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Moyen Orient - 30 avril 2009
Par Nadjib Achour
La lutte du peuple palestinien afin de recouvrer ses droits légitimes a toujours constitué pour les peuples arabes un enjeu majeur. Elle a non seulement permis de maintenir en éveil la nation arabe qui fut constamment soumise aux velléités de domination de l’impérialisme occidental, mais aussi de lier son sort à celui de la Palestine. Le fondateur du parti Baath, Michel Aflak écrivait « que le peuple arabe ne réalisera son unité dans le combat que dans la mesure où il mènera le combat pour l'unité » [1].
Ainsi, en plus d’être une lutte de libération nationale, la révolution palestinienne a incarné, et incarne toujours, le combat qui scellera l’unité des peuples arabe du Maghreb et du Machreq au nom de l’arabisme qui demeure l’un des fondements de leur personnalité.
Cette unité est indispensable pour lutter contre l’impérialisme et ses alliés qui veulent soumettre l’ensemble de la nation arabe, du golf à l’atlantique, à l’hégémonie occidentale. Selon Michel Aflak, « seule la nation arabe, dans sa totalité, avec son vaste territoire, la richesse de son sol et les immenses potentialités créatrices de son peuple sera capable de contrebalancer les forces d’oppression et l’impérialisme » [2].
Au sein de la communauté arabo-musulmane en France, ce lien avec l’arabisme peut être revivifié par le biais du soutien à la cause palestinienne qui demeure souvent la première étape dans la prise de conscience de son moi-arabe et de son appartenance à la sphère civilisationnelle arabo-islamique. Car, la communauté arabo-musulmane subit, depuis près de quarante ans, les affres d’une politique laïco-assimilationniste distillé par les appareils idéologiques de l’Etat français qui s’est évertué à réactualiser sa politique de dépersonnalisation pratiquée naguère en Algérie. Fidèle à ses conceptions coloniales, l’Etat français a voulu pétrir l’enfant d’immigré, en le dépossédant de sa culture originelle arabo-islamique.
Les appareils idéologiques d’Etat français ont tenté de dévitaliser le patrimoine culturel arabe, et les valeurs inhérentes à l’arabisme et de transformer la communauté arabo-islamique en une entité amorphe sans repères, sans identité afin de mieux la dominer et l’exploiter. Ce mécanisme de domination qui est la résultante de la destruction d’un passif culturel fut magnifiquement décrit par l’intellectuel Iranien Ali Shariati qui écrivait « que pour soumettre un peuple, il lui faut aliéner sa culture, car un homme sans culture est docile, vil et demi-sauvage, et la domination d’un tel homme est chose aisé. On peut donc le transformer en chantre de la culture aliénante » [3].
De ce fait, il est impératif que les arabes de la diaspora renouent avec leur identité arabe, avec leur arabisme. Comme l’écrit Sati al-Housri « quiconque se rattache aux pays arabes et parle la langue arabe est un arabe, quel que soit le nom de l’Etat dont il est officiellement un ressortissant et un citoyen , quelle que soit la religion qu’il professe, quelle que soit la doctrine à laquelle il appartient, quelles que soient son origine, sa filiation, l’histoire de sa famille… c’est un arabe » [4]. L’arabisme demeure le meilleur rempart contre l’entreprise de désoriginalisation de la jeunesse arabo-musulmane menée par les appareils idéologiques d’Etat et dont la finalité est l’assimilation. L’arabisme doit lui permettre de reprendre contact avec son patrimoine, d’être soi même et de son peuple, de s’enraciner dans l’authenticité arabe et islamique, et non plus de sursoir aux valeurs assimilationnistes professées par les néo-colonialistes et leurs suppôts.
Aimé Césaire soulignait que « la voie la plus courte vers l’avenir est toujours celle qui passe par l’approfondissement du passé » et la cause palestinienne représente justement ce fil d’Ariane qui opère non seulement chez les arabes de la diaspora une prise de conscience des liens indéfectibles qui les lient à la nation arabe et islamique mais aussi une réappropriation de sa conscience historique. La revalorisation de l’arabisme, par cette réappropriation de sa conscience historique, s’effectue dans la solidarité active avec la résistance du peuple palestinien. Pour que cette action soit effective, il faut être soi même une part vive de la communauté arabo-islamique, un élément de cette énergie populaire toute entière mobilisée pour la révolution Palestinienne. L’émancipation de la communauté arabo-islamique passe irrémédiablement par son renouveau culturel nécessitant son engagement sine qua non. Michel Aflak pour évoquer la nécessité de l’action afin de transformer le monde parlait de « bouleversement ». Ce bouleversement inhérent à l’histoire arabe et qui constituait le postulat explicatif de sa gloire. Aujourd’hui ce bouleversement est plus que nécessaire et celui-ci se matérialise dans le soutien à la cause palestinienne et la revivification de l’arabisme.
Ce soutien à la lutte du peuple palestinien constitue le prélude d’un engagement beaucoup plus large qui revêt les aspects sociaux et culturels évoqués. Pour l’intellectuel Irakien Aziz al-Hajj, figure historique de la gauche nationaliste arabe, la lutte de libération nationale, le combat pour les droits sociaux des exploités et l’autonomie culturelle ainsi que la volonté d’abolir l’oppression impérialiste de toute terre arabe sont indissociables : « la libération nationale de l’impérialisme, la volonté d’abolir les stigmates de l’impérialisme de toute terre arabe et de liquider la division artificielle signifie, essentiellement la libération de larges masses arabes de la pire exploitation qu’ait connue l’humanité, celle des monopoles étrangers, suceurs de sangs, qui accumulent des profits fabuleux au prix de la frustration, de la faim » [5]. Dans la diaspora arabe au début des années 70, les militants du Mouvement des Travailleurs Arabes (MTA) se mobilisèrent en premier lieu au sein les Comités Palestine avant d’élargir engagement l’ensemble des problématiques politiques, sociales et culturelles touchant la diaspora arabe.
En effet, pour les militants du MTA, il existait une similarité de posture liant le travailleur maghrébin au fedaï palestinien, l’un confronté au capitalisme français et l’autre en lutte contre l’impérialisme sioniste et américain. Le MTA, qui prit le relais des Comités Palestine se donna pour objectif de libérer l’initiative des masse répercutant le mot d’ordre de Yasser Arafat qui enjoignait les masses arabes à l’action. La lutte des travailleurs arabes en France faisait partie intégrante de la révolution arabe. Les revendications et les actions du MTA étaient opposées à la doxa assimilationniste de L’Etat pour lequel il y avait obligation pour le travailleur immigré de se fondre dans le « creuset français ». Il se fit l’adepte tant de l’autonomie culturelle que de l’autonomie organisationnelle sur le plan politique. Ainsi ses militants répondaient aux besoins culturels et religieux des travailleurs arabes, tout en prenant part aux luttes sociales dont ils étaient porteurs, notamment par l’organisation de grèves, (soutient des sans papiers, des mal-logés, lutte contre le racisme, combat ouvrier…) tout en continuant à mobiliser pour la Palestine.
La solidarité effective et quotidienne avec la résistance du peuple palestinien et le combat des masses populaires arabes donne des fondements objectifs et matériels au lien existant entre la diaspora arabe et la terre mère. Le soutien à la résistance palestinienne permettra de sortir la communauté arabo-musulmane de la nuit néocoloniale dans laquelle elle est plongée, afin, comme l’écrivait Frantz Fanon, qu’elle puisse « dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir » [6].
Notes de lecture :
[1] Aflak Michel, « nature révolutionnaire de l’unité arabe », février 1953
[2] Aflak Michel, Le point de départ, 1978, page 83
[3] Shariati Ali, L’Oumma et l’Imamat, Beyrouth, Al Bouraq, 2007, page 57
[4] Al-Hucri Cati, « La primauté de l’arabisme », in. Abdel-Malek Anouar, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, Paris. Ed Seuil, 1965, page 155
[5] Al-Hajj Azziz, « Le nationalitarisme arabe, la démocratie et le socialisme », in. Abdel-Malek Anouar, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, op. cit., page 249
[6] Fanon Frantz, Les damnés de la Terre, Paris, Ed. la Découverte 2002, page 197
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