité qui se coordonnent contre des "éléments terroristes" susceptibles de troubler leur paix, et qui sont toujours, forcément, palestiniens.

Pour compléter ce raisonnement fallacieux et renforcer la nouvelle réalité qui a émergé après 1993, il leur fallait créer de nouvelles institutions reflétant l'égalité supposée entre les deux parties, et vendre au peuple palestinien l'illusion de l'"indépendance". Parmi ces institutions, se trouve le Conseil législatif palestinien (CLP) qui ne représente que les habitants de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza.

Lorsque les premières élections ont eu lieu en 1996, la plupart des forces de gauche et islamiques les ont boycottées pour les raisons évoquées plus haut, et qui restent valides : à savoir l'impossibilité de voter librement, avoir à choisir votre candidat sous la menace du fusil de l'occupant. L'histoire n'a jamais été témoin d'un tel processus, à moins que nous considérions l'Afghanistan et l'Irak comme des pays libres. Mais le résultat des élections était couru d'avance : ce serait difficile, voire impossible, pour une force politique qui aurait constamment exprimé son opposition aux Accords d'Oslo, de remporter la majorité des sièges au nouveau conseil législatif. Comme l'on pouvait s'y attendre, la "victoire" est revenue à la force politique de droite qui avait signé les accords, avec un peu d'opposition symbolique pour parfaire le tableau. Ceci illustre la raison de la démission de Haidar Abdel Shafi du parlement, et explique aussi l'opposition massive et percutante de feu Edward Said aux accords dans leur ensemble et la raison pour laquelle il les a appelés "la seconde Nakba".

Malgré la non-participation de nombreuses forces politiques de la droite et de la gauche religieuses, un énorme changement dans la culture politique de la Palestine a eu lieu, reflétée dans l'émergence de nouveaux termes - "une culture de dialogue", "la reconnaissance de l'autre", "le renforcement du pouvoir", "l'ONG-isation" - accompagnés de privilèges pour ceux qui étaient au pouvoir et l'accroissement des forces de sécurité, maintenant considérées comme une extension de la révolution et de la résistance. Tout ceci a contribué à la propagation du virus Oslo, qui a infecté les pouvoirs politiques qui les avaient auparavant refusés, et ouvert la voie à une participation plus large aux élections de 2006, sur la base de la possibilité d'un changement de l'intérieur, l'adaptation à la nouvelle réalité créée par les accords, et l'espoir de former une opposition forte en interne. Les raisons invoquées pour expliquer la faible participation aux élections de 1996 ont été complètement ignorées.

Les résidents palestiniens de Cisjordanie et de Gaza sont revenus aux urnes, mais cette fois pour éviter de répéter le résultat de l'élection précédente et pour désavouer l'AP et son parti de gouvernement. On a cru, dans la joie, que leur défaite signait la fin du statu quo. Le problème s'est alors déplacé sur la droite religieuse, qui a remporté les élections, mais qui a oublié que beaucoup de ceux qui lui avaient apporté leurs votes n'étaient pas nécessairement partisans de leur programme politique ou surtout idéologique.

L'ex-gauche, maintenant transformée en ONG néolibérales, avait décidé de participer aux élections de 2006 parce qu'elle avait été historiquement marginalisée par la direction laïque de droite de l'OLP, puis elle a été infectée par la "nouvelle" culture politique. Certains de ses leaders révolutionnaires ont été éliminés, arrêtés et même pour certains, remis à l'occupation. Cela leur a coûté très cher, comme l'ont prouvé leurs très petits scores en 2006.

Les résultats des élections au CLP furent "une surprise", sinon un coup porté à la domination de l'impérialisme, du sionisme et des régimes arabes réactionnaires, malgré tout l'argent déversé dans des campagnes publicitaires pour tenter de consolider la même culture qui avait prévalu depuis plus d'une décennie - la culture de Camp David et Taba, et Gaza - d'abord Jéricho et Oslo, et Wadi Araba - une culture fondée sur le cloisonnement racial, deux États pour deux peuples. Pendant l'ère de l'apartheid, l'Afrique du Sud a été pareillement séparée en cinq "pays", dont quatre étaient des Bantoustans, pour cinq "peuples". L’Afrique du sud blanche contrôlait 88% des terres et des ressources, laissant très peu aux autochtones. Les signataires palestiniens des Accords d'Oslo aspiraient à établir un "État indépendant" sur 22% de la terre.

Mais le résultat des élections de 2006 portait un message clair contre cette logique politique, et ce fut une surprise même pour ceux qui avaient remporté la majorité des sièges. Le virus Oslo, cependant, a continué à infecter la droite victorieuse, le parti politique qui avait gagné grâce à son opposition à ces accords - mais en ne tenant pas compte du principe que la participation aux élections est en elle-même une approbation tacite aux fondements sur lesquels elles ont été tenues. On a hélas oublié que le CLP est l'une des institutions, parmi d'autres, dont l'AP elle-même avec ses "ministres" et son appareil sécuritaire, qui a émergé des accords d'Oslo.

Le résultat des élections étant contraire au scénario prévu par les États-Unis et Israël, il a fallu punir l'électeur palestinien qui avait osé prendre au sérieux le mensonge - la propagation de la démocratie au Moyen-Orient -. Les conséquences furent inévitables : un blocus paralysant de longue durée et des plus horribles a été imposé à la Bande de Gaza par terre, mer et air, avec la participation du dictateur déchu Hosni Moubarak. Ce siège, sous ses formes diverses, a provoqué la mort de plus de 700 patients privés de traitements vitaux, l'interruption continue de l'électricité, une crise médicale sans précédent, l'empêchement de traverser les sept points frontaliers qui coupent la Bande de Gaza du monde extérieur, les pénuries de carburant et l'interdiction d'importer des livres scolaires et autres produits - au premier rang desquels le lait. Il est impossible ici de détailler ce siège médiéval, mais le rapporteur spécial des Nations-Unies pour les droits de l'homme dans les territoires occupés, Richard Falk, a résumé son arrière-pensée criminelle en le qualifiant de "prélude au génocide".

Ceci est exactement ce qui s'est passé il y a deux ans, après les premières élections transparentes et équitables de l'histoire palestinienne. Le siège n'a pas vaincu les Palestiniens de Gaza ; au contraire, il a enraciné une culture de résistance sous de multiples formes. En conséquence, les forces de l'occupation israélienne n'ont pas tardé à lancer une attaque sans précédent sur la Bande de Gaza, causant la mort de plus de 1.440 habitants, dont 443 enfants tués au grand jour, avec l'approbation tacite de la prétendue communauté internationale et des régimes arabes réactionnaires. L'ex-ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni a déclaré la guerre depuis Le Caire, en présence du ministre des Affaires étrangères du régime Moubarak - le même ministre qui avait menacé de briser les jambes des enfants et des femmes de Gaza s'ils osaient à nouveau empiéter sur la "sécurité nationale" de l’Égypte.

Malgré ce prix élevé, et les énormes sacrifices consentis, la population palestinienne n'a pas mis genoux à terre. Mais la question est ici le lien le plus remarquable entre les élections de 2006 et le prix payé par la population ordinaire pour son résultat. L'équation est claire : si vous allez aux urnes pour vous exprimer contre la poursuite du "dialogue" avec Israël par un processus négocié par les Etats-Unis, vous serez confrontés à un blocus paralysant, accompagné d'une guerre génocidaire brutale, avec le doigt de la culpabilité pointé sur vous.

Tout comme les élections de 1996 n'ont pas débouché sur un État palestinien indépendant dans les frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale, les élections de 2006 n'ont conduit ni à l'indépendance ni à la libération, malgré son résultat radicalement différent. Au contraire, chaque élection a engendré une autorité qui n'avait aucune forme de souveraineté - à moins de considérer les drapeaux, les tapis rouges, l'hymne national et le titre de premier ministre comme les manifestations les plus marquantes de souveraineté.

Les élections de 1996 ont cimenté et légitimé la division de la Cisjordanie en bantoustans, poursuivant la tendance établie de l'infâme système d'apartheid, nommant ses régions "A, B et C", et ont créé une autorité palestinienne dont la seule tâche était de mettre en œuvre des mesures de sécurité répressives contre ses opposants et de prôner l'idée de l'"indépendance" au détriment du droit à l'auto-détermination, ne traitant donc que d'une seule forme d'oppression, à savoir l'occupation militaire israélienne de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. Et ceci a même empiré puisque ces régions sont maintenant reconnues comme "zones disputées".

Les élections de 2006 ont cependant donné naissance à une autre autorité, bien que non désirée, retranchée dans la Bande de Gaza et jouant le rôle de gardienne de prison, ou de chef des prisonniers, régulant les vies de 1,6 millions de prisonniers. Nombre de tentatives ont été faites par les nouveaux vainqueurs des élections pour apaiser les États-Unis par des messages réaffirmant au Président Obama plus d'une fois, de la bouche des leaders principaux, leur volonté d'accepter un État palestinien indépendant dans les frontières de 1967, sans reconnaissance d'Israël, nonobstant le fait évident que c'est l'acceptation d'une proposition raciste originellement faite par la gauche sioniste, qui ne tient pas compte du fait que la grande majorité du peuple palestinien est dans la diaspora et dans les territoires 48. Ce pragmatisme "osloien" a été accompagné de l'application de lois religieuses strictes, sans les légaliser officiellement, reflétant le fondement idéologique des nouveaux dirigeants, mais sous la prétention qu'ils cherchaient à "protéger les coutumes et les traditions". Jour après jour, nous avons vu cette autorité passer d'un stade de résistance au siège à une coexistence avec lui, et finalement au stade d'en tirer avantage. Elle a créé une nouvelle classe improductive de rentiers, dont le capital est fondé sur le commerce des tunnels (la seule bouée de sauvetage de la population de la Bande de Gaza), le commerce par voie terrestre, le monopole sur la commercialisation des matériaux de construction. Ce glissement s'est conjugué d'un monopole sur la définition de la résistance excluant toute possibilité de réconciliation avec ceux qui ne partagent pas son idéologie.

Aujourd'hui, dans le cadre de la logique binaire faussement construite entre ces deux autorités, arrive l'appel à s'inscrire dans les bureaux de vote et à préparer les nouvelles élections au CLP dans le cadre d'un nouvel accord réciproque de réconciliation (encore un !). Le choix est à nouveau entre la droite religieuse et la gauche laïque, avec l'absence d'une nécessaire troisième alternative. Quel est le résultat souhaité de ces élections ? Et sont-elles radicalement distinctes de celles qui ont précédé ? Sont-elles destinées à répondre aux erreurs cruciales qui ont entaché les deux précédentes élections, ou qui en ont découlé ? Est-ce que cette fois le droit à l'auto-détermination comme défini par chaque Palestinien apparaîtra dans le scrutin ? En d'autres termes, le processus électoral inclura-t-il tous les secteurs du peuple palestinien et leurs aspirations, ou bien, comme ses prédécesseurs, sera-t-il exclusif et limité ? Aidera-t-il à déconstruire le gri-gri de l'"indépendance" hors toute intervention étrangère ?

En d'autres termes, ces élections seront-elles libres, bien qu'elles aient lieu, une fois de plus, sous le canon du fusil de l'occupant ? Reflèteront-elles les désirs authentiques du peuple palestinien colonisé ? Qu'adviendra-t-il si ces désirs entrent en conflit avec ceux du colonisateur, comme en 2006 ? Tous les messages envoyés à la Maison Blanche n'ont pas aidé à la convaincre d'accepter les résultats. De même, toutes les concessions faites par l'autorité de 1996 n'ont pas contribué à convaincre l'occupant israélien de tenir les engagements pris dans les accords signés, et encore moins au regard du droit international.

Il est temps de briser les idoles et de surmonter les illusions. C'est le temps des révolutions, le temps du changement dans le monde arabe. Aucune élection tenue sous occupation, colonisation et apartheid, excluant les secteurs principaux du peuple palestinien, ne peut être considérée comme libre. Si tous les Palestiniens, en particulier ceux en diaspora, ne participent pas, le résultat est connu d'avance. Il ne peut que servir les intérêts de l'occupant, promouvant d'avantage la fragmentation vécue par le bantoustan de Cisjordanie et de Gaza, que ce soit au travers de négociations vaines, conçues pour durer éternellement si la droite laïque gagne, ou au travers d'un blocus continu et d'autres guerres génocidaires si la droite religieuse parvient à nouveau à surprendre tout le monde. Telle est la seule alternative que nous laissent les nouvelles élections au CLP, qui ne représenteront de toute façon qu'un tiers du peuple palestinien.

Seule une alternative démocratique peut exprimer la volonté collective du peuple palestinien. Cette alternative implique des élections au CNP (Conseil national palestinien) après reconstruction de l'OLP sur une base véritablement démocratique qui garantira la représentation authentique de toutes les factions nationales et islamiques. Les élections au CNP garantiront la représentation de la diaspora, loin de la chimère d'une fausse indépendance sous occupation. Ces élections peuvent rapprocher le peuple palestinien de l'auto-détermination, comme définie par le droit international, en restaurant leur droit légitime à des formes multiples de résistance.

Nous ne devons donc pas répéter la même erreur pour la troisième fois en tombant dans le piège des élections au CLP, indépendamment des querelles stériles sur la prise en compte ou non du travail de la Commission électorale centrale à Gaza, comme si c'était un objectif national. Les Palestiniens de la Bande de Gaza et de Cisjordanie ne devraient pas revenir aux urnes, même si les deux factions rivales parviennent à un tel accord. Notre inscription aux élections ne devrait travailler que pour faire avancer simultanément les élections au CNP puisque les membres du CLP sont automatiquement membres du CNP.

Non aux élections au CLP sous occupation, colonisation et apartheid israéliens. Et oui à des élections au CNP, le parlement palestinien, seul représentant légitime du peuple palestinien dans son ensemble.


Source : Maan News

Traduction : MR pour ISM

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