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Palestine - 2 novembre 2012
Par Nour Joudah
Nour Joudah est titulaire d'une maîtrise en études arabes de l'université de Georgetown, avec une spécialisation sur les perspectives politiques de la jeunesse palestinienne en exil. Elle vit et travaille actuellement à Ramallah.
Ces dernières semaines, et en particulier ces derniers jours, j'ai essayé de trier parmi une petite dizaine de réflexions et une petite centaine de conversations qui vaillent la peine d'être relatées. Je me suis creusé la cervelle sur quelque chose de suffisamment concret pour transmettre l'expérience qui consiste à se réveiller chaque matin à deux heures de ma famille inatteignable à Gaza, ou à deux heures de Tel Aviv pour avoir une conversation avec mon oncle préféré, que je n'ai pas vu depuis 10 ans - parce que les permis de quitter la cage expirent au bout de quelques heures. J'ai essayé de prendre des photos et retransmettre un paysage que je redécouvre chaque fois que je saute dans un minibus pour promener un visiteur.
2 faces d'une même médaille : déclaration Balfour, 2.11.1918 ; déclaration Abbas, 2.11.2012
J'ai essayé de faire tout ça mais en vain, parce que je n'arrive pas à me libérer l'esprit des soucis du travail et de la vie quotidienne assez longtemps pour m'asseoir et expliquer ce que signifie de vivre dans la diaspora et en même temps en Palestine.
Et puis ce matin, je me suis réveillée avec ça:
“Je suis allé à Safed, une fois, je veux voir Safed, c'est mon droit de la voir, mais pas d'y vivre. Pour moi, maintenant, la Palestine ce sont les frontières de 67 avec Jérusalem-Est comme capitale. Maintenant et à jamais. Pour moi, c'est la Palestine. Je suis un réfugié, mais je vis à Ramallah, je pense que la Cisjordanie et Gaza sont la Palestine. Et le reste, c'est Israël.” - Mahmoud Abbas (1)
La prochaine fois que quelqu'un me dira que tel mot que j'ai choisi est trop fort ou trop dur pour décrire Abbas, j'imprimerai la transcription de son entretien et je le giflerai avec.
Il y a des jours où, à la lecture de ce genre de propos, une bonne petite riposte me vient à l'esprit et je l'envoie à Al-Bassaleh, la réponse d'Electronic Intifada au site satirique The Onion. Mais aujourd'hui n'est pas ce genre de jour.
Mon père a presque 80 ans et il a plus que le droit de visiter Isdoud. Moi et mes frères et sœurs ont plus que le droit de voir l'herbe de l'endroit où se trouvait autrefois le village. J'ai le droit de revenir et de reconstruire la Palestine. Du sol au plafond. Et il en va de même pour chaque réfugié et ses descendants. Les gamins de Safad qui vivent à Shatila et à Ein el-Hilweh, et dans tous les camps du Liban, ne rêvent pas de votre Ramallah, Monsieur le Président. Ils rêvent de leur Safad.
Si moi ou eux voulons abandonner notre droit au retour, nous vous le ferons savoir.
Ne confondez pas l'épuisement et la frustration de votre peuple avec la capitulation. Ne confondez pas la réorganisation et la réappropriation par les jeunes de leur propre histoire avec un manque d'inspiration. Et, plus important, ne confondez pas le fait d'être une autorité palestinienne locale (et oui, une OLP défunte) avec un blanc-seing perpétuel que vous auraient donné les membres de la diaspora pour parler en leur nom.
Armée ou non, troisième ou quatrième ou cinquième intifada - là n'est pas la question.
Les intifadas et les identités, en et de Palestine, ne sont pas dictées par un seul homme.
Notre résistance et notre communauté sont le produit de débats que nous avons entre nous, et non de déclarations à des présentateurs israéliens.
(1) Mahmoud Abbas, ex-président de l'Autorité palestinienne depuis janvier 2009, à la télévision israélienne Channel 2, interviewé par Udi Segal :
Transcription de l'entretien :
M. Abbas : As far as i am here, in this office, there won't be no armed, third intifada. Never. We don't want to use force, we don't want to use weapons. We want to use diplomacy, to use politics, to use negociations, we want to use peace for resistance, that's it.
U. Segal : Sometimes, your official television for example speaks about Akko, Ramle, Yaffo, as Palestine. You are originally from Tsfat...
M. Abbas : Tsfat, yes, yes !
U. Segal : Do you wish to go there ?
M. Abbas : Of couse, i want to see Safad,
U. Segal : To see or to live ?
M. Abbas : I have visited Safad, for once, I want to see Safad, it's my right to see it, but not to live there.
U. Segal : Is this Palestine, for you ? It's Falasteen ?
M. Abbas : Palestine now is for me 67 borders with East Jerusalem as its capital. This is now and for ever. This is Palestine for me. I am a refugee, but i'm living in Ramallah, I believe that West Band and Gaza is Palestine. And other part is Israël.
Traduction :
M. Abbas : Tant que je serai ici, à ce poste, il n'y aura pas de troisième intifada armée. Jamais. Nous ne voulons pas utiliser la force, nous ne voulons pas utiliser les armes. Nous voulons utiliser la diplomatie, utiliser les négociations, nous voulons utiliser la paix pour la résistance.
U. Segal : Quelquefois, votre télévision officielle parle par exemple d'Akko, Ramle, Yaffo, comme de la Palestine. Vous êtes originaire de Tsfat...
M. Abbas : Tsfat, oui, oui !
U. Segal : Voulez-vous y aller ?
M. Abbas : Bien sûr, je veux voir Safad,
U. Segal : La voir ou y vivre ?
M. Abbas : Je suis allé à Safad, une fois, je veux voir Safad, c'est mon droit de la voir, mais pas d'y vivre.
U. Segal : Pour vous, c'est la Palestine ? C'est Falasteen ?
M. Abbas : Pour moi, maintenant, la Palestine ce sont les frontières de 67 avec Jérusalem Est comme capitale. Maintenant et à jamais. Pour moi, c'est la Palestine. Je suis un réfugié, mais je vis à Ramallah, je pense que la Cisjordanie et Gaza sont la Palestine. Et le reste, c'est Israël.
Source : Electronic Intifada
Traduction : MR pour ISM
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