Israël - 30 juin 2005

Indignation devant la nomination de Dan Halutz comme chef d’Etat-Major

Par Khaled Amayreh

Khalid Amayreh est un journaliste qui travaille dans les Territoires Occupés de Cisjordanie. Cet article est paru sur al Jazeera.net le 24 juin 2005 et reproduit avec l’autorisation d’aljazeera

La nomination de Dan Halutz à la tête de l’Etat Major de l’armée israélienne a indigné nombre de Palestiniens qui considèrent l’ancien commandant des Forces Aériennes Israéliennes comme un criminel.
Au cours de sa mission de Commandant de la Force Aérienne entre 2000 et 2004, Halutz a approuvé et supervisé des opérations qui ont causé la mort de nombreux civils palestiniens parmi lesquels beaucoup d’enfants.

En juillet 2002, Halutz a ordonné aux Forces Aériennes Israéliennes de lâcher une bombe d’une tonne sur un immeuble résidentiel de Gaza, tuant 14 civils dont une dizaine d’enfants.

La cible de ce bombardement était Salah Shehadeh un leader du Hamas qu’Israël accusait d’avoir organisé des opérations de résistance contre des objectifs israéliens. Shehadeh et sa femme furent tués dans le bombardement. Halutz, dix-huitième Chef d’Etat Major, a été nommé mercredi.



Sans remords

Halutz n’a jamais présenté d’excuses pour la mort des enfants. En juillet 2002, dans une interview du quotidien israélien Ha’aretz, quand on lui a parlé de la mort de tant d’enfants au cours de l’attaque aérienne qu’il avait ordonnée, il a répondu : "Je dors bien la nuit"

"Ce que je ressens quand je lâche une bombe ?
Simplement une légère secousse dans l’aile (de l’avion) quand on fait partir la bombe".
Mais Ra’ed Matar, du quartier de Daraj à Gaza sait bien que l’attaque aérienne a dévasté sa vie. Matar, 33 ans, a perdu trois de ses enfants dans le bombardement : Ayman, 6 mois, Muhammad, 3 ans, et Dalya, 5 ans.

Quand on a demandé à Matar ce qu’il lui dirait s’il le rencontrait (Halutz), face à face, il a répondu après un instant de silence :
"J’aimerais lui demander : Pourquoi avez-vous tué mes enfants ? Vous n’êtes pas un être humain digne d’être un Chef d’Etat Major."



Criminel de guerre

"Je ne sais pas quoi dire d’autre : c’est un criminel de guerre qui a annihilé ma famille et détruit ma vie.
"Mais je ne suis pas sûr que cet homme ait une conscience. Comment appeler un homme qui n’a pas de conscience ? S’il avait une consciencen il n’aurait pas fait ce qu’il a fait."

Matar, maintenant chauffeur de taxi, dit qu’il essaie désespérément de surmonter cette dévastatrice épreuve.
"Je prie beaucoup et je vois que des tas de gens de notre peuple souffrent tout autant que moi.Cela me console un peu."

L’Autorité Palestinienne n’a publié aucun document officiel pour protester contre la nomination d’Halutz à la tête de l’Etat Major. Pourtant, un ministre des de l’Autorité Palestinienne qui a demandé qu’on ne donne pas son nom, à déclaré sur AlJazeera.net : "Notre problème avec Israël excède de loin Halutz."



Tentatives avortées

Des politiciens libéraux israéliens, des associations de civils et des Droits de l’Homme ont essayé d’empêcher la nomination d’Halutz comme Chef d’Etat Major, sans succès.

L’association israélienne pour la Paix, Yesh Gvul (Il y a une Limite) a voulu contester en justice cette nomination, mais sans résultat. Le porte-parole de l’association , Yishai Menuchin, décrit Halutz comme un "criminel de guerre".

"Il y a des ordres que les gens comme il faut ne donnent pas, et toutes les justifications et les refus de responsabilité ne le dédouaneront pas. Halutz est a participé à des crimes de guerre et doit payer pour ça."

Des efforts semblables faits par des leaders du centre gauche israélien, Yahad, et d’autres personnalités publiques qui souhaitent la paix, comme Uri Avnery, président du Gush Shalom (Bloc de la Paix) ont été tragiquement ignorés par la ligne dure de l’establishment militaro-politique.

Avnery a déclaré sur Aljazeera mercredi soir qu’il était trop tard pour faire quelque chose contre cette nomination, voulant dire que Halutz représentait la norme, pas l’exception, dans l’armée israélienne.



Accusé d’insensibilité

Le journaliste Gideon Levy a expliqué pourquoi la nomination d’Halutz à la tête de l’Etat Major n’avait pu provoquer de véritable tollé dans la société israélienne.

Lévy, qui assure des reportages réguliers sur l’armée israélienne et ses violations des droits civils et des droits de l’homme des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, dit que la plupart des Israéliens ne voient pas de problème à tuer des enfants palestiniens et des civils.

"Je peux dire qu’il y a à ce sujet deux raisons principales. D’abord, la terrible indifférence des Israéliens, à l’exception d’un groupe actif, à savoir les colons et leurs supporters »

Ensuite la société israélienne est soumise à un lavage de cerveau tel qu’ils considèrent les Palestiniens comme moins que des êtres humains à part entière. En fait la plupart des Israéliens ne voient pas d’inconvénient à ce qu’Halutz a fait."

Les responsables du gouvernement israélien, n’ont pas rappelé ni répondu aux demandes d’interviews concernant la nomination d’Halutz.

Source : Electronic Intifada

Traduction : CS pour ISM