Egypte - 12 février 2011

Allaho Akbar... L'Egypte est enfin libre ! Réflexions sur le triomphe de la révolution égyptienne

Par Khaled Amayreh

Je ne trouve pas les mots pour exprimer l'immensité de ma joie personnelle sur le triomphe spectaculaire de la révolution égyptienne. A mon humble avis, la déposition du tyran Hosni Moubarak, largement considéré comme l'agent le plus fiable d'Israël et des Américains au Moyen Orient, est la nouvelle la plus heureuse que la Oumma arabe et musulmane ait reçu depuis le renversement de l'infâme Shah d'Iran en 1978.

Les Palestiniens de Gaza-ville exultent à l'annonce du départ de Moubarak
[AFP/Mahmud Hams]

Comme le Shah l'a fait avec les Iraniens, Moubarak a martyrisé le peuple égyptien au nom des Etats Unis et d'Israël, prisant la "légitimité" obtenue par sa soumission humiliante à leurs diktats et faisant peu de cas des opinions et des sentiments de son propre peuple.

Dans les rues de Téhéran en 1978, je me souviens des centaines de milliers d'Iraniens criant "Tou Marge Shahe Khae'n Nehzat Edameh dorad" (la lutte continuera jusqu'à la mort du Shah traître).

Aujourd'hui, nous avons une impression de déjà-vu, tandis que des millions d'Egyptiens, exaspérés par 30 ans de répression et d'oppression, criaient sur la Place Tahrir, dans le centre du Caire : "Irhal, Irhal, Irhal", Dégage, dégage, dégage, et "ash-shaab yorid iskat al nezam", le peuple veut que le régime parte.

Moubarak était, dans un certain sens, une réplique moderne du Shah. Ils ont tous les deux attaqué leur peuple pour plaire à leur maître, l'empire du mal nommé Etats Unis. Tout au long de ses années stériles au pouvoir, Moubarak a toujours été l'obligé de Washington, pas du Caire. Il a méprisé le peuple égyptien, le considérant comme de vulgaires insectes à exterminer.

Bien sûr, le tyran a masqué tous ces aspects méprisables sous de fausses prétentions d'indépendance et de patriotisme qu'il a cherchées à vendre aux masses sans illusions jusqu'à ses tout derniers moments au pouvoir. Mais à l'évidence, il était trop tard pour lui.

C'est sans aucun doute un moment euphorique qui submerge et transcende la réalité. Certains parlent déjà de renaissance de l'Egypte, la transformation d'une ère de désespoir en une nouvelle ère d'espoir de liberté, une ère qui verra la restauration de la dignité et de l'humanité du peuple.

Sous les 30 ans de répression, de corruption et d'impuissance de Moubarak, l'Egypte a immensément souffert, reculant dans tous les domaines imaginables. L'industrie, l'agriculture et tous les autres secteurs de production ont connu un état d'effondrement et de paralysie. La stagnation, la corruption ainsi que la soumission humiliante aux puissances étrangères, en particulier Israël, furent les caractéristiques évidentes du régime.

L'auteur de ces lignes, souvent au risque de perdre son boulot, a maintes fois critiqué le régime Moubarak, sans savoir que sa chute n'était qu'une question de temps. C'est une nouvelle extrêmement heureuse.

Voici quelques-uns des articles que j'ai écrits récemment sur l'Egypte, dans lesquels je souligne l'urgente nécessité d'un changement dans le pays. Je ne savais pas que l'Egypte avait rendez-vous avec la Liberté :

- 1 février 2011
Moubarak doit partir

- 1 décembre 2010
Les Etats-Unis sont responsables de la farce électorale égyptienne

- 13 août 2010
Au nom de qui l’Egypte martyrise-t-elle la population de Gaza ?

- 14 avril 2008
Qu'est-ce qui ne va pas avec l'Egypte ?

La victoire de la révolution est vraiment la réalisation d'un grand rêve, encore irréaliste il y a quelques jours. Le triomphe de la révolution montre que la dictature, dans le monde arabe, peut être vaincue. Elle montre qu'aucun tyran, quelque brutales que soient ses forces de sécurité, ne peut vaincre la volonté de liberté du peuple.

Mais cette liberté n'est pas offerte sur un plat d'argent. On n'y parvient qu'avec des sacrifices et du sang versé. En cette occasion, nous devons saluer tous les martyrs de la grande révolution, qui sont morts pour que nous puissions vivre dans la dignité et l'honneur.

Nous, Palestiniens, devons être optimistes quant à cette grande révolution. Au moins maintenant, nous avons au Caire des gens qui peuvent être un atout, et pas un handicap, pour notre lutte pour la libération et la liberté.

Inutile de dire que le régime de Moubarak, au lieu de faire pression sur Israël, a presque toujours fait pression sur les Palestiniens pour qu'ils se soumettent à Israël.

Sa trahison de notre peuple et de notre cause a culminé lors de sa collusion avec Israël pour affamer et martyriser la population de Gaza, à tel point qu'on se demandait, de par le monde, qui torturaient les Gazaouis, Israël ou l'Egypte ?

Un dernier point. Il est difficile de quitter ce sujet sans applaudir le rôle qu'a joué la chaîne de télévision al-Jazeera en mobilisant et en galvanisant le peuple égyptien pour la révolution. Cela s'est produit alors que le défunt régime se démenait fébrilement pour réduire au silence la libre communication de l'information vers et de l'Egypte en coupant les communications internet, en arrêtant et en attaquant les journalistes, et en interdisant les chaînes de télévision libres. Il semble cependant qu'entraver la liberté des médias n'a fait qu'accélérer la chute du régime.

Al-Hamdulillah (Dieu merci), aujourd'hui tous les Egyptiens et tous les Arabes peuvent relever la tête, tandis que 80 millions d'Egyptiens ont montré au monde entier que la liberté a un nom arabe. On l'appelle al hurriya.