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Palestine -

Etre à la rue à Tel Aviv

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Cet article a été diffuse en anglais par Palestine Report le 31 décembre 2003

Comme beaucoup d’autres employés palestiniens, Gheith vit dans la crainte perpétuelle d’être arrêté par les autorités israéliennes pour défaut de permis de séjour en Israël.
"Pour échapper au mur de séparation, au chômage et à la faim en Cisjordanie, nous sommes prêts à escalader des montagnes pour aller chercher du travail à Tel Aviv" dit Gheith.
"Parfois, la police fait des descentes dans le parc quand il y a des plaintes des passants. Dans ce cas, la plupart des travailleurs sont arrêtés."

Etre à la rue à Tel Aviv


Des soldats israéliens vérifient les permis et les papiers d’identités de travailleurs palestiniens.
Photo : Musa Al-Shaer – 31 janvier 2002 (Electronic Intifada)


A 5h tous les matins, Zahran Gheith, 25 ans, se réveille et et se rend au carrefour de Jbeiha près de Ramat Gan dans les environs de Tel Aviv. Comme beaucoup d’autres employés palestiniens, Gheith vit dans la crainte perpétuelle d’être arrêté par les autorités israéliennes pour défaut de permis d’entrer en Israël.

Geith dit que si on va là-bas assez tôt quand il ne fait pas encore jour, il n’y a personne dans la rue. Mais dès l’aurore, des ombres silencieuses commencent à se réunir près du carrefour. Ils sont tous là pour la même chose : trouver du travail.

"Nous sommes là chaque jour dans l’attente d’un employeur qui aurait besoin d’un ou deux employés" dit Gheith. "Si quelqu’un se pointe, les employés, pleins d’espoir, assaillent la voiture de l’employeur potentiel, le suppliant de les engager pour une journée de travail., leurs effets à la main, dans un sac plastique".
"On est choisi en fonction de l’humeur de l’employeur" dit Gheith
"Et la même scène va se répéter dès que les employés aperçoivent une autre voiture".


Les employeurs israéliens savent que les employés sont dans la rue. "Ils n’hésitent pas à venir nous voir, surtout depuis qu’ils savent que nos salaires sont bas et notre travail de très bonne qualité" dit Gheith, qui estime qu’environ 200 employés viennent chercher du travail à ce point de rencontre en provenance des villes de Cisjordanie .

Aucun de ces employés n’a de permis de séjour en Israël. Certains ont un carte magnétique qui atteste que le porteur n’a pas d’antécédent de «sécurité». Beaucoup n’ont pas le permis adéquat pour entrer en Israël, ceux-là sont obligés de dormir dehors au milieu des arbres.
Ils sont souvent harcelés et battus par la police, et ramenés à un checkpoint d’où ils essaient de revenir à nouveau.

"Pour échapper au mur de séparation, au chômage et à la faim en Cisjordanie , nous sommes prêts à escalader des montagnes pour aller chercher du travail à Tel Aviv" dit Gheith.
"Même s’ils rajoutent cinquante mètres au mur, nous parviendrons toujours à aller à Tel Aviv".

Un autre employé dit : "Et si nous ne pouvons faire autrement, nous creuserons des tunnels pour leur prouver que le mur ne nous empêchera pas de poser de la nourriture sur nos tables".

Depuis le début de l’Intifada Aqsa, l’armée israélienne à renforcé la clôture de Cisjordanie et de Gaza pour empêcher les habitants palestiniens de circuler entre leurs propres villes ou entre les zones palestiniennes et Israël.

Un des effets les plus significatifs de cette politique aura été, selon les statistiques de l’Union des travailleurs palestiniens, que plus de 300 000 Palestiniens sont dans l’incapacité de gagner leurs anciens lieux de travail à l’intérieur de la Ligne Verte.

Auparavant, tous ces gens pouvaient obtenir des permis de travail pour travailler en Israël. Mais ces permis se sont taris avec le renforcement de la clôture, contribuant, de façon significative, au un niveau incroyablement élevé de chômage et de pauvreté dans les zones palestiniennes.

Selon les statistiques présentées par le Bureau Central Palestinien des Statistiques, 70% de la population est au chômage – tandis que la Banque Mondiale estime que 60 % de la population vit avec moins de 2$ par jour.

Le terrain économique difficile explique que beaucoup de chefs de famille prennent des risques pour traverser la Ligne Verte et trouver du travail, avec tous les dangers et les épreuves qui vont avec. Et là, ils sont souvent obligés de rester des semaines pour gagner assez d’argent et acheter le strict nécessaire pour les besoins de leurs familles.


Mohammed Farah, 36 ans, travaille comme forgeron et aussi dans la construction. Il a huit enfants à charge. Il est l’un des travailleurs qui affrontent la traversée de la Ligne Verte avec Gheith pour essayer de trouver du travail à Ramat Gan.

Après une semaine de travail très fructueux en Israël il est retourné en Cisjordanie et il est l’hôte de Gheith dans le camp de réfugiés de Qalandiya.

"Je quitte ma maison dans le village de Za’atareh (près de Naplouse) tous les dimanches à 6h du matin et je peux ainsi être à Ramat Gan vers 1h de l’après-midi" dit Farah.
"Pour y arriver, mon trajet commence par les routes immondes qui relient les villages. Je vais en taxi de Za’atarej à Qarawa et Azoune, puis à Atma. Là, il n’y a pas de moyens de transport aussi je suis obligé de marcher à pied pendant deux ou trois heures à travers les plantations d’oliviers et les vergers pour contourner les entrées principales de la clôture de séparation. Finalement j’arrive à Kufr Qassem et de là je prend un taxi israélien pour Ramat Gan. Le voyage du début jusqu’à la fin prend 7 heures et me coûte 70 nouveaux shekels (70 nouveaux shekels = 12,69€)" conclut-il.


Farah, comme la plupart des Palestiniens, pense que la clôture de séparation est un mur politique et non une mesure de sécurité comme le proclame Israël.

"Le but, c’est de voler la terre. Mais même s’il avait 50 mètres de haut, nous réussirions à aller à Tel Aviv". dit-il..

Parce que le voyage est tellement difficile et serait contreproductif si les hommes le faisaient au quotidien, les hommes restent là-bas pendant des jours, habituellement en groupe dans un jardin quelque part sur la route de Jbeiheh.

"Nous travaillons jusqu’à dix heures du soir" explique Farah. "Nous avons rarement le temps ou l’occasion de prendre un bain. Quand nous arrivons au parc, nous sommes épuisés. Ce que nous pouvons faire de mieux, c’est d’étaler notre carton sous les arbres. Pour nous, c’est simplement un bon lit chaud, surtout si nous avons été payés parce que nous savons qu’à la fin de la semaine nous pourrons retourner vers nos enfants et nos familles avec des provisions".

"Nous achetons notre nourriture dans les magasins proches du parc" ajoute Gheith. "Habituellement, nous mangeons des sandwiches froids et des yaourts. Je suis sûr que personne de normalement constitué n’accepterait de vivre comme cela. Mais que pouvons-nous faire, nous n’avons pas le choix."

Geith dit que des hommes ont été arrêtés à plusieurs reprises. "Parfois, la police fait des descentes sur le parc quand il y a des plaintes des passants. Dans ce cas, la plupart des travailleurs sont arrêtés. La police nous pousse dans des véhicules et nous jette soit du côté d’Oranit, soit près de Kufr Qassem ou au checkpoint de Qalandiya. Et la police a l’habitude nous battre et de nous insulter".


Farah se rappelle comment la police a attaqué le parc, pas plus tard que la semaine dernière. A ce moment-là, Geith et lui cherchaient un en droit où acheter de la nourriture : "Je me suis aperçu qu’un de nos amis, un type appelé Mohammed Fathi Dalu, était frappé à la tête avec une matraque par l’un des policiers . Geith et moi nous sommes écartés de la zone jusqu’à ce que la police s’en aille, emmenant avec elle les travailleurs qui avaient eu le malheur d’être présents à ce moment-là".

Bien que ç’ait été brutal pour les travailleurs qui ont été attrapés, Farah et Geith ont eu de la chance. "Parce que les deux jours suivants, il restait très peu de travailleurs dans la région si bien que les employeurs était pressés de nous engager .Du coup nous en avons profité pour faire augmenter notre salaire".

Deux jours plus tard, ceux qui avaient été arrêtés ont commencé à revenir et Mohammed qui avait été blessé à la tête était là aussi. Il a dit à Farah et à Gheith qu’après avoir été emmené au poste de police pour laver le sang de sa tête, il avait demandé au policier qui l’avait frappé pourquoi il l’avait fait.
Le policier, selon Mohammed, avait répondu : "Parce que vous tuez les Israéliens".
Mohammed lui a dit de demander à ses employeurs israéliens : si nous étions là pour tuer des Israéliens, nos employeurs ne nous auraient pas engagés, a-t-il fait remarquer.

Ses amis ont ri au nez de Mohammed en raison de son argumentation, qui, ont-ils dit, était stupide et ne provoquait généralement que plus de coups. "Ce qu’on peut faire de mieux quand on est arrêté, c’est de jouer les imbéciles" dit Gheith "Si on essaie d’agir intelligemment, on est tout simplement battu".

Parfois, il n’y a pas de travail. D’autres fois, on travaille trois ou quatre jours d’affilée. Farah se rappelle des semaines où il ne parvenait pas à trouver de travail et devait repartir chez lui les mains vides. "J’aurais économisé le moindre sou pour avoir assez d’argent à rapporter à la maison ou emprunter à un autre travailleur qui avait trouvé du travail."

En ce qui concerne le salaire, c’est différent chaque semaine.
"Parfois nous gagnons 50 nouveaux shekels (11$) par jour, parfois nous gagnons 250 nouveaux shekels (58$)" dit Farah.
"Parfois nous rentrons à la maison avec 500 shekels (115$) et d’autres fois avec 1000 shekels (230 $) et, de temps à autre ; nous rentrons chez nous avec rien du tout".

Farah dit que le principal problème maintenant ce sont les travailleurs étrangers qu’Israël fait venir pour les remplacer. "Ils prennent la majeure partie du travail et ne laissent que des miettes aux Arabes".

"Les travailleurs palestiniens coûtent moins chers que les étrangers" dit Gheith. "Entre 120 et 150 shekels par jour" dit-il. Et l’argent qu’ils gagnent, ajoute-t-il reste dans le pays. Avec les travailleurs étrangers, les employeurs doivent payer des impôts à l’Etat pour l’emploi de ces travailleurs, des assurances et des logements. Pour nous, ils ne paient rien au gouvernement - ni assurance, ni impôts. Et nous pouvons vivre n’importe où.


Izz Abu Sneineh, 43 ans, est aussi un travailleur illégal de Tel-Aviv. Avant l’Intifada, il a travaillé pendant sept ans dans un restaurant israélien et gagnait entre 5.000 et 6 000 nouveaux shekels (1250$) par mois. "Maintenant, je ne fais par le quart de ça" dit-il. "Depuis deux ans, je travaille avec un entrepreneur en construction de Ramallah et je gagne entre 50 et 60 shekels par jour mais ce n’est pas assez pour subvenir aux besoins de ma famille".

Abu Sneineh qui vit dans le camp de réfugiés d’Al Amari est responsable d’une famille de onze personnes. "Les possibilités de travail en Cisjordanie ont presque disparues" dit-il.
"Sans cela, nous ne tolérerions pas les insultes qu’on nous lance à l’intérieur de la Ligne Verte".

Il se rappelle les jours d’avant cette Intifada, avant la première Guerre du Golf, quand Israël a lancé son système de permis. "Pendant la première Intifada, nous avions le droit de travailler en Israël sans permis. Les bus de la Compagnie israélienne Egged venaient en Cisjordanie prendre les travailleurs et les emmenaient en Israël".

La politique n’est pas leur affaire, disent ces travailleurs. "Tout ce que nous voulons, c’est que l’Autorité Palestinienne et le gouvernement israélien réfléchissent à ces travailleurs qui dorment dans les rues, et s’occupent de nous fournir un travail honnête".

Renvoyez les travailleurs étrangers dans leurs pays pour que nous retrouvions le travail qu’ on nous a confisqué.

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