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USA - 10 novembre 2003
Par James Brooks
James Brooks est écrivain, militant, webmaster et ancien homme d'affaires. Ses articles ont été publiés sur plusieurs sites web couvrant le Proche Orient, le journalisme d'investigation et les politiques alternatives. Actuellement, Brooks travaille comme webmaster pour Vermonters pour une paix juste en Palestine/Israël
Le "Mur de Sécurité" de Cisjordanie s'est progressivement révélé être la colonne vertébrale d'un système nouveau et complet de vol de terres, d'emprisonnement, de punitions collectives.... et pire encore. La question n'est pas de savoir si c'est un "mur politique" ou "une barrière de sécurité" mais si c'est une machine d'épuration ethnique.
L'occupation par Israël des Territoires Palestiniens s'est considérablement transformée au cours des derniers mois. Avec une série de changements politiques, et d'ordres militaires, le "mur de sécurité" de Cisjordanie s'est progressivement révélé être la colonne vertébrale d'un système nouveau et complet de vol de terres, d'emprisonnement, de punitions collectives.... et pire encore. La question n'est pas de savoir si c'est un "mur politique" ou "une barrière de sécurité", mais si c'est une machine d'épuration ethnique.
Lors de ces derniers 90 jours, Israël a clairement établi un modèle d'utilisation de sa "barrière de sécurité" pour interdire aux fermiers palestiniens d'accéder à leurs propres terres. Une grande quantité d'olives dans le Nord de la Cisjordanie sont perdues et pendent lamentablement aux arbres parce que les fermiers ont été littéralement "mis en cage" pendant des semaines. Des villages entiers se sont vus délivrer des permis, ne leur donnant, tout au plus, que deux jours sur toute une année pour cultiver à l'extérieur du mur. Même si vous possédez un permis, il ne vous reste qu'à espérer que les soldats ouvrent le portail quelques minutes le jour prévu et qu'ils l'ouvrent de nouveau quand vous rentrerez chez vous après le travail.
Au cours des 60 derniers jours, Israël a montré sa volonté d'utiliser une force meurtrière pour protéger son « Mur ». Il a rendu public les règles d'engagement et a tué un Palestinien, sans arme, pour avoir désobéi aux ordres : il avait touché le mur.
Au cours de ce derniers mois, Israël a émis de nouveaux ordres militaires qui annulent les droits des Palestiniens qui résident au delà des barrières de vivre dans les maisons qui leurs appartiennent. Les ordres exproprient leurs terres et toutes les terres palestiniennes à l¹Ouest de la « barrière de sécurité » pour créer une «zone fermée» accessible aux seuls Juifs et citoyens d¹Israël. Tous les autres, y compris les gens qui vivent là, doivent demander un permis à l'armée israélienne. A la fin de l¹année prochaine, c¹est au moins 210 000 Palestiniens qui seront probablement soumis aux mêmes ordres.
Ne se satisfaisant plus d'évacuer la question de la Palestine jusqu'à ce qu'elle finisse par disparaître, Israël utilise maintenant la « clôture de sécurité » pour véhiculer ses méthodes les plus rapides et les plus manifestes d'épuration ethnique à grande échelle.
Ce pas si grave désormais franchi ouvre la voie à la phase terminale du processus de nettoyage dans lequel des années de persécutions organisées, de brutalité, de fanatisme et de vols, tous ces actes patriotiques nécessaires pour parvenir à déshumaniser un autre peuple, aboutissent finalement à déshumaniser radicalement ceux qui les perpétuent.
Dès cet instant, il est simple d'utiliser la bureaucratie de l'Etat pour liquider l'existence même d'un peuple. D'un trait de plume, toute une région peut être « Judaïsée » avec la certitude que ce sera très vite suivi des conséquences que cela entraîne.
En fait, ils ne feraient pas cela, n'est-ce pas ?
Ils ne vont pas expulser un autre quart de million de Palestiniens de leurs terre.. pas maintenant.
Les gens obtiendront leurs permis. N'est-ce pas ?
Mettons tout cela en perspective.
A la fin de cet été, l'occupation par Israël a réduit le peuple palestinien à un niveau de pauvreté de malnutrition égal à celui de l'Afrique sub saharienne, selon les enquêtes des Nations Unies, de la Banque Mondiale et de CARE international.
Le rapporteur des Nations Unies sur le droit à la nourriture a dit à la mi-octobre : « les Territoires Palestiniens Occupés sont à la veille d'une catastrophe humanitaire, résultat de mesures militaires extrêmement dures. On ne peut, en aucun cas, justifier ces durs bouclages internes qui empêchent le peuple d'avoir accès à la nourriture et à l'eau; autrement dit, la mise en place de telles mesures militaires reviennent à mener ce qu'on appelle « une politique de famine ».
Israël a établi un réseau incroyablement dense de points de contrôle militaires, de points de contrôle « volants », de barrages et de clôtures qui ont rendu quasi-impossible les déplacements des Palestiniens de Cisjordanie . Un déplacement de 80 kms peut durer tout une journée, en attente aux points de contrôle des heures durant, en plein air, sans aucun abri. Souvent, cela n'a pas d'importance que vous soyez en train d'avoir un bébé ou que vous saigniez à mort à cause d'une blessure infligée par les Israéliens - vous attendez... Jusqu'à présent, 31 «bébés des points de contrôle» sont morts. (D'un autre côté, n'importe quel juif peut utiliser des routes de contournement, et aller d'un côté à l'autre de la Cisjordanie en quelques minutes).
Depuis qu'Israël a signé les accords d'Oslo, la population des colons a doublé, passant à 390 000, éparpillée en un réseau d'au moins 145 colonies, connectées entre elles par des routes réservées aux Juifs et couvrant la Cisjordanie palestinienne. Depuis le début de l'Intifada il y a trois ans, l'armée israélienne a systématiquement détruit les infrastructures palestiniennes. Des réseaux de distribution d'eau, des puits et des stations de pompage, des systèmes d'évacuation des eaux usées, le téléphone et les réseaux internet, des marchés, des aéroports, des postes de police, des routes, des bâtiments publics, des mosquées et des églises, tous ont fait l'objet d'une attention particulière des bulldozers israéliens, des équipes de dynamiteurs, des hélicoptères de combat et des F16. C'est la version, au ralenti, de ce que la guerre du Golfe a fait à l'Irak.
L'armée va pratiquement partout, attaquant habituellement deux ou trois villes ou villages chaque jour et chaque nuit, laissant un défilé de victimes et de révoltantes violations des droits de l'homme dont les médias américains ne parlent pas souvent. Le pourcentage de morts, des civils innocents, enfants, mères et grand-pères augmente chaque jour, deux, trois, quatre fois plus, qui glissent à travers les failles de l'information ou sont relégués comme pour remplir un onzième paragraphe d'histoires de politique et politiques.
Plus de 41 000 civils palestiniens ont été blessés par le feu israélien au cours des trois dernières années. Les Américains ne parviennent pas à comprendre à quel point cela est constant, et combien l'occupation se fait sentir dans toute la région, 24 heures sur 24, quotidiennement, mois après mois, laissant un chemin toujours plus important de destructions à la fois aveugles et calculées. Même quand ils disent qu'ils se sont retirés, ou qu'ils ont desserré les couvres feu et les barrages,ce n'est pas vrai. En Palestine, tomber dans le panneau de ces vieux mensonges, peut vous coûter la vie.
Croyez-vous qu'une armée comme celle là est disposée à donner des permis aux civils ? Non, une armée comme celle là adore exiger des permis, surtout quand le "sujet" ne peut pas produire de permis. Et c'est, précisément, à ce jeu qu'ils jouent.
Une Palestinienne doit toujours avoir sa carte d'identité de prête, pour indiquer à quel "Bantoustan" elle appartient. Si elle a une carte d'identité cisjordanienne, elle ne peut aller, ni à Jérusalem, ni en Israël, excepté pour de rares soins médicaux. Si elle vit à Jérusalem, elle peut avoir obtenu à la place une carte d'identité cisjordanienne. Ce qui servira plus tard à prouver qu'elle réside illégalement dans la Ville Sainte, ce qui justifiera qu'on lui démolisse sa maison, et qu’on lui confisque sa terre pour "raisons militaires". C'est la politique générale de lui laisser cinq minutes pour récupérer ses effets personnels.
Où qu'elle vive, elle ne recevra certainement aucun permis de construire ou de changer de maison. Si elle le fait, malgré tout, ce sera le motif qu'utilisera l'armée israélienne pour la démolir. Même des maisons plusieurs fois centenaires ont besoin de permis dans certaines zones, que l'armée ne fournit presque jamais. Ces maisons sont de toute façon soumises à la démolition, selon les caprices d'Israël.
Et si la maison d'un Palestinienne se trouve sur le tracé d'une nouvelle route israélienne, pour l'expansion d'une colonie ou pour l'énorme projet de la "barrière de sécurité", ce sera le motif de démolition de la maison et de s'emparer immédiatement des terres, parfois même sans aucun pretexte.C'est continuel depuis bien des années, et s'intégre dans un vaste, projet qui s'accélère, de vols et de dépossession que les Israéliens appellent "Judaïsation".
Désormais, la "barrière de sécurité" creuse d'importantes et nouvelles zones de dépossession, créant par milliers d'invisibles nouveaux permis qui ne seront jamais délivrés. Cela transforme le paysage de l'agression israélienne, qui passe d'une étude faite de plein de miniatures en un champ d'application de plus en plus large,peut-être finalement digne de Delacroix, ou plutôt, parce que ce n'est pas de l'art mais de la réalité, digne de Speer, la vie adorant la mort.
Israël, évidemment, s'apprête, sur sa lancée et cette année, à transformer 15 000 Palestiniens de plus en sans abri. Pourquoi pas 200 000 la prochaine fois ?
Les politiciens américains, d'Howard Dean à Dick Cheney soutiennent le "mur" parce qu'il fait partie du droit qu'a Israël "de se défendre lui-même". Mais ils "préféreraient" qu'il soit construit le long de la Ligne Verte, les frontières palestiniennes reconnues depuis 1967. En même temps "il est impératif" que l'Amérique continue à donner à Israël des milliards de dollars chaque année, pour propager la guerre contre les civils à l'intérieur de la même Ligne Verte. Le déni est la base de l''hypocrisie.
Peut-être avez-vous lu que le "Mur" dévie de la Ligne Verte "de quelques kilomètres à certains endroits" et avez-vous imaginé qu'Israël prenait juste à nouveau un peu plus de terres. Israël prend de nouveau beaucoup de terres. Un projet prévoit que 45% de la Cisjordanie se trouvera entre les mains israéliennes quand le projet sera terminé. Bush et Powell trouve que c'est "problématique".
Le 28 octobre, un responsable du Ministère israélien de la Défense a annoncé que le Mur s'étendra maintenant sur 720 kms soit presque cinq fois la longueur du Mur de Berlin.
Et cela n'inclut pas le "Mur Est", qui commence à amputer la vallée du Jourdain qui glissera dans la nasse israélienne . Quand tout sera fini, peut-être à la fin de l'année prochaine, il y aura trois îles palestiniennes murées, contrôlées par l'armée israélienne; une au Nord, une au Sud et une petite enclave autour de Jéricho, naufragée à l'intérieur du rêve sioniste : un Grand Israël allant de la Méditerranée au Jourdain au moins.
Le porte-parole israélien a estimé à 1.6 milliards de dollars le coût d'un tel "Mur" mais, selon l'Israël's Business Arena (Globes), celui-ci a aussi expliqué que ces chiffres n'incluent pas le coût du "Mur de l'Est", des terminaux du mur, ni tout ce qui doit rendre cette damnée chose opérationnelle. A la fin de la réunion d'information le porte-parole a dit que "le Mur ", y compris les murs Est et Ouest, les terminaux et la maintenance coûteront 15 milliards de shekels (3.3 milliards de dollars) "qu'Israël aura du mal à trouver". Mais, évidemment, les médias américains sont immédiatement tombés d'accord sur le fait que la facture s'élèverait à 1.6 milliards de dollars. Peut-être que "cela fait mieux".
Il est possible que les Etats-Unis mettent à exécution leur menace de déduire les coûts du "Mur" des milliards de dollars de prêts garantis, qu'ils ont promis à Israël cet été. Apparemment, les déductions porteront seulement sur certaines sections courtes qui représentent un "souci" majeur pour les Etats-Unis. L'un des principaux désaccords, c'est le mur qui entoure l'aéroport Ben Gourion. Les Etats-Unis disent que le mur n'est pas nécessaire pour protéger les avions des tirs de lance missiles portables. Israël prétend le contraire.
Suivant des ajustements similaires pour la construction de colonies, des déductions seront arrangées, probablement au seul profit d'Israël. Le ministre des Finances Netanhyau a dit qu'il est improbable qu'il utilise beaucoup plus que le tiers des trois milliards de dollars du prêt de garantie disponible cette année. Ainsi, les Etats-Unis pourraient déduire même la "totalité" du coût du projet ("1,6 milliards de dollars") du prêt de garantie, il ne manquera pas un sou à Israël.
Je recommande au lecteur de regarder les cartes du "mur de sécurité" pour se rendre vraiment compte de la forme que prendra le très prochain futur. Pour avoir une meilleure image de ce à quoi cela ressemblera quand tout sera terminé, consultez la Carte générale de Gush Shalom (1) ou la projection tres détaillée de la Fondation pour une Paix au Moyen Orient ( 2 ). B'tselem vient de publier de très bonnes mises à jour de cartes ( 3 ). Et aussi, nous avons également celle du Ministère de la Défense israélienne lui-même ( 4 ).
Contrairement aux lignes douces et cohérentes de la dévastation décrite par les cartes générales de Gush Shalom, les indications de la carte de l'IDM ( Ministère de la Défense Israélien ) révèlent les dégâts récurrents et douteux causés par un vieil homme obsédé, et auxquels se superposera sur la Terre Sainte, une zone de sécurité de 3OO mètres de large,complètées par des tranchées, des mouchards électroniques, des détecteurs de mouvement, des cameras infra rouge, des barbelés coupants,et la barrière actuelle, que ce soit une clôture, une clôture electrique ou un mur de ciment de 3 à 8 mètres de haut, rempli de miradors.
La carte du Ministère de la Défense israélienne date un peu et montre, avec fausse modestie, la moitié seulement du plan, mais elle n'en est pas moins révélatrice. Elle prévoit que la partie ouest de la Cisjordanie sera parsemée de barrières internes, laissant treize zones complètement murées,séparant encore plus les Juifs des Palestiniens et les Palestiniens d'autres Palestiniens.
Evidemment,la maintenance de chaque kilometre de "Mur " sera obligatoirement exercée par l'armée isralélienne. Si bien que le mur impliquera une présence permanente de l'armée israélienne en Cisjordanie . S'il est besoin d'une base plus avancée, Israël n'aura qu'à contruire un autre mur pour l'encercler.
Bientôt nous entendrons parler de la "croissance naturelle de la barrière de sécurité".
Ce n'est ni "une clôture" ni un "mur" ni une "barrière", mais une machine de guerre, un système de base avancé de plus pour l'armée israélienne, et la superstructure géographique destinée à accélérer la campagne de famine, de dépossession, et d'épuration ethnique.
Quand on regarde attentivement les cartes, absorbant cette hideuse géographie, deux grosses menaces apparaissent, une au Nord, l’autre au Sud, enserrant les entrailles de la Cisjordanie dans une étreinte mortelle. Maintenant les menaces commencent à montrer leurs tentacules, s'insinuant dans la chair, déchirant les chairs du peuple.
Si vous imaginez que de nouvelles "initiatives de paix" ou des résolutions du Congrès ou des Nations Unies ou que les tergiversations idiotes de Bush vont arrêter ce cauchemar sponsorisé par les Etats-Unis d'ici la fin de l'année, c'est que vous n'avez pas prêté attention à ce qui se passe.
Dans le monde d'aujourd'hui, une seule force possède, et la moralité potentielle, et le pouvoir nécessaire pour arrêter ce crime monumental. Et c'est quelque chose que vous devriez déjà avoir: une opinion publique outragée. Cet outrage, vous devez le faire pleuvoir sur les responsables de ce gouvernement aveugle, telle une pluie torrentielle ou alors céder à la honte et à ses conséquences.
Sources
1. http://gush-shalom.org
2. http://www.fmep.org/
3. http://www.btselem.org/
4. http://www.seamzone.mod.gov.il/
Source : www.dissidentvoice.org
Traduction : CS
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Le Mur
James Brooks
10 novembre 2003