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Bethléem - 22 août 2003
Par Ghassan Andoni
... et non par la Charité ou la Domination.
Durant ces 20 dernières années, mon travail m`a permis de connaître beaucoup d`organisations internationales et de personnes oeuvrant en Palestine. J`ai rencontré et travaillé avec tant de gens admirables. Des gens passionnés, très dévoués et dotés d`une grande intelligence.
J’ai beaucoup appris à leur contact et j`ai une immense admiration pour ces personnes. Je ressens ici, le besoin de mettre l`accent sur un problème épineux.
Récemment, j’ai participé à un atelier de travail et j`ai fait la connaissance d`une personne très gentille, une éducatrice américaine qui travaille pour une organisation locale palestinienne - en liaison avec l’église. Suite a notre brève conversation, j`ai décidé d`écrire cet article.
Apres qu`elle m`ai dit qu`elle résidait tout près de mon bureau a Beit Sahour, je lui ai demandé, ``Que faite vous en Palestine ?``.
``Je dirige un programme pour apprendre aux enfants palestiniens comment adopter la non-violence comme style de vie``, me répondit-elle en souriant.
``Est ce que ce programme a été établi en coordination avec le Ministère de l`Education Palestinien ?``, lui demandai-je.
``Non. Non, nous travaillons directement avec les enfants et les instituteurs``, me répondit-elle.
Quelque chose me démangeait et j’ai poussé la discussion plus loin. ``Mais qui vous a donné le droit de le faire ?``.
Je sentis que ma question l’avait mise en colère et elle me répondit :
``Ce sont des enfants traumatisés. Ils n`ont que l`autorité des parents et des enseignants pour leur dire ce qu’ils devaient faire ou ne pas faire. Personne ne leur permet de penser autrement et je suis ici pour les aider à changer cela``.
J`étais vraiment désolé de l`avoir forcée à adopter cette attitude défensive. Pourtant, j`avais envie de prolonger cette discussion. ``Ecoutez, travailler avec les enfants est une chose très délicate. Ils ne sont pas encore prêts à faire des choix, ce n`est pas comme avec des adultes.
Pourquoi pensez vous que vous avez le droit de décider à leur place d`un style de vie ?``.
A cet instant, je pense qu`elle a paniqué. Je pense qu’elle ne s’attendait pas à entendre cela de la part d`une personne qui a consacré une grande partie de sa vie à promouvoir et à pratiquer la non-violence.
Aussi, cherchant un moyen de sortir de cette impasse, j’ai essayé de lui expliquer. ``Je me sens très mal à l`aise quand des groupes palestiniens, par exemple le Hamas, organisent des camps d`été et tentent d`influencer directement le comportement des enfants. Bien qu’ils aient le consentement des parents, je pense que sur un plan éthique, c`est une erreur. Ma réaction est la même. ». Je ne pense pas m’être clairement fait comprendre ; en fait, il semble que mes explications n’ont fait qu’aggraver la situation.
Qu`est ce qui a pu motiver cette éducatrice américaine et l’organisation pour laquelle elle travaille? Je crois vraiment que c’est le désir d’aider.
Alors, pourquoi cela me tracasse-t-il ? Je pense que l’aide apportée manque de règles et de bases éthiques.
Sur un plan purement professionnel, elle aurait probablement été d`accord avec mon raisonnement. La nature donne aux parents le droit d’élever et d’éduquer leurs enfants. Les communautés locales, à des degrés divers, sont de facto les environnements dans lesquels les enfants grandissent. Les écoles se sont engagées à partager cette responsabilité basée sur des règles et des principes qui se sont développés historiquement et/ou sont formulés
par une corporation que la communauté reconnaît comme digne de confiance.
Ethiquement parlant, ce sont des corporations légitimes qui, même lorsque des désaccords existent, méritent le respect. Le meilleur moyen de produire un changement désiré est de travailler patiemment pour influencer le système et offrir un consensus différent.
Je me suis demandé sur quelles bases cette aide avait-t-elle été jugée nécessaire. Les Palestiniens manquent t-ils de ressources humaines ? Dans le domaine de l`éducation, je pense que la réponse est un grand NON. Quelqu’un a t-il une idée du nombre de lettrés palestiniens ayant étudié dans les meilleures Universités occidentales qui sont revenus pour vivre et travailler en Palestine ? Vraisemblablement beaucoup trop pour les compter.
Combien d`établissements d`enseignement, les Palestiniens ont t-ils construit pendant ce temps ? des centaines.
Je réalise maintenant que ma première réaction à son projet fut le sentiment d`être insulté. L`injure était que l`on prenne une éducatrice américaine et une association caritative pour décider du destin de nos enfants. Aucune consultation avec le responsable de l’institution Palestinienne n’a été nécessaire. J`avais l`impression que cela correspondait a l`idée d`être
encore une nation sous le joug d’une nation étrangère.
La seconde raison était le sentiment d’être accusé. Cela suggérait que, bien que les Palestiniens disposent de ressources, nous étions une nation incapable de les utiliser ou ayant la volonté de le faire.
L`idée de permettre à des oeuvres de charité et des individus d`intervenir avec des plannings imposés est, pour moi, très dérangeante. Ceci est vrai même si ces individus et organisations ont les plus nobles des intentions et que leurs valeurs soient d`une qualité irréprochable.
Le fond du problème est celui ci. Sont ils ici pour collaborer avec nous ou pour nous donner des ordres ?
Traduit de l'Anglais par E.COLONNA
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Commentaires par Rhonda McCarty
Vous aborder un point extrèmement important qui nous implique tous dans n'importe quel type d'activisme ou de travail humanitaire. C'est un problème universel. C'est une attitude qui se manifeste presque à chaque fois qu'un groupe est dans le besoin. La cavalerie arrive, montée sur un cheval blanc et se prend pour le sauveur. Et bien sûr, elle a toutes les réponses : "si vous faites exactement comme nous, tout ira bien".
C'est une forme de notre ethnocentrisme latent de penser que vous avez besoin de notre expertise, surtout si ce n'est pas le cas. C'est mauvais d'imposer nos valeurs même si celles ci en valent la peine.
Un autre point important que vous nous montrez, c'est que même si les intentions sont bonnes et les valeurs adéquates, les méthodes utilisées et les perceptions des destinataires de l'aide sont cruciales pour amener un changement positif.
Tout individu ou communauté qui est privé de droit possede une force intérieure, un reste de dignité, le rêve de ce qu'ils désirent pour eux, pour leurs enfants et leur futur. A ce moment là, ce dont ils ont réellement besoin en provenance de ceux qui sont plus chanceux, c'est qu’on leur accorde un certain pouvoir.
Ceci vient en étant à l’écoute de leurs rêves, par la connaissance de leurs volontés, et et
attisant leur petite flamme de dignité. Cette approche n'est pas menacée d'être interprétée comme insultante, accusatrice, arrogante, imposante, dominatrice ou dictatoriale, parce qu'il n'y a rien de tel ni dans ce type d’action ni dans cet état d'esprit. Ce n'est même pas de la charité. C'est de l'humanité dans ce qu'il y a de mieux.
C'est basé sur le constat que votre bien-être et le nôtre sont entremêlés, dépendant l'un de l'autre. Notre tâche n'est pas de faire de vous ce que je suis. Elle est de vous donner l'espace et le soutien dont vous avez besoin pour faire surgir le meilleur du potentiel qui est en vous.
En accordant à votre éducatrice américaine le bénéfice du doute, peut être répond -t-elle à une demande des professeurs et des palestiniens qui se sont investis dans son organisation pour aider les enfants à faire murir en eux mêmes un quelque chose qu'ils pourraient, vous devez l'admettre, être prêts à voir un peu plus. J'espère quand même qu'elle ne prendra pas votre discussion avec elle à la légère. Elle a besoin de revoir ses motivations et ses méthodes.
Elle a besoin de se faire rappeler que les américains n'ont pas toutes les réponses et que celles que nous avons ne doivent pas être apportées d'une manière qui n'est pas la bienvenue. Peut être avez vous besoin de parler de nouveau avec elle depuis que vous avez tous deux récupéré de ce choc initial.
Merci de nous avoir rappeler cela.
Rhonda McCarty
Source : www.imemc.org
Traduction : MG
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Non Violence
Ghassan Andoni
22 août 2003