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Israël - 14 janvier 2005
Par Azmi Bishara
Le Dr Azmi Bishara est membre du Parlement Israélien et habite Nazareth. Il est à la tête de la Coalition Démocratique Nationale "Balad". Cet article en arabe a été publié en anglais sur le website d’AMIN : www.amin.org
Voir les élections palestiniennes comme l’expression d’une souveraineté demande une grande imagination.
La notion suppose que le peuple palestinien soit le seul habitant de Cisjordanie et de Gaza et qu’il puisse ignorer la présence de l’occupation et les crimes qu’elle a perpétrés dès le soir précédant les élections.
Elle suppose qu’il n’est pas important de savoir si les principaux partis politiques y ont participé ou non, de savoir que seulement un tiers des électeurs qualifiés de Cisjordanie et de Gaza se sont inscrits pour voter et que seulement deux tiers d’entre eux ont voté.
A l’époque où un individu de toute classe sociale dans le monde peut comprendre la signification de la liberté politique, la souveraineté politique ne peut plus s’exprimer sans démocratie.
Et il n’est pas possible, on s’en aperçoit, d’imaginer une démocratie sans processus électoral dans le choix des décideurs, processus qui passe par des délégués élus ou des scrutins directs.
Mais les élections n’ont pas lieu dans le meilleur des mondes : surtout, elle nous tombent dessus telles qu’elles sont, avec toutes leurs maladies. Il y a les influences, la pression, l’argent, les mensonges, la fraude et la déception, toutes ces choses qui s’utilisent de diverses manières pour manipuler l’électorat.
En d’autres mots, les campagnes électorales sont un exercice destiné à dénaturer la volonté des gens.
Ainsi, la manipulation délibérée des scrutins par des trucs comme les changements de noms ou l’ajout de faux noms sur les listes électorales, la modification ou la fabrication de votes ou la falsification du décompte des votes, sont ainsi rendues inutiles.
Le trucage est souvent un recours pour des forces politiques sous-développées ou des dirigeants faibles ou incapables de s’offrir le luxe de campagnes coûteuses. Mais une élection libre de ce premier ensemble de maladies est vraiment un oiseau rare. On a fortement l’impression que les récentes élections en Ukraine ont marqué une victoire de ce premier ensemble de maladies sur le second.
Mais y a-t-il une réelle différence entre les deux ?
Le premier ensemble déforme autant la volonté populaire que le second et s’applique à différents degrés à tous les processus électoraux, en commençant par la fabrication du processus lui-même et les moyens de le financer, par l’achat de votes en liquide ou des promesses de jobs ou de services, le contrôle de l’accès aux medias, les promesses bidon, les mensonges et les insinuations qu’on répand sur le compte des candidats rivaux.
C’est comme ça partout, même dans les démocraties les plus respectables.
Mais, évidemment, il y a le problème le plus récent : l’intervention des Etats-Unis dans des élections étrangères par le canal des ambassadeurs et autres envoyés, des agences d’aide financière et des des indices d’approbation de la démocratie.
Falsifier la volonté populaire en achetant les consciences, par le mensonge ou des mises en garde que les votes qui ne vont pas dans la bonne direction appelleront la colère de l’Amérique, atteste au moins de la méthode démocratique, sans tenir compte jusqu’à quel point cela avantage un candidat.
Plus important, les électeurs ont une certaine liberté de choix et les forces politiques qui veulent gagner contre cette forme de manipulation de la volonté populaire peuvent encore en appeler à l’intelligence de l’électorat.
L’électeur astucieux peut, dans l’urne, échapper au premier type de fraude, mais il n’y a pas moyen que son vote puisse échapper à la manipulation directe. Les résultats seraient peut-être les mêmes dans n’importe quel cas.
Mais au moins, les scrutins honnêtes, aussi sales que soient les campagnes, entraînent plus de développement des mécanisme sociaux dans l’organisation de la société et de sa vie politique, ce qui permet aux politiciens de justifier les promesses faites et non tenues.
D’un autre côté, la seconde forme de corruption électorale semble développer une société plus rudimentairement organisée et généralement moins politisée. La différence entre les deux approches se traduit inévitablement dans la différence de la qualité de vie.
La question de savoir si les élections sont indispensables pour d’autres droits à la citoyenneté et si la rotation de l’autorité est un préalable à l’expression démocratique de la souveraineté populaire va à coup sûr continuer de se poser pendant un certain temps.
Pourtant, à part des questions purement techniques, les élections palestiniennes n’ont pas, pour commencer, porté sur ces questions, puisque, à l’inverse des élections nationales ailleurs dans le monde, ces élections n’étaient pas la manifestation de la souveraineté populaire.
Voir les élections palestiniennes comme l’expression d’une souveraineté demande une grande imagination.
La notion suppose que le peuple palestinien soit le seul habitant de Cisjordanie et de Gaza et qu’il puisse ignorer la présence de l’occupation et les crimes qu’elle a perpétrés dès le soir précédant les élections.
Elle suppose qu’il n’est pas important de savoir si les principaux partis politiques y ont participé ou non, de savoir que seulement un tiers des électeurs qualifiés de Cisjordanie et de Gaza se sont inscrits pour voter et que seulement deux tiers d’entre eux ont voté.
Personne n’est prêt à développer longuement ces sujets sur les antennes, peu importe que les observateurs aient un esprit ardemment démocratique et qu’ils aient applaudi et se soient esclamés. Ils étaient tout simplement à côté de la plaque.
Ces élections avaient pour but de confirmer la légitimité populaire d’un leadership post Arafat en Cisjordanie et à Gaza, des régions qui définissent le peuple palestinien du point de vue de forces non palestiniennes qui ont été si enthousiastes à l’idée de ces élections parce qu’ils voulaient un leadership palestinien entériné par le peuple pour les négociations et la conduite des affaires dans les territoires – dans cet ordre.
Ceci dit, les élections ont été un processus politique et ceux qui y ont participé étaient obligés de définir leur vision politique, leurs objectifs et de dire leurs angoisses, en laissant les premiers parler à l’électorat sans tenir compte des facteurs du pouvoir régional et du pouvoir international en jeu.
Il y va de la responsabilité des partis politiques sur le terrain. Ils doivent soit participer aux élections, ou, s’ils les boycottent, donner clairement les raisons de cette forme de protestation.
Les partis politiques ont du aussi se sentir obligés d’examiner l’impact de la transition qui mène de l’OLP et de la diaspora à l’Autorité Palestinienne en tant que cadre primaire d’ une vie politique sous leur pouvoir, leur influence et peut-être même pour leur survie.
Ayant échoué à s’engager dans un tel processus d’introspection lors de la première élection législative de l’Autorité Palestinienne, les forces politiques palestiniennes ont succombé à une forme de crise d’identité qui les a vus hésiter pendant des années entre l’Autorité Palestinienne et les mouvements islamistes.
Cette semaine d’élection présidentielle palestinienne a été la répétition en costume des élections législatives à venir, et il serait sage pour les partis palestiniens d’évaluer leurs succès à la lumière de ces résultats.
Comment, se fait- il, par exemple, qu’un important media ait fait l’économie d’une bonne analyse du militantisme politique ?
Ce n’est qu’une des dizaines de questions que soulèvent ces résultats.
Les partis politiques ne peuvent pas se contenter de vivre sur leurs lauriers passés ou en clamant leurs responsabilité dans des opérations de résistance de temps en temps.
S’ils ont une politique ou un programme auxquels ils souscrivent, ils doivent l’exposer au public. Pourtant, aujourd’hui, nous découvrons que des partis politiques ne peuvent plus se contenter d’avoir un journal, à plus forte raison d’organiser des rassemblements ou d’autres formes de mobilisation du peuple.
Il semble clair que le problème réside dans l’absence de vie politique du parti au sens le plus strict du mot. Le facteur crucial de l’élection présidentielle n’a pas été tant la fanfare médiatique que le vide qui a rempli les media et tout le reste.
Peut-être que certains voudraient croire, ou font croire aux autres, que les réunions politiques, les journaux, les conventions, les conférences et autres sont des dispositifs très classiques.
C’est peut être vrai.
Mais aucun parti politique ne peut exister sans s’engager dans les activités d’un parti politique conventionnel.
Les roues sont conventionnelles, mais aucune voiture ne peut se déplacer sans elles, aussi ultra moderne soit son moteur.
Le président de l’Autorité Palestinien nouvellement élu est salué comme s’il était un vrai président. Au moins c’est l’impression qu’on retire de toutes ces félicitations, depuis la Maison Blanche aux petits Etats.
Mais ensuite, c’est justement le résultat que le monde occidental attendait, y compris Israël, et qu’il n’a même pas essayer de cacher.
Ce soutien international travaillera-t-il en faveur de la cause palestinienne, ou l’étouffera-t-il il?
Je crains cette dernière hypothèse.
Israël n’a pas bougé d’un pouce sur la question palestinienne. Il regarde toujours la lettre de Bush à Sharon comme un succès politique majeur. Il est peut être prêt à négocier avec le nouveau leadership palestinien et vouloir prendre des initiatives pour « soulager la condition » des gens (comme s’ils étaient otages) pour faciliter les choses pour le nouveau leadership.
Mais derrière ça, rien ne s’ouvre à la discussion. Même la simple acceptation de l’idée de cessez le feu est hors de question pour ce qui concerne Sharon.
Il entend que l’Autorité Palestinienne fasse tout pour lui en « éliminant les sources de la terreur » ou en déclarant une trêve unilatérale.
En bref, tout cessez le feu est de la responsabilité exclusive des Palestiniens. Ceci implique que le « terrorisme » palestinien est la cause, et la répression israélienne le résultat.
Et cette cause doit être éliminée pour que la feuille de route avance, ou au moins la lecture de la Feuille de Route par Israël.
Même l’accord qui a présagé à la nouvelle coalition en Israël ne s’est pas contenté de ressortir les 14 "réserves" de Tel Aviv sur la Feuille de Route ; il a aussi inclus la lettre de Weisglass à Condoleeza Rice lui rappelant les 14 réserves et sa déclaration quant au fait que Washington y soit favorable.
Voilà la base du rapprochement entre Sharon et Perez. Et ça a été signé à la suite de la mort de Yasser Arafat, c ‘est à dire après la disparition du principal « obstacle » à la paix.
Sharon est peut être préparé à négocier, c’est vrai.
Mais loin de vouloir concilier les principes de chacune des parties, les négociations qu’il veut doivent se concentrer presque exclusivement sur la création d’un état palestinien et la seule marge de manœuvre diplomatique qu’il acceptera, même de la part des Etats-Unis, c’est celle qui servira à persuader les Palestiniens d’accepter l’idée d’un Etat et rien de plus.
Il ne sera pas question d’envisager des questions palestiniennes aussi fondamentales que le droit au retour, une fois que l’état palestinien sera créé, le problème fondamental des frontières sera réduit à un problème technique mineur qui peu se régler entre les deux "Etats" par des moyens pacifiques.
Tout ce que les Etats-Unis et les Européens auront à faire, c’est de les convaincre que c’est leur seule alternative et qu’une fois qu’ils auront accepté l’inévitable, leur Etat, créé sur 40% de la Cisjordanie et de Gaza, sera devenu le paradis sur terre.
Et si Sharon ne peut pas faire ce qu’il veut par le biais d’un accord, il refera le coup du désengagement unilatéral sans aucun accord, mais, évidemment, seulement si l’Autorité Palestinienne prouve qu’elle peut maîtriser la sécurité par le contrôle des armes et en unifiant ses agences de sécurité.
Les faits précités ne sont qu’une partie de ce qu’il y a au magasin de l’Autorité Palestinienne nouvellement élue.
A elle de décider si elle lit ou non le résultat des élections avec les lunettes de Washington et de Tel Aviv, une lecture qui lui dit qu’elle a maintenant un feu vert pour arrêter l’Intifada armée et pour faire le travail préparatoire conduisant à l’acceptation d’un état palestinien en échange de quoi on garde indéfiniment en suspens la question du statut final de Jérusalem, des colonies israéliennes, des réfugiés palestiniens et des frontières.
Ou bien elle peut décider d’interpréter le résultat des élections comme un mandat partiel pour administrer les affaires de la société palestinienne de Cisjordanie et de Gaza et négocier avec Israël sans abandonner les principes de justice et d’équité.
Cette interprétation entraînera un travail d’unification des rangs de l’Autorité Palestinienne et de la société palestinienne pour achever le mandat et le travail d’unification de la lutte palestinienne de façon à permettre à la société palestinienne de vivre et de se développer même dans les circonstances les plus pénibles jusqu’à ce que nous arrivions à une solution vraiment juste, permanente et complète.
Source : www.imemc.org/
Traduction : CS pour ISM-France
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