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Palestine - 7 décembre 2005
Par Mazin Qumsiyeh
Traduit de l¹anglais par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (transtlaxcala@yahoo.com). Cette traduction est en Copyleft.
La question qui nous est posée – Ã nous tous – est celle de savoir comment nous positionnons notre militantisme, afin d’atteindre cet objectif et d’apporter la paix dans la justice, en tenant compte des changements de paysage en cours et l’évolution importante et rapide des circonstances rappelées plus haut (et il y en a d’autres, Ã venir, ou que j’ai oubliées…).
Des changements rapides sont en cours, sur le terrain, en Israël/Palestine et à l’étranger, avec lesquels beaucoup de monde, dans les médias, dans les milieux militants et dans les cercles politiques ne sont pas encore familiarisés, ni a fortiori à même de mettre au point des stratégies cohérentes permettant d’y faire face :
1) Les primaires pour la désignation des candidats du Fatah, en Cisjordanie et à Gaza, ont balayé bon nombre des candidats de la vieille garde, en faveur de militants plus jeunes du Fatah et de militants prisonniers en Israël (tel Marwan Barghuthi) ;
2) L’éclatement du Likoud, Sharon créant un nouveau parti afin de poursuivre la réalisation du même agenda politique ;
3) Le changement au sein du parti travailliste israélien, qui a amené Amir Peretz à sa tête (pour la première fois, ce parti de gouvernement ne sera pas dirigé par un juif ashkénaze (= européen). Ceci s’est accompagné de la marginalisation de Shimon Peres, père des armes israéliennes de destruction massive (ABC : atomiques, biologiques et chimiques) :
4) La construction spectaculaire et ininterrompue du mur et des barrières d’apartheid autour des villes et villages palestiniens, qui ont un impact dans tous les domaines, depuis la pauvreté jusqu’Ã l’éducation
5) L’intensification du programme visant à réduire les populations palestiniennes chrétienne et musulmane de Jérusalem Est, couplé à une politique de constructions à Jérusalem Est incluant dans l’ère urbaine des colonies illégales telle Maale Adumim ;
6) Intel, qui a annoncé qu’il investirait 1 milliard de dollars à Gaza et 3,5 milliards de dollars en Israël (sur des terres appartenant à des Palestiniens réfugiés à Gaza).
L’annonce de la donation à Gaza a été faite début novembre,
trois semaines avant qu’Intel annonce, aujourd’hui, la construction d’une nouvelle usine à Kiryat Gat (autrefois Irak Al-Manshiya), sur des terres palestiniennes illégalement expropriées par Israël.
Cet investissement d’un montant de 3,5 milliards de dollars était suspendu depuis quatre ans.
Pour le contexte, voir mon article sur ces investissements, publié en 2001, et intitulé : "Intel soutient-il un régime d’apartheid ?' "Is Intel Supporting an Apartheid Regime"
7) Le 9 juillet, publication de l’Appel de la Société civile palestinienne au Boycott, au Désinvestissement et aux Sanctions contre Israël, jusqu’Ã ce que ce pays se conforme au Droit international et aux Principes universels des Droits de l’Homme
8) La montée d’une mobilisation internationale analogue à celle du mouvement visant à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud, et qui appelle au désinvestissement, au boycott et à des sanctions contre Israël (désormais canalisé par l’appel de la société civile palestinienne mentionné plus haut) ;
9) Le début d’une prise de conscience aux Etats-Unis (même parmi les élites), sur le fait que le soutien américain inconditionnel à Israël a vidé de leur signification nos droits constitutionnels et ne sert en rien l’intérêt national des Etats-Unis, et que les partisans d’Israël, aux Etats-Unis, vont trop loin, mettant parfois en danger y compris les intérêts de l’élite (d’où des arrestations récentes, et des enquêtes du FBI concernant des fuites d’informations ultra-confidentielles au bénéfice d’individu travaillant pour l’AIPAC ou de nouvelles tendances dans les partis tant de droite que de gauche, etc…).
On pourrait énumérer encore bien d’autres défis/opportunités concernant Israël/Palestine et aussi les questions d’Irak et d’Afghanistan (où la résistance à la politique états-unienne est croissante, tant sur le terrain que dans l’ensemble du monde).
Il y a des textes, qui circulent sur Internet, au sujet de ces évolutions, de ce qu’elles signifient et de la manière dont nous devrions nous positionner par rapport à elles. Ces textes et ces discussions n’ont pas encore trouvé leur voie vers les médias consensuels, ni à fortiori vers les consciences américaines ou israéliennes moyennes.
Nous pouvons assurément prendre ces questions en main et repenser nos stratégies, afin qu’elles initient une évolution plus rapide en vue d’atteindre les objectifs recherchés de paix dans la justice.
Nous avons à notre disposition les moellons intellectuels et organisationnels à notre disposition, sous la forme des militants dont nous avons le plus grand besoin. Et le temps est venu ; la situation est mûre.
Bien sûr, ceux qui s’impliquent directement dans chacun de ces domaines le font en fonction de leurs propres sphères d’intérêt.
Toutefois, lors de mes conversations avec des centaines de militants et de dirigeants politiques, au cours des derniers mois, une vaste majorité admettait que nous risquons de perdre toute la forêt en nous focalisant sur tel ou tel arbre en particulier et que, plus important encore, nous pouvons nous focaliser sur notre propre arbre préféré, tout en ne cherchant pas à comprendre comment interagissent les forces dans notre environnement rapproché [désolé pour mes métaphores, qui font souvent appel à ma formation de biologiste – déformation professionnelle…]
Le paysage/écosystème politique, délicatement interconnecté et néanmoins en évolution incessante comprend nous-mêmes, les citoyens, et nous sommes en mesure d’en déterminer la forme future.
Les médias consensuels américains (New York Times, Washington Post, CNN, Fox News, etc) restent préoccupés non pas par le prix de l’occupation, ni de ses premières victimes (le peuple irakien), mais bien par les machinations politiques qui entourent le fiasco irakien.
Sans doute une des principales raisons pour lesquelles tant les sionistes néocons que les sionistes libéraux ont soutenu la guerre contre l’Irak était que cette guerre créait une distraction de la véritable cause de l’instabilité et de la violence au Moyen-Orient, instabilité et violence qui débordent de cette région du monde pour se transmettre à d’autres pays.
Il est aujourd’hui bien établi empiriquement que le lobby israélien a travaillé au sein du parti démocrate, au sein du parti républicain, et au sein des médias (grâce à certains chroniqueurs et éditorialistes populaires), afin de faire monter les battements du tam-tam en faveur de la guerre et de marginaliser des gens tel le Sénateur Byrd et les Représentants Paul Findley, Cynthia McKinney et Dennis Kuccinich.
Comme l’ont exprimé les néocons dans leurs "mémoires" et leurs "documents d’investigation" remontant au début des années 1990, le renversement du régime de Saddam Hussaïn était "bon" pour des "alliés" tel Israël, et pour la domination d’atouts stratégiques américains
Mais revenons à la manière dont les changements mentionnés plus haut (ainsi que d’autres) doivent être analysés à fond, ensemble, et être compris en particulier par ceux qui recherchent authentiquement la paix dans la justice.
Je ne parle pas ici de ceux qui affirment rechercher la paix (quelle que soit par ailleurs leur définition de ce qu’est la justice), alors qu’en réalité, ils ne font que prêner la pacification. Nuance !
De véritables militants de la paix soutiennent (sans réserve) la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, y compris les droits de tous les peuples autochtones.
Cette Déclaration contredit les lois israéliennes fondamentales, qui dénient aux Palestiniens réfugiés le droit de retourner chez eux tout en affirmant que tout juif (y compris converti) est un "citoyen israélien" (= appartient au "peuple d’Israël") et a un "droit" Ã la citoyenneté israélienne automatique, qui lui donne y compris le droit de s’installer comme colon sur le territoire palestinien.
Que prévoient ceux qui veulent voir Israël évoluer afin d’intégrer les changements en cours ?
Prenons la déclaration des artistes israéliens qui affirme : "Si l’Etat d’Israël aspire à se percevoir comme une démocratie, il doit abandonner une bonne fois pour toute, toute fondement légal et idéologique à une discrimination multiforme : religieuse, ethnique et démographique. L’Etat d’Israël doit tout faire afin de devenir l’Etat de tous ses citoyens. Nous appelons à l’abrogation de toutes les lois qui font d’Israël un pays d’apartheid, dont la loi juive dite "du retour " sous sa forme actuelle." [Déclaration des artistes, 2002]
La question qui nous est posée – Ã nous tous – est celle de savoir comment nous positionnons notre militantisme, afin d’atteindre cet objectif et d’apporter la paix dans la justice, en tenant compte des changements de paysage en cours et l’évolution importante et rapide des circonstances rappelées plus haut (et il y en a d’autres, Ã venir, ou que j’ai oubliées…).
Des groupes insulaires, croyant en la pureté de leur message vont-ils continuer à faire ce qu’ils ont l’habitude de faire, et croiser les doigts, en espérant que tout ira au mieux ?
Ou nous rassemblerons-nous, comme dans une mêlée de rugby, en mobilisant notre activisme et en coordonnant notre militantisme, selon des méthodes susceptible de produire des stratégies efficaces [= obligation de résultat] et des tactiques idoines permettant de mettre en application lesdites stratégies [depuis la création de capacités au lobbying, en passant par le travail d’information, etc.]
Les six prochains mois seront absolument déterminants, tandis que les dix exemples listés plus haut [et beaucoup d’autres, qui n’ont pas été mentionnés] connaîtront leurs développements propres et que leur impact se fera sentir plus fortement.
Sommes-nous à la hauteur du défi du moment : la construction d’un mouvement digne du vingt-et-unième siècle, qui soit efficacement anti-apartheid, anti-néocolonialisme, et qui soit capable de donner à notre propre avenir la forme d’une famille authentiquement humaine ?
Si vous désirez travailler ensemble sur ces questions, n’hésitez pas à me contacter.
D’autres textes de référence sont en ligne aux URL suivantes :
http://www.qumsiyeh.org/whatyoucando/
http://www.qumsiyeh.org/activistmanual/
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