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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Un Parlement de prisonniers : Quinze prisonniers ont été élus au Parlement palestinien

Par

> toufic_haddad@hotmail.com

Toufic Haddad est un militant palestino-américain, il vit à San Francisco. Il est en train de coéditer un ouvrage avec le Dr. Tikva Honig-Parnass, consacré à l’Intifada palestinienne, à paraître chez Haymarket Books à l’automne prochain. Son e-mail : toufic_haddad@hotmail.com

L’attention qui a entouré les élections palestiniennes du 25 janvier dernier s’est principalement focalisée sur le raz-de-marée du Hamas, à juste titre. Mais d’autres aspects de ces élections laisseront eux aussi une trace durable sur l’avenir de la vie nationale palestinienne.
Parmi les 132 Palestiniens qui siègeront au Conseil Législatif, 15 sont prisonniers : 14 sont emprisonnés en Israël, le quinzième étant en détention administrative à Jéricho, sous surveillance de la CIA et des services secrets britanniques.

Onze de ces prisonniers sont affiliés au Hamas, trois le sont au Fatah, et un au Front Populaire de Libération de la Palestine [FPLP].

Les prisonniers (et la question des prisonniers) jouent un rêle majeur dans la politique palestinienne. Les Palestiniens, proportionnellement, sont le peuple qui a le plus de prisonniers sur terre.

De 1967 à ce jour, sur les 3,6 millions d’habitants des territoires occupés, plus de 600 000 ont été incarcérés dans des prisons israéliennes pour des périodes non inférieures à une semaine, et allant jusqu’à la perpétuité.

Cette expérience carcérale a, de plus, été particulièrement traumatique : l’association israélienne de défense des droits de l’homme B’tselem estime que 80 % des prisonniers palestiniens sont torturés, alors que l’association palestinienne Palestinian Prisoner Society estime que ce sont non moins de 106 Palestiniens qui ont été tués ou sont morts au cours d’interrogatoires, de grèves de la faim ou en raison de manque de soins médicaux appropriés.

Si, historiquement, la question des prisonniers est un problème qui concerne l’ensemble de la société palestinienne, il est important de prendre conscience du fait que les prisonniers ont également un rêle politique et un statut social importants dans le mouvement national palestinien, étant donné qu’ils en représentent des éléments parmi les plus dynamiques, charismatiques et radicaux. Les quinze membres du Parlement qui viennent d’être élus ne sont pas des exceptions à cette règle.

Un bref rappel de leurs biographies nous donne un éclairage appréciable sur la nouvelle géographie des forces politiques qui composent le mouvement national palestinien, au lendemain de la victoire électorale du Hamas.

Ceci vaut tout aussi bien pour les personnalités qui ont émergé et appartiennent à la liste électorale du Hamas elle-même (et qui sont moins connues pour les personnes étrangères à la Palestine), que pour certaines caractéristiques politiques communes que nous pouvons repérer parmi tous les prisonniers qui ont remporté un siège au Conseil Législatif Palestinien lors de ces dernières élections.



Les prisonniers du Hamas :

1. Sheikh Hassan Yousef :
Cinquante ans, originaire du village de Janiyéh, à l’ouest de Ramallah.
A étudié la shari’a [loi islamique] en Jordanie et la pédagogie à l’université de Birzeit.
Est connu pour sa participation à la coalition des Forces Nationales et Islamiques à Ramallah, qui a essayé de dégager une direction stratégique trans-factionnelle, au début de la seconde Intifada.
Le 10 avril 2006, il a surpris beaucoup de monde en apparaissant sur l’Esplanade des Mosquées afin de la défendre contre des fondamentalistes juifs qui tentaient de l’investir.


2. Mohammed Al Natsheh :
Quarante-sept ans, Hébron. Natsheh était en quatrième position sur la liste Changement et Réforme [= la liste électorale emmenée par le Hamas].
Il a étudié la shari’a en Jordanie.
Al-Natshé avait déjà été à huit reprises par les autorités israéliennes d’occupation, et expulsé vers Marj az-Zuhûr, au Sud Liban, en 1992, où il resta neuf mois.
Actuellement condamné à huit ans d’emprisonnement.


3. Dr. Omar Abdel Razek :
Né dans le village de Salfit, en 1958. Professeur d’économie à l’université An-Najâh de Naplouse.
Abdel Razek occupait la seizième place sur la liste du Hamas.
Chercheur au Palestine Economic Policy Research Institute de Ramallah, il a obtenu un doctorat (PhD) d’économie à l’université du Iowa en 1986.
Il a remporté plusieurs prix par ses ouvrages et ses recherches.
Il avait déjà été arrêté à deux reprises par les Israéliens, et emprisonné "administrativement" - une forme de détention pour laquelle Israël n’a à fournir ni preuves ni condamnation contre un détenu, qui peut être emprisonné indéfiniment pour des périodes renouvelables de six mois.
Il est actuellement emprisonné au centre d’interrogatoires de Moscobiya, à Jérusalem.


4. Ibrahim Abu Salem :
Né en 1948 dans le village d’As-Sidréh, près de Ramléh, sa famille s’est enfuie, cette même année, pour Bir Nabala, près de Jérusalem.
Titulaire d’un diplême d’études islamiques jordanien et d’une maîtrise avec mention de l’Université Al-Azhar (du Caire).
En détention administrative depuis septembre 2005, sa peine vient d’être renouvelée pour trois mois.


5. Ahmed Ali Al Haj Ali :
Né en 1940 dans le village détruit de Qaisariyyéh, près de Haïfa.
En 1948, sa famille s’est réfugié en Cisjordanie , et elle a fini par s’établir dans le camp de Ein Beït el-Mâ’, à Naplouse.
Diplêmé en droit musulman de l’Université de Damas en 1974, il a obtenu une maîtrise d’islamologie à l’université An-Najâh de Naplouse en 1994.
A été expulsé à Marj az-Zuhûr, au Sud Liban, en 1993.
Détenu administratif à Ansar III (horrible camp de tentes israélien de détention).


6. Fathi Al Qar'awi :
Né en 1958, dans une famille de réfugiés originaires du village détruit de Sabbarin, près de Haïfa.
Sa famille a vécu dans le camp de réfugiés Nûr ash-Shams, près de Tulkarem, puis elle a déménagé dans le village voisin de Ramin. Al-Qar’awi occupait la treizième place de la liste Changement et Réforme.
Titulaire d’un diplême de droit islamique de l’université de Jordanie, il a été lui aussi déporté au Sud-Liban.
Il a été arrêté en 2002, détenu tout d’abord "administrativement" pendant huit mois, puis accusé d’"appartenance à une organisation terroriste et de constitution d’une menace pour la sécurité régionale".


7. Hatem Qafisheh :
Homme d’affaires propriétaire d’une agence de tourisme qui participe notamment à l’organisation de pèlerinages à La Mecque.
Il a étudié l’histoire contemporaine du Moyen-Orient et l’islamologie, ses études ayant été interrompues par son arrestation.
Qafisheh est un ancien déporté à Marj az-Zuhûr, et il a survécu au massacre d’Hébron, en 1994, dans lequel vingt-neuf fidèles palestiniens furent assassinés dans la mosquée par un citoyen américano-israélien, Baruch Goldstein, au cours de la prière du matin.
Il a été arrêté et détenu 27 mois après ces événements, et il est un des leaders de l’"Intifada des détenus administratifs", un mouvement consistant en des grèves de la faim pour revendiquer leurs droits, mené par des prisonniers dans les prisons de Mejiddo, Damoun et Telmond, au milieu des années 1990.


8. Dr Azzam Al Tamimi :
Né en 1956, à Hébron. A étudié l’islam à l’Université islamique de La Mecque, titulaire d’un doctorat.
A été emprisonné à huit reprises, et déporté au Sud-Liban en 1993.
Purge actuellement une détention administrative de six mois dans la prison d’Ofer.
A été emprisonné pour "incitations" et "activités politiques et sociales".


9. Nizar Ramadan :
Journaliste ; 45 ans, père de huit enfants.
Diplêmé de sciences islamiques de l’Université de Shari’a d’Hébron, et d’une maîtrise en études islamiques contemporaines de l’Université Al-Quds (Abu Dis).
A travaillé comme correspondant pour plusieurs médias imprimés et sur le ouèbe, dont Al-Sharq al-Awsat (Qatar, durant sept ans), Al-Jazeera Net (responsable de la couverture des fichiers d’informations relatives à Israël), Islam online, Al-Usra (Hollande), Al-Wifâq (Iran) et Al-Quds Press.


10. Mohammed Abu Jahisheh :
50 ans, du village d’Ithna, près d’Hébron.
Père de treize enfants.
Titulaire d’une licence et d’une maîtrise en études islamiques de l’Université islamique de La Mecque, il prépare un doctorat de sciences appliquées à l’université de Sana’a, au Yémen.
En détention administrative depuis six mois.
Il a joué un rêle leader dans plusieurs comités et associations de base (dont sa participation au Conseil tribal de sa localité), dans le district d’Hébron.
Il est juge élu en matière de shari’a (qâdî), et il a été lui aussi déporté vers le Sud Liban en 1992.


11. Khaled Tafesh :
Né en 1964, à Bethléem.
Titulaire d’une licence en études islamiques de l’Université Al-Quds.
A été arrêté en 2002, lors de l’incursion israélienne à Bethléem, et condamné à quatre ans et demi de prison.
Avait été déporté au Sud-Liban.



Les candidats du Fatah :

12. Marwan Barghouti :
Un des plus célèbres prisonniers et dirigeants politiques palestiniens. Etait la tête de liste du Fatah.
A joué un rêle majeur dans la direction de l’Intifada ; Marwan Barghouti est considéré comme l’un des principaux "héritiers" d’Arafat, susceptible de diriger le Fatah à l’avenir.
Arrêté en avril 2002, il purge actuellement l’équivalent de cinq condamnations à vie dans une prison en Israël. Il est secrétaire général du Fatah pour la Cisjordanie , et il a été expulsé vers la Jordanie, après avoir été un dirigeant des étudiants de l’Université de Birzeit.
Après son retour en Cisjordanie , en 1994, Barghouti a terminé sa maîtrise de relations internationales à Birzeit, et il a été élu député au Conseil Législatif Palestinien en 1996.
Il a joué un rêle essentiel dans l’obtention d’un cessez-le-feu respecté par toutes les factions palestiniennes, en 2003, en dépit du fait qu’il était lui-même prisonnier.


13. Jamal Hweil :
26ème candidat sur la liste du Fatah.
Né en 1970 dans le camp de réfugiés de Jénine, Jamal est le frère jumeau de Najib Hweil, un des fondateurs du mouvement des Panthères Noires à Jénine, une formation paramilitaire dépendante du Fatah, lors de la première Intifada (1987). ( Najib a été assassiné par un escadron de la mort israélien en mars 1991).
Jamal a obtenu en1995 un diplême d’économie et sciences sociales de l’Université jordanienne, et il a été employé dans un organisme économique rattaché au Conseil Législatif.
Il est secrétaire général de la maison des jeunes / centre social du camp de réfugiés de Jénine, et il a vécu plusieurs années caché, en tant qu’activiste recherché, au début de l’Intifada.
Il a joué un rêle actif dans l’organisation du camp de Jénine, en avril 2002, dont l’invasion a causé la destruction de plus de 400 maisons, 23 soldats israéliens trouvant la mort dans la défense acharnée de ce camp.
Il a été arrêté durant cette invasion.


14. Abu Ali Yatta :
Né en 1956, trois enfants, Abu Ali est originaire de la ville de Yatta, au sud d’Hébron.
Il était le second sur la liste du Fatah, position due au fait qu’il est un des plus anciens prisonniers de cette formation.
Après avoir rejoint le Fatah, au début des années 1970, il a été arrêté, en 1980, après avoir dirigé une action armée qui eut pour conséquence l’élimination d’un des principaux leaders des colons israéliens à Hébron.
Actuellement condamné à deux sentences à perpétuité.
Il souffre de problèmes de santé, dus à son emprisonnement durant des années, dans des conditions insalubres et sans traitement médical approprié – notamment problèmes de vue et cardiaques.
Il convient de noter qu’Abu Ali représente les prisonniers du Fatah qui n’ont jamais été libérés, comme prévu par le processus d’Oslo.



Le candidat du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) :

15. Ahmed Sa'dat :
Dirigeant (secrétaire général) élu du FPLP, Sa’dat a succédé à Abu Ali Mustafa, lequel a été assassiné par Israël en août 2001.
Il est le seul parlementaire palestinien incarcéré dans une prison de l’Autorité palestinienne, après son arrestation, en novembre 2001, par celle-ci, pour son implication alléguée dans l’assassinat d’un ancien ministre israélien du tourisme, Rehev’am Ze’evi (lequel était le chef du parti israélien du Transfert, un des partis israéliens les plus ouvertement racistes et fanatiques représentés à la Knesset).
Il n’a jamais été jugé par l’Autorité palestinienne, mais il a été emprisonné à Jéricho avc quatre autres prisonniers, l’Autorité palestinienne ayant passé un marché avec Israël et les Etats-Unis, qui aurait dû aboutir à la fin du siège du QG d’Arafat à Ramallah, pendant quarante jours.
Sa’dat est né à El-Bireh en 1953, dans une famille de réfugiés chassés de leur village de Deir Tarif, près de la ville palestinienne d’Al-Ramléh, entièrement vidée de sa population palestinienne.
Sa’dat était actif, durant sa vie d’étudiant, à partir de 1969, et il a été emprisonné à huit reprises par les Israéliens, et trois fois par l’Autorité palestinienne : au total, il a passé plus de quatorze années de sa vie dans diverses prisons.


Il convient de noter que deux autres membres du Conseil Législatif, qui viennent d’être élus, sont les dirigeants d’associations qui oeuvrent spécifiquement en direction des prisonniers : Issa Qaraqi’ (Fatah) était président de la Palestinian Prisoner Society (Nadi al-Asîr, à Bethléem), et Khaleda Jarrar [FPLP] était président de l’association de soutien aux prisonniers et de défense de leurs droits humains Ad-Damîr, sise à Al-Biréh.
Qaraqi’ était le 16ème sur la liste du Fatah, et Jarrar était la troisième sur celle du FPLP.



Conclusion

L’élection de ces quinze députés prisonniers au Conseil Législatif Palestinien donne une bonne image de l’ère politique dans laquelle la Palestine se trouve actuellement.

Israël déclarant ouvertement qu’il imposera unilatéralement ses frontières définitives aux Palestiniens, le monde voyant de plus en plus clairement que les Palestiniens n’obtiendront rien d’autre que des ghettos fragmentés et cernés de murailles, entourés par des colonies, des checkpoints, surveillés par des drones sans pilotes, par des miradors, des fils de fer barbelés affûtés comme des lames de rasoir, des tranchées, l’existence de quinze prisonniers, en tant que leadership politique des Palestiniens est véritablement le symbole idoine pour ce que les Palestiniens sont effectivement, dans la réalité : une nation emprisonnée, en lutte pour recouvrer sa liberté.


Dans ce contexte, nul ne devrait se faire d’illusions sur ce que pourrait bien faire le Conseil Législatif Palestinien, étant donné les facteurs inhibant toute action que l’occupation peut susciter, et qu’elle suscitera, n’en doutons pas, afin d’empêcher ce corps législatif d’affirmer un quelconque pouvoir, à supposer qu’il en soit doté.

Il est de fait évident qu’Israël, les Etats-Unis et très vraisemblablement l’Union européenne, joueront un rêle actif dans la tentative d’étouffer économiquement le nouveau parlement palestinien, dans l’espoir que cela l’empêche de formuler un programme original, susceptible de satisfaire aux besoins de l’électorat palestinien qui l’a élu. Israël, de la même manière, fera tout ce qui est en son pouvoir afin de saper la victoire politique à laquelle ces élections ont abouti.

De fait, si quelque chose peut être dit au sujet des candidats prisonniers qui ont conquis des sièges au Conseil Législatif Palestiniens lors de ces élections, c’est que, quelque soit leur affiliation partisane, ils ont tous ouvertement rejeté le modèle de négociations avec Israël sous direction américaine, façon Oslo, et ils ont tous affirmé le droit des Palestiniens à la résistance.

C’est toute une évolution politique, toute une trajectoire politique qui a remporté les élections du 25 janvier 2006 (et non pas seulement le Hamas), et c’est cette trajectoire politique qu’Israël et les Etats-Unis vont s’attacher à désamorcer.



NOTES :

Ce rapport n’aurait pas été possible sans le travail de recherche et les amis de l’agence d’information Ramattan News Agency de Gaza. Ramattan est la meilleure agence d’information de Palestine, et sans doute du monde arabe ; elle diffuse des articles de presse et des analyses de pointe, en arabe (source première) et en anglais (traductions).

Source : www.counterpunch.org/

Traduction : Marcel Charbonnier

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6 février 2006