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Jérusalem - 25 avril 2005
Par Lena
A Abu Dis, un petit village à la périphérie de Jérusalem, le mur donne à la route une fin brutale, bloquant ce qui était la route principale entre Jérusalem et Jericho.
Un mur en béton compact d'environ 9 mètres de haut s'étire vers le sud tel un serpent énorme qui sculpte le flanc de colline.
Au nord, il remonte la colline sur environ 50 mètres, après quoi il y a une porte en métal et ensuite le mur d'enceinte d'un bâtiment - un mur normal.
Entre la porte et le prochain mur, il y a une brèche à environ un mètre du sol.
J'ai commencé à photographier une femme qui faisait passer un petit bébé à travers la brèche pour le donner à quelqu'un qui attendait de l'autre côté.
Un moment plus tard, une landrover s'est garée et l'un de ses passagers est sorti pour parler à quelqu'un sur le trottoir. Elle ressemblait à un véhicule de l'armée mais le mot "police" était inscrit sur le côté. J'ai découvert plus tard qu'elle appartenait à la police des frontières - une section particulièrement méchante des forces de sécurité israéliennes.
Ils font partie de l'armée mais aussi de la police et ils ont donc autorité pour arrêter des internationaux.
J'ai bougé mon appareil-photo pour inclure cette scène à la photo.
Le policier a commencé à faire des gestes en ma direction, l'air en colère. Je me suis rendue compte qu'il voulait que j'approche du véhicule mais, je ne sais pas pour quelle raison, je n'ai pas bougé, je suis juste restée à le regarder en tenant l'appareil-photo contre moi.
Il a monté la colline en ma direction et quand il a été plus près, il m'a crié de présenter mes papiers d'identité. Je lui ai dit que je n'avais pas mon passeport sur moi, et j'ai dû le répéter un certain nombre de fois.
Il m'a invité à le suivre vers le véhicule avant de prendre mon sac et le vider sur le trottoir pour le fouiller.
Je lui ai donné le nom de l'hotêl où j'étais et qu'en Angleterre nous n'avions pas toujours nos cartes d'identité sur nous. Il a dit qu'il était interdit de photographier les Forces de Sécurité.
Je me suis excusée et j'ai dit que je ne savais pas, je ne savais pas que je devais toujours avoir mon passeport sur moi, je ne suis qu'une simple touriste. Il m'a dit de retourner à mon hôtel et de prendre mon passeport et alors je pourrais revenir si je le voulais. J'ai accepté et le véhicule s'est éloigné le long de la route qui suit le chemin du mur.
Après le virage, j'ai remis de l'ordre dans mon sac et j'ai regardé l'imposante monstruosité en béton au dessus-de moi. Le gris monotone est truffé de grafittis, y compris des messages de solidarité de personnes du monde entier.
A un endroit, il était écrit : "Les amis ne peuvent pas être séparés". Alors que j'étais assise là, un certain nombre de taxis collectifs se sont garés et ont déposé des groupes de femmes et d'enfants sur la route devant le mur. Ils sont passés devant moi pour monter la colline et se glisser à travers la brèche.
J'ai changé à la hâte le film dans mon appareil-photo et avant que j'aie atteint le passage, il y avait un groupe d'environ 25 personnes qui attendaient pour monter et passer par le trou : une heure de pointe. Les jeunes attendaient pendant que les vieilles dames tentaient de trouver l'équilibre.
"Salam al eykum," ai-je dit à un groupe d'adolescentes qui se tenaient au bord du groupe. "Shalom" a répondu l'une d'elles, l'équivalent en hébreu. Les deux saluts signifient "Paix" – de l'ironie ?
A ce moment-là, je ne pouvais plus retenir mes larmes - c'était ma première expérience du mur depuis mon arrivée - aussi j'ai fait demi-tour et j'ai commencé à marcher vers le haut de la colline, loin d'elles.
Après une courte distance, j'ai réalisé qu'elles me suivaient et je me suis arrêtée et à nouveau retournée. Je suis juste parvenue à dire : "Majnoon!" - "fou" en arabe – en faisant des gestes vers le mur.
Elles ont souri à mes larmes et ont commencé à parler très vite en arabe. Je n'ai compris qu'un mot : "Yalla" qui signifie "Viens". C'était suffisant. Je les ai suivies en direction du trou dans le Mur..
Le groupe était plus petit maintenant mais les gens semblaient plus pressés et quelques jeunes hommes étaient montés sur le mur de l'enceinte.
Très vite, la police des frontières s'est à nouveau garée et cette fois le conducteur m'a parlé, il m'a demandé le nom de mon hôtel et m'a souhaité une bonne journée!
Mais le type qui m'avait parlé au début, un Noir, donc probablement un juif éthiopien, était sur le siège passager et il a continué à me demander de retourner à mon hôtel et de prendre mon passeport.
Je ne pouvais pas faire grand-chose d'autre, aussi j'ai redescendu la colline en direction d'un taxi collectif et je suis restée à côté en attendant que d'autres personnes viennent jusqu'à ce qu'il soit complet.
La landrover est passée devant et s'est arrêté un peu plus loin.
Je me suis retournée vers le groupe et j'ai pris une dernière photo pendant qu'une jeune fille me faisait un signe de la main.
Aucun doute, si j'avais pu passer par le trou, l'une des jeunes filles m'aurait certainement invité à prendre le thé chez elle. Un voisin parlant l'anglais aurait probablement été trouvé, et nous aurions pu avoir un échange. Mais, ce n'a pas été le cas.
J'expérimentais l'impuissance de devoir me prosterner devant une plus Haute Autorité - accordée par qui? Dieu? Ce que les Palestiniens doivent ressentir en permanence.
Quand je me suis retournée vers le taxi j'ai réalisé que le conducteur m'attendait, aussi je suis monté à bord. J'ai dit : "Yalla" et il a souri pendant qu'il mettait le moteur en marche.
Le lendemain, j'ai ressenti, pour la première fois, le désespoir auquel je m'attendais depuis le moment où j'avais fait un pas hors de l'avion en Jordanie.
J'avais seulement passé le checkpoint de Bethlehem, qui fut le premier checkpoint que j'avais traversé lors de mon premier voyage en Palestine. Je me rappelle avoir alors été embrouillée parce que nous passions du territoire palestinien au territoire palestinien et que nous ne franchissions aucune frontière.
Naturellement, il est devenu rapidement évident que les checkpoints étaient partout en Cisjordanie et à Gaza : c'est la réalité d'une occupation militaire.
Quoi qu'il en soit, aujourd'huin la jeune et jolie soldate avec une arme automatique drapée autour d'elle m'a souhaité "une bonne journée" après avoir vérifié mon passeport. J'ai commencé à descendre la rue vers le mur - près du checkpoint de Bethlehem qui ressemble plus ou moins à celui d'Abu Dis - massif, solide et impénétrable.
Le mur divise des familles, sépare les gens de leur terre, bloque les routes commerciales et décourage les touristes.
Comme C, un chrétien local propriétaire d'un coffee-shop qui me dit toujours "que tout a changé". ... mais... C a refusé d'accepter de l'argent pour mon café de bienvenue. Un conducteur de taxi collectif a également refusé mes shekels et il était déçu que je refuse son invitation de rester avec lui et sa famille.
Il semble que la générosité des Palestiniens ne peut pas être vaincue par l'humiliation, la dégradation, la pauvreté.
Hier je me suis émerveillée de la manière dont les gens contournent un obstacle physique énorme et continuent leurs vies sans y prêter attention.
Aujourd'hui je commence à évaluer la force de caractère que cela implique.
Après le mur au checkpoint de Bethlehem, vous devez tourner à gauche et prendre un détour d'environ 15 minutes à pied. Ce n'est pas possible de continuer tout droit sur ce qui était la route principale, car il y a une autre section de mur un peu plus bas.
Entre ces deux sections de mur, il y a le tombeau de Rachel, un site religieux important pour les Juifs. Il semble qu'il soit enterré quelque part dans ungrand complexe militaire, bien que je ne l'aie pas visité cette fois, préférant m'engager petit à petit dans l'occupation ...
Source : www.palsolidarity.org
Traduction : MG pour ISM
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