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ISM France - Archives 2001-2021

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Ramallah -

Arrêtée pour avoir manifesté sans violence

Par

Le 14 mars 2004, j’ai été arrêtée pour avoir participé à une manifestation non violente contre le mur de l’Apartheid dans le village palestinien de Deir Qaddis. J’ai été accusée d’avoir incité à manifester dans la violence et d’avoir agressé la police militaire.
Plus de trente heures après mon arrestation, j¹ai finalement été mise en prison. Les rapports de police contenaient tellement d¹erreurs, que ça m¹a pris onze jours pour sortir de la prison de Nazareth. On m’a finalement relâchée contre une caution de 20 000 shekels, et l'engagement de quitter le pays le 30 mars 2004.

Le 14 mars au matin, un groupe de militants d'ISM, qui habitaient dans le village de Budrus, a été appelé à venir pour une manifestation impromptue au village de Ramallah en Cisjordanie où l¹armée israélienne est en train de construire le mur de l’Apartheid à pas plus de 50 mètres des maisons du village.

Quand nous sommes arrivés au village, une centaine de villageois et six militants israéliens étaient devant le mur de pierre et observaient un bulldozer D-9 ouvrir une piste à travers la terre sur laquelle le mur doit passer. On nous a dit que des dizaines de soldats israéliens et la police des frontières, présents sur le site, utilisaient déjà des balles en caoutchouc, des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes pour disperser les témoins.

En rejoignant la foule, des groupes d¹écoliers du village, il y avait des filles et des garçons, venant dans notre direction en criant et en chantant. Quand les enfants de l¹école atteignirent les abords du village, à au moins 25 mètres des soldats, les troupes se sont mises à tirer des gaz lacrymogènes contre eux. Pendant quelques heures, alors que les villageois et leurs partisans se tenaient tranquillement devant le mur de pierre, les soldats et la police ont lancé sans discontinuer des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes en plein milieu de la foule.

Quand je suis arrivée, j’ai d’abord reconnu pas mal de soldats et de policier présents à Tul Karem quand j’y étais. Bien que la manifestation se déroulât très loin de là, j’ai compris que tous les soldats que je reconnaissais avaient stationné à Tul Karem tout l’hiver. Ils ont eu l¹air de me reconnaître aussi.

Presque à l’instant où je suis arrivée les soldats et la police ont paru me prendre pour cible. Je les voyais qui chuchotaient entre eux en me désignant du doigt et à un moment, alors que j'étais au milieu d¹un groupe important, les soldats sont entrés dans ce groupe pour essayer de m¹arrêter.

Ils n’y sont pas parvenus mais m’ont suivie dans tous mes mouvements, cherchant à m’encercler et à m’arrêter.

J'avais conscience que la chose la plus intelligente pour moi aurait été de partir pour éviter d¹être arrêtée, mais l’idée d¹abandonner les Palestiniens qui nous avaient demandé de venir les soutenir ne me plaisait pas. Aussi ai-je décidé de rester.

Mais les soldats ont réussi à disperser la manifestation avec leur gaz lacrymogène et un groupe de femmes et d’hommes âgés ont décidé de traverser le mur de pierres pour empêcher les bulldozers de travailler.

La plupart des gens semblaient très effrayés et se dirigeaient très lentement là où le bulldozer travaillait. En dépit de l’usage ininterrompu des gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc, le groupe, y compris des militants d¹ISM ont pu atteindre le tracé du bulldozer et arrêter le travail.

Les soldats sont entrés dans la foule et ont commencé à frapper et à bousculer les gens pour les faire partir. Je faisais partie d¹un groupe de dix internationaux qui, en faisant la chaîne, essayaient de rester avec les Palestiniens et les Palestiniennes.

Des policiers des frontières se sont approchés et ont commencé à nous tabasser avec leurs matraques et à nous repousser au delà d’énormes rochers. Au moment où nous nous étions rapprochés de la police, et où ils cherchaient à nous attraper, un certain nombre d¹entre nous leur parlaient, leur disaient que nous étions des pacifistes, et leur demandaient de réfléchir à ce qu’ils feraient s’il s’agissait de leur terre. Les policiers ont répondu que cet endroit était leur terre, que cet endroit était Israël et que les «Arabes» n¹avaient aucun droit ici.

Cela s’est passé quand ils essayaient de m’attraper et de me séparer de mes amis. Certains policiers des frontières ­deux fois grands comme moi, qui avaient essayé de m’attraper au cours de la journée, ont finalement mis la main sur moi. Bien que des tas d’internationaux aient essayé de me libérer des policiers qui me maîtrisaient, ils n’y sont pas parvenus.

Les policiers m’ont brutalement traînée et jetée par terre. Un des policiers m¹a laissée à côte des soldats tandis qu’un autre essayait de me menotter les mains derrière le dos, un de mes bras croisés par dessus mon épaule et l’autre en dessous. J¹avais l’impression que mon épaule allait se déboîter ou se fracturer. J¹ai hurlé aux policiers que je voulais coopérer et qu¹ils me faisaient mal. Le policier qui me manipulait l’épaule m’a ri au nez et ils ont continué.

Au même moment, l¹un des policiers de la frontière tenait mes lunettes dans les mains et me criait de les mettre. Je lui ai dit qu¹il savait que j¹avais les bras attachés derrière le dos, et qu¹il était impossible de répondre à son ordre. A ce moment-là, ils ont réussi à me menotter, les menottes étaient extrêmement serrées et me coupaient la circulation. On m’a emmenée à bord d¹une jeep de police qui attendait non loin de la manifestation, et j¹ai dû attendre au moins trois quarts d¹heure avant d¹être emmenée au poste de police.

Près de la jeep, des tas de soldats et de policiers des frontières m¹ont insultée parce que j¹étais du côté des Palestiniens, m’ont traitée de pute et m’ont poussée à l’intérieur de la jeep. Ils ont ironisé sur le fait qu’ils m’avaient attrapée et m’ont dit que j aurais mieux fait de me déguiser.

Pendant qu’ils me jetaient dans la jeep pour quitter le site, des soldats m¹ont menacée de me battre avec leurs matraques, en faisant des moulinets avec les matraques à côté de mes jambes et de ma tête et en rigolant. J¹étais effrayée; je suis petite et j’étais seule, menottée, collée à l¹arrière d¹une jeep avec des soldats qui, de toute évidence, me détestaient et voulaient me faire mal.

J¹ai d’abord été transportée hors du site sur une route de colons où on m’a sortie de la jeep et obligée à m’agenouiller sur le bord de la route.
On m’a gardée là, agenouillée, toujours menottée derrière le dos, avec des soldats autour de moi. Un des soldats, qui m¹avait touchée et avait menacé de me battre dans la voiture, a mis son casque sur ma tête et a commencé à prendre des photos. Ils ont discuté du fait qu’ils allaient me jeter par dessus le mur sur la route et m’envoyer tomber, toujours menotter dans le canyon en dessous.

En fait ils m¹ont emmenée dans une colonie où j¹ai changé de véhicule et j¹ai été envoyée à Pisgat Zeev, une colonie de la région de Jérusalem. A Pisgat Zeev j¹ai été interrogée et détenue pendant sept heures. On m¹a alors déclaré que j¹étais accusée d¹incitation à la violence et à agression contre la police.

On m¹a dit aussi que j¹était illégale dans ce pays et que j¹allais être expulsée. Pendant sept heures entières j'ai été détenue à ce poste, et tandis que j¹étais assise seule dans une des pièces, des policiers entraient un par un et me hurlaient qu’ils haïssaient les «Arabes » et moi pareil parce que je les soutenais.

Au bout de ces 7 heures où j¹ai été en but à la haine pure et dure, à des situations dont je n¹avais jamais fait l¹expérience auparavant, je me suis mise à pleurer. Toutes les émotions et toute la colère de la manifestation, de mon arrestation, de toute cette haine se déversant sur moi, sortaient avec les larmes. A ce moment les soldats et la police des frontières, qui m¹avaient insultée toute la journée, sont venus avec moi dans la pièce et ont passé une demie heure assis simplement à me regarder pleurer.

Vers onze heures ce soir-là, on m¹a transportée à Russian Compound à Jérusalem. Cette prison est utilisée pour les prisonniers de droit commun et comme centre d¹interrogatoire pour les palestiniens qui y sont détenus des mois durant dans des cellules souterraines et torturés.

Au Russian Compound, on m¹a mise dans une cellule de 5 pieds sur 5, sans fenêtre avec une dalle en ciment pour lit. Douze heures plus tard, on m’a sortie de ma cellule pour m¹emmener à la police de l¹immigration à Talpiot, près de Jérusalem.

Au poste, les insultes ont recommencé et on m¹a dit que ma précédente arrestation en mai 2003 (quand le bureau des medias des ISM avait subit l¹attaque de l¹armée israélienne) on m¹avait relâché sous condition de quitter le pays immédiatement après, que j¹étais illégale dans ce pays et n¹avais aucun visa. Deux de ces accusations étaient bidon.

On ne m¹a jamais demandé de quitter le pays sous condition quand j’ai été arrêtée la première fois et j¹avais demandé le renouvellement de mon visa à l¹expiration du premier, mais j¹attendais la réponse du Ministère de l¹Intérieur.

J¹ai voulu expliquer son erreur à l¹officier mais il m’a dit que même si j¹avais demandé un nouveau visa ­ ce que je n’avais sûrement pas fait disait-il ­ je l¹avais démenti aujourd¹hui et cela voulait dire que j’étais illégale depuis août 2003. On m¹a dit c'était donc pourquoi j¹allais être expulsée sans pouvoir contester. L¹officier m¹a donné à choisir entre être expulsée de mon propre chef aujourd¹hui ou retourner en prison pour deux semaines et être alors expulsée. J¹ai choisi la prison.

Sur le chemin de ce qui était, m¹a-t-on dit, la prison de Hadera, j’ai d¹abord été emmenée à la cellule des détenus pour expulsion de l¹aéroport BenGourion. A l¹aéroport, la sécurité à commencé par fouiller mes bagages, et est devenue extrêmement méfiante et agressive quand elle a découvert des tickets de bus et des magazines en arabe.

Ils m’ont collée dans un coin, et se sont réunis pour se pencher sur mes rapports de police (qui étaient pleins d¹inexactitudes, comme l¹accusation d¹avoir agressé les officiers de police, etc).

Ils ont chuchoté, murmurant et me désignant avec des regards de dégoût. Je n¹ai pas cessé de leur dire que j’étais en prison de ma propre volonté, que je n’étais pas là pour prendre un avion, qu'ils n’avaient pas besoin de fouiller mes affaires. Ils m’ont ordonné de me tenir tranquille. Ils m¹ont dit qu’ils faisaient leur travail et qu’ils fouilleraient mes affaires.

Après cinq heures, on m’a ramenée en prison. Quand nous sommes arrivés à Hadera, on m¹a dit que c¹était là que je serais détenue.
En traversant Hadera, j¹ai compris que nous n¹allions pas nous y arrêter.

Les officiers m¹ont dit que je devais aller en cellule d¹expulsion à Nazareth. Mes affaires ont une fois de plus été fouillées quand je suis arrivée en cellule, avec la même méfiance et la même agressivité quand les officiers ont mis la mains sur les objets écrits en arabe.

J’ai demandé à ceux qui m¹ont questionnée si c¹était un crime d¹avoir des écrits en arabe. Je n¹ai jamais reçu de réponse.

Plus de trente heures après mon arrestation, j¹ai finalement été mise en prison. Les rapports de police contenaient tellement d¹erreurs, que ça m¹a pris onze jours pour sortir de la prison de Nazareth. On m’a finalement relâchée contre une caution de 20 000 shekels, et l'engagement de quitter le pays le 30 mars 2004.

C¹est un départ volontaire, et il ne sera pas considéré comme une expulsion. On m¹a dit aussi que jusqu¹à plus amples informations, cette arrestation et la précédente ne m¹empêcheraient pas d’entrer, à l’avenir de nouveau dans le pays.`

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : CS pour ISM-France

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