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ISM France - Archives 2001-2021

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Tulkarem -

Tulkarem : Parmi les olives

Par

L’ International Solidarity Movement est une organisation non-gouvernementale palestinienne regroupant des pacifistes palestiniens et internationaux travaillant à promouvoir la lutte pour la liberté en Palestine et pour la fin de l’occupation israélienne. Nous utilisons des méthodes de résistance non-violentes et des actions directes pour affronter et défier les Forces illégales d’occupation israélienne et leur politique.

Dans cet e-mail, nous essaierons de vous faire partager au mieux ce que nous avons vu, ressenti, et entendu. Nous ne sommes pas palestiniennes, et nous ne pouvons pas parler pour les Palestiniens, nous ne sommes que des observateurs arrivant de pays privilégiés. Quand nous écrivons "Palestine", c’est en soi une affirmation politique.
Certains dénient l’existence de la Palestine. Après avoir approché les oliviers que les Palestiniens plantent depuis plus de quatre générations, nous savons que la Palestine existe.

Nous revenons de Tulkarem, une ville de Cisjordanie en bordure d’Israël.

Dans le taxi, une femme montre deux camps de réfugiés qui s’étendent à la périphérie de la ville.

Plus tard nous apprendrons qu’à ce moment-là l’armée israélienne lançait un raid sur le camp, à la poursuite d’hommes recherchés. Des Palestiniens ont été arrêtés, des femmes et des enfants bloqués dans le camp, et un bâtiment de plus a été brûlé.
Dans le camp, le couvre-feu a été renforcé condamnant les gens enfermés à rester là où ils se trouvaient, sans nourriture ni accès au reste de leurs familles.

Deux maisons du camp ont été détruites depuis. Ces faits nous sont connus grâce aux rapport des internationaux qui étaient dans le camp avec l’International Solidarity Movement (ISM).

Parce que nous n’avions pas encore le bon entraînement, nous ne sommes pas entrés dans le camp.
Nous préférons ne pas avoir à expliquer des choses que nous n’avons pas vues personnellement; nous pensons pourtant que nous pouvons en parler ici pour que vous compreniez bien l’instabilité qui règne en Palestine.

De ce que nous avons entendu dire jusqu’à présent, n’importe quel semblant de normalité peut se disloquer n’importe quand.

Pour en savoir plus sur le travail des ISM, visitez leur website pour savoir comment vous inscrire sur leur liste (le site lui-même n’est pas toujours mis à jour) : www.palsolidarity.org

Nous avons eu le plaisir de rester avec un fermier qui travaille, un syndicaliste et un père qui ressemble étonnamment à Emiliano Zapata, moins le sombrero (il a l’air content de notre remarque). Nous l’appellerons Mohammed.

Après avoir éloquemment expliqué la situation de l’agriculture à Tulkarem, il nous à fait visiter sa ferme. Quand nous sommes arrivés à ses champs le « mur de sécurité » a surgi en face de nous.

La ferme était coupée en deux par la construction du mur et de nouveau en deux par six rouleaux de lames coupants que les soldats tiraient sur le chemin principal de la ferme.
Pendant que nous marchions, nous avons vu les tranchées creusées par les soldats israéliens, les restes de quatre canaux d’irrigation qui avaient été vandalisés par les soldats et ce mur menaçant.

Nous avons commencé à prendre des photos, Mohammed nous a demandé nerveusement de nous abstenir de photographier et du doigt nous a montré une caméra perchée sur le sommet du mur.
Nous ne savions pas s’il y avait des soldats à l’intérieur des miradors, mais si oui Mohammed a dit qu’ils nous interrogeraient en deux secondes..
Les soldats avaient visité la ferme à plusieurs reprises et menacé de les tuer, disant que cette terre était la leur, même si, depuis des générations, la famille de Mohmmed cultivait cette terre.
Devant cette situation nous sommes stupéfaits devant son courage quand il traverse les lames coupantes pour atteindre sa récolte.

Cette famille subit cette forme d’oppression depuis des années.

En 1986, une usine israélienne a été transférée sur la terre qui borde la ferme de Mohammed.
Cette usine, soit dit en passant, avait été obligée de fermer en Israël parce que les citoyens israéliens se plaignaient de la pollution. La justice a donné raison aux Israéliens.
Mohammed et ses voisins se sont plaint quand leurs légumes et leurs arbres fruitiers sont morts. Plus tard, on a expliqué qu’un filtre à effluent avait été brisé, mais ils n’ont reçu aucune indemnisation et leur démarche judiciaire est passée à la trappe.

Les fermiers de Tulkarem se sont réunis pour envoyer de la terre à un laboratoire d’analyses en Israël mais après s’être fait payé, le laboratoire a refusé de communiquer ses résultats.
Ces jours-ci, l'usine continue à travailler, polluant la terre, l'air et l'eau.

Nous avons rencontré un autre fermier dont la terre se situe en bordure de l'usine.

Lui, sa femme et cinq de ses six enfants ont de l'asthme. Ils ne cultivent plus leur terre parce qu'ils craignent cette poussière noire qui se dépose sur leurs récoltes. Les demandes faite par les fermiers de Tulkarem auprès du gouvernement israélien pour obtenir une réglementation et des indemnisations sont restées sans suite; ou plutôt, elle n'ont fait que renforcer les méfaits de l'usine.

Mohammed rejoue pour nous la scène de la tentative d'assassinat dont il a fait l'objet ­ il a échappé par hasard à deux balles tirées depuis le mur arrière de l'usine à un moment où faisait tomber la cendre de sa cigarette.

Il est apparemment trop tenace dans ses efforts pour organiser avec ses voisins (y compris des israéliens à proximité du village) la pression sur l'usine.


Cette nuit, avec la famille de Mohammed, nous regardions sa vidéocassette montrant les soldats israéliens rasant au bulldozer leurs champs en 1996.
C'est incroyable de voir cette tractopelle retourner la terre, les légumes et les arbres fruitiers pendant que la famille et leurs amis se dépêchaient de glaner ce qu'ils pouvaient juste avant que tout ait disparu.

Comme les fermiers, nous ne pourrions imaginer vivre dans cette de violence et voir tout notre travail, notre amour, notre lien à la terre disparaître.

Evidemment, Mohammed et sa famille ont, depuis, remis leur terre en culture.

C'est étonnant comme leur ferme est belle, en dépit de toutes les destructions. Sa femme et son fils étaient dans les champs, cueillant des concombres, des laitues, de la sauge, et des tomates ­ légumes que nous lions avoir plus tard plaisir à manger pour le dîner.
Tout ce qu'ont laissé les bulldozers ce sont les tranchées qui bordent les champs. Quand la famille a demandé aux soldats ce qu'ils avaient fait pour mériter ça, les soldats ont répondu "Rien".

Sept ans plus tard, le mur a été construit sur le même champ.

Surtout, depuis le début de l'Intifada actuelle, les checkpoints qui entourent la Cisjordanie ont réduit la libre circulation des Palestiniens et de leurs marchandises.

Maintenant, dans des régions qu'entoure le Mur d'Apartheid, la plupart des fermiers sont dans l'incapacité de transporter leurs produits agricoles.
L'accès aux marchés au-delà de leurs propres villages est presque totalement perdu. En raison de l'inondation des marchés locaux, le prix que reçoivent les fermiers a dramatiquement chuté.

Beaucoup de Palestiniens nous ont posé cette question :"Si le mur est supposé assurer la sécurité des israéliens contre les palestiniens, alors pourquoi nous sépare-t-il de notre propre peuple et de notre terre" ?

La construction du mur pénétre profondément dans le territoire palestinien, et confisque les cultures. Un fermier que nous avons interviewé près de Tulkarem avait 5000 oliviers, dans la famille depuis bien plus longtemps que son père ne pouvait se souvenir. Ces arbres fournissaient les moyens d'existence de toute la famille (22 familles, 130 personnes).

Pour faire place au mur, 3 000 arbres ont été détruits et les 2 000 arbres restant sont de l'autre côté du mur.
Pour pouvoir moissonner ses olives, il doit d'abord en obtenir l'autorisation du gouvernement israélien. Alors il doit marcher pendant 5 kms jusqu'à l'entrée du mur et faire 5 kms de plus pour revenir à ses arbres, même si les arbres ne sont qu'à quelques mètres de sa maison.

Aucun véhicule n'a l'autorisation d'entrer, si bien qu'ils ne peuvent transporter que ce que leurs ânes peuvent porter.
Cette année pour la première fois, la famille a acheté de l'huile d'olive, alors que les olives pourrissent sur les arbres qui leur appartiennent.
Les obstacles au métier de fermier en Palestine augmentent chaque jour avec la confiscation des terres, la destruction des infrastructures, la perte des marchés, et la destruction des récoltes; des organisations, non gouvernementales et populaires, se battent pour répondre aux besoins des fermiers et leur permettre de survivre.

Non seulement, ils affrontent toutes les difficultés que nous avons décrites, mais ils sont aussi la cible de l'armée israélienne simplement parce qu'ils aident les fermiers à accéder aux infrastructures dont ils ont besoins.

Par exemple, au cours de l'invasion de Ramallah en 2002, le M'a'an Development Center, une organisation non-gouvernementale qui travaille pour le développement durable, a vu son bureau attaqué, ses ordinateurs et ses imprimantes criblés de balles, ses vitres brisées, ses fichés détruites.

Un an plus tôt, un de ses centres à Mad'ha qui contenait la plus importante réserve de graines indigènes en Cisjordanie , a été détruit.

S'ajoutant à la pression d'Israël, les organisations palestiniennes perdent leurs subventions qui sont vitales pour cause de "guerre à la terreur".

A la fin de 2002, la United States Agency for International Development (USAID : Agence Internatinale des Etats Unis pour le développement international) a commencé à suspendre ses subventions aux NGO (organisations non-gouvernementales) qui soutiennent "les organisations terroristes".

La plupart des ONG palestiniennes telles que Ma'an qui ne soutient pas le terrorisme refusent maintenant les subventions de l'USAID parce que les implications tacites interdisent totalement aux organisations de subventionner un militant, même non-violent, de la lutte contre l'occupation.

Dans le cas de Ma'an, cela signifie la perte annuelle de 1,2$ à 1,5 million. Si vous voulez écouter toute l'interview de Sami Hedr, le fondateur du Ma'an Development Center, il peut être obtenu avec notre apport sur : www.vtjp.org

Avec Jon Bauer, nous avons demandé aux gens leur opinion sur l'état actuel de l'Intifada. Quand on parle avec Mohammed il nous dit sa déception de la popularité du Hamas et des autres organisations qui encourage les attentats suicides. Pour un syndicaliste pacifiste comme Mohammed, c'est une faute.

Au moment où il nous expliquait ça, sa fille de 16 ans l'a interrompu pour dire qu'elle soutenait le Hamas. Le débat qui a suivi a été chaud et même plein d'humour, mais pour nous ça a été le moment le plus poignant de notre visite.

La fille de Mohammed a demandé à son père comment il pouvait croire à la paix alors que le mur déchire leur communauté, leur terre, quand leurs installations sont détruites, son neveu tué, Mohammed lui-même ayant été l'objet de plusieurs tentatives d'assassinat, comment croire encore et encore à la paix ?

Enormément de Palestiniens ont perdu espoir en une paix quelle qu'elle soit, et en particulier, beaucoup de jeunes Palestiniens qui n'ont rien connu d'autre que la guerre et l'occupation.

A entendre cette jeune fille, belle et intelligente, qui veut venir apprendre le journalisme en France, dire avec force que les attentats-suicides sont le seul choix laissé aux Palestiniens, on a le coeur brisé.

Nous avons insisté pour savoir si elle voyait le Hamas comme un tout spécifique et quel sorte de futur elle pensait que la Hamas apporterait à la Palestine.
Alors, elle a admis qu'elle ne soutenait pas les idées conservatrices du Hamas surtout à propos des femmes.

De plus en plus de Palestiniens se tournent vers des organisations de droite simplement parce que le mot "paix" a perdu son sens véritable .
Il ne veut plus dire que soumission à l'occupation israélienne.

Les Palestiniens participent à la résistance non-violente depuis le commencement de l'occupation, surtout au cours de la première Intifada, mais ils sont fatigués.

Beaucoup de Palestiniens ont perdu foi dans ces tactiques et ils se tournent vers la lutte armée. Plus les Palestiniens se sentent isolés, et moins ils ont de choix.

Ce qui explique qu'il soit tellement vital que la communauté internationale soutienne les Palestiniens ou, comme dit le slogan, que nous globalisions l'Intifada ( littéralement "débarrasser de" en référence à l'occupation israélienne)

Une des questions à laquelle nous travaillons pour aller plus loin, c'est comment l'Intifada peut devenir un mouvement populaire qui réussisse, au-delà des attentats-suicides, un mouvement qui puisse vraiment libérer les opprimés et l'oppresseur (parce qu'on ne pas être libéré sans que l'autre le soit) et un mouvement qui puisse être une lutte globale.

Nous nous sommes sentis honorés d'être là. Merci à tous ceux qui, chez nous, nous soutiennent et savent que nous faisons de notre mieux pour apporter leur soutien aux gens que nous rencontrons.

Nous avons promis aux Palestiniens que nous avons rencontrés, que nous apporterions leurs histoires aux Etats-Unis, et que nous pouvons tous, avec de la chance, abattre le mur et en finir avec cette occupation immorale.

Au milieu des oliviers
Dans l'amour et la solidarité
Hilary et S'ra



Source : www.palsolidarity.org

Traduction : CS

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