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Gaza -

Interview de Mohammad Samhouri, coordinateur palestinien du Retrait

Par

Dans moins d'un mois, le premier ministre israélien Ariel Sharon commencera l'évacuation de 21 colonies illégales de la Bande de Gaza, établies pendant l'occupation israélienne du territoire appauvri depuis 1967.
Ce qui se déroulera après le processus est moins clair pour les Palestiniens.
Le destin des zones frontalières de Gaza - le passage de Rafah, les ports et l'aéroport, les zones industrielles de Karni et Erez - est toujours à l'étude.

L'économie palestinienne est en péril. La Banque Mondiale a récemment averti que le retrait ne mènerait pas au rétablissement économique à moins que la fermeture du secteur par Israël soit levée.

Face à tout cela, Mohammad Samhouri a été assigné à la tâche de coordination du retrait pour le cêté palestinien.

Samhouri, un économiste de formation, qui a fait ses études aux Etats-Unis, dirige une équipe de 40 experts qui s'occupent du processus post-retrait, y compris ce qui doit être fait avec la terre évacuée et les biens restants.

Aljazeera.net a parlé avec Samhouri dans son bureau de Gaza au sujet du désengagement qui doit commencer le 15 août, de l'importance du libre accès pour les Palestiniens et du futur de l'économie palestinienne.


Mohammad Samhouri : Avant que nous commencions, je veux juste vous donner quelques conseils pour faciliter votre travail. Ne me posez pas de questions politiques, parce que je n'ai pas de réponses politiques.


Aljazeera.net : Noté. Quelle est exactement votre tâche ?

Je suis le coordinateur général du Comité Technique Suite au Désengagement. Je dirige une équipe de 40 experts qui s'occupent du désengagement d'un point de vue technique pour le cêté palestinien.


Et cela signifie ?

Nous suivrons le retrait israélien, via ce comité technique qui est composé de membres des ministères et des agences de l'Autorité Palestinienne plus quelques représentants du secteur privé et des ONG (organisations non gouvernementales).

Nous travaillons essentiellement sur trois principales catégories de questions.

La première catégorie est la terre et les biens que les Israéliens doivent évacuer dans un couple de semaines. Nous devons établir les données sur ce que sont ces biens : agricoles, industriels, l'électricité, l'énergie, les routes, l'infrastructure, les logements - et quoi faire des débris et des gravats quand ils seront démolis, et quel mécanisme nous devrions adopter afin d'avancer et d'obtenir ces biens.
Donc, le mécanisme du transfert – c'est une catégorie – ce sont les préparations pour être prêts techniquement au transfert des biens fonciers quand Israël évacuera.

La seconde catégorie de questions est liée à l'accès et au mouvement, au passage des frontières, à tous les ports, au lien territorial entre Gaza et la Cisjordanie et les fermetures internes au sein de la Cisjordanie .

La troisième catégorie de questions est liée à ce que nous ferons de la terre dans le long terme. Nous récupérons 25% de la terre de la Bande de Gaza, avec une population de 1,5 millions qui augmente de 4% par an. Aussi, c'est un défi important - comment utiliser tout ceci de façon optimale.

Nous parlons d'un petit secteur de terre avec 1,5 millions de personnes. Donc, que doit-il être fait quand vous avez 3 millions de personnes qui vivront ici dans 20 ans?


Dans quelle mesure y a-t'il une coordination avec les Israéliens?

Elle est minime. Nous n'avons toujours pas obtenu une seule information sur ce qui existe dans les colonies. Tout ce que nous avons, ce sont des informations que vous pouvez facilement obtenir quand vous faites une recherche sur Google.

Pour les Israéliens, l'ensemble du projet a été conçu unilatéralement, et quand le monde a changé avec la mort d'Abo Ammar (Yasser Arafat), ils ont voulu une certaine sorte de coordination. Notre compréhension de la coordination est différente de la leur.

Leur compréhension est de nous utiliser comme couverture pour mettre en application leur propres vision et plan.

Notre compréhension est de résoudre tous les problèmes liés à ce qui existe actuellement dans les colonies, ainsi nous pouvons faire des prévisions sur la façon qui peut nous aider à préparer l'avenir.

Leur plan ne dit rien au sujet de l'accès, de la souveraineté ou d'un lien Gaza-Cisjordanie. Tout ce qu'ils veulent, c'est de faire sortir les colons et l'armée de Gaza et garder le contrêle global de l'endroit. Ce n'est pas notre vision.

Donc en termes de coordination, c'est pour l'instant un processus long, pénible, idiot, non productif, bien qu'il y ait une pression internationale sur les Israéliens pour qu'ils coopèrent et qu'ils fassent ce qui est nécessaire.


Quels changements spécifiques aimeriez-vous voir?

Nous désirons une coordination pour faciliter graduellement les restrictions pour les marchandises et les individus, et revenir aux projets de construction d'un port et reconstruire l'aéroport pour qu'il soit totalement opérationnel en temps voulu.

Ce que nous voulons, c'est le commerce sécurisé et rapide. La sécurité dicte tout ce qui est important pour nous et pour eux.

Nous voulons en finir une fois pour toutes avec le système du "dos à dos" pour la livraison des marchandises à Karni, qui nécessite de recharger les marchandises d'un camion à un autre, parce que tout indique que cela ne donne aucune chance au secteur privé.

Au lieu de cela, nous demandons la livraison en porte-à-porte et un plus grand terminal pour les travailleurs palestiniens au passage d'Erez.

Le mouvement à la frontière tue l'économie palestinienne. La technologie existe pour enlever ces restrictions, mais les Israéliens ne sont pas convaincus de vouloir les utiliser.

C'est notre concept de la coordination. Ce n'est pas simplement pour rendre la vie facile aux colons et à l'armée israéliens, mais également pour nous.


Qu'arrivera-t'il à l'aéroport de Gaza après le désengagement?

Rien n'a été vraiment convenu. L'argument israélien est que nous vivons dans un monde post-11 septembre, et à chaque fois que nous l'abordons, ils disent, "Nous en parlerons plus tard."


Et le port maritime ?

Israël était au début d'accord sur l'idée. L'Accord d'Oslo nous a donnés ce droit.

Mais au delà d'une déclaration générale, nous n'avons pas reçu clairement de réponses quand nous avons essayé de discuter des détails, bien que le port maritime ne soit pas un aussi grand problème que les autres ports.


Que vont-ils laisser dans les colonies?

Nous ne sommes pas sûrs de ce qui nous sera laissé. Les Israéliens peuvent avoir certains projets maintenant, mais pendant et après l'évacuation, les choses peuvent être très différentes.

Les Palestiniens sont principalement préoccupés par les serres. Certaines d'entre elles seront démantelées. Mais même dans le cas du meilleur scénario, si elles sont laissées intactes, le réseau de commercialisation est un problème.

Ce qui rend les produits agricoles rentables, c'est l'accès direct au consommateur final. Si les produits agricoles ne sont pas livrés à l'heure, s'ils sont bloqués même une journée à Karni (passage industriel), ils sont périmés.

S'il n'y a pas de libre accès vers Israël et vers le monde extérieur pour tous les produits, les serres et les autres installations qui seront laissés n'auront aucune valeur pour nous.


Quels principaux défis aurez-vous à relever après le désengagement?

Juste après le désengagement, nous aurons à relever encore le défi de l'accès. Si on nous promet une aide financière internationale énorme, nous voulons pouvoir l'utiliser, et nous ne pouvons pas l'utiliser efficacement et de façon optimale sans que nous ayons accès vers le monde extérieur.

Tout est lié à l'accès. Sans enlever les restrictions à l'accès, sans libre circulation pour les personnes, pour les véhicules, pour les produits, alors, après le départ israélien, indépendamment de la joie de voir partir les occupants, il ne se produira pas grand chose en termes d'amélioration réelle sur les vies de la population et sur l'économie. Si les fermetures et les restrictions ne sont pas enlevées, alors le futur de Gaza sera douteux.

Si vous réduisez graduellement l'hégémonie israélienne sur notre secteur économique, nous pouvons commencer à construire notre propre économie d'une façon qui nous donnera une certaine liberté au contact du monde extérieur. Cela ne peut pas se produire si les Israéliens maintiennent le plein contrêle de l'accès.

À moyen terme, les défis que nous aurons à relever seront de créer des emplois et de réduire la pauvreté, dans une société où les 2/3 de la population sont définis comme pauvres selon les normes internationales et où 35% à 40% de la population est sans emploi. Ce chiffre va jusqu'à 60% si vous vous concentrez sur les jeunes.

A long terme, le défi principal est : Comment gérer Gaza dans des conditions très restrictives, et ce n'est pas une question pour moi car c'est une question politique.


Vous avez mentionné qu'il y avait des projets en travaux pour la terre évacuée. Que comportent-ils?

Le Ministère de l'Aménagement a constitué un programme de développement régional pour Gaza vers la fin des années 90. À ce moment-là, le retrait israélien n'était pas un facteur connu, et les colonies étaient dans le projet mais n'étaient pas entièrement intégrées.

Il y a maintenant un travail pour mettre à jour le projet et y réintégrer les secteurs des colonies avec une vision pour les 20 années à venir, quand Gaza abritera 3 millions de personnes.

Le plan inclut des espaces vertes, des zones industrielles, l'infrastructure, des logements, etc...

Le travail du Ministère de l'Aménagement est de concevoir un tel plan et de le mettre au point, et pour le gouvernement, d'offrir des parties de ces plans aux secteurs privés pour développer ces zones.


Pouvez-vous créer une économie palestinienne viable sur une surface de moins de 350 kilomètres carrés, étant donné tous les défis que vous avez mentionné?

Cette question a une dimension politique évidente. Nous parlons ici de la viabilité d'un état palestinien. Nous ne pouvons pas juste nous concentrer sur Gaza ou alors nous jouons le jeu israélien.

Souvent lorsque l'on discute du désengagement qui va se produire, nous oublions cela, que nous nous occupons également du Mur en Cisjordanie et de la croissance de la colonisation là-bas.

Tout cela tue la viabilité d'une entité palestinienne.

Quand nous parlons du futur de Gaza, ce doit être en tant qu'élément de l'entité palestinienne, y compris la Cisjordanie et Jérusalem.


Qu'en est-il du futur du passage de Rafah?

Rafah dépend des discussions avec l'Egypte.


En plus du désengagement politico-stratégique de Gaza, Sharon a indiqué que, par la suite, il voulait également se désengager économiquement.

L'idée est que vers la fin 2008, il n'y ait pas un seul ouvrier palestinien de Cisjordanie ou de Gaza qui travaille en Israël.

Leur vision indique également que s'ils laissent entièrement Gaza, cela signifie aussi Rafah et le couloir de Philadelphi (une zone le long de la frontière avec l'Egypte), et qu'ils abrogeront le Protocole de Paris qui régit nos relations économiques avec Israël.


En abrogeant le Protocole de Paris aussi brutalement, comment l'économie palestinienne sera-t'elle affectée ?

Il aura des répercussions fiscales.

En ce moment, les douanes israéliennes s'appliquent aux importations palestiniennes, et les frais de dédouanements sont réacheminés vers l'Autorité palestinienne.

Il y a des taxes de transfert sur les importations directes, mais pas sur les importations indirectes, ce qui est une perte pour nous de 180 millions de dollars.

Si cette enveloppe douanière que nous partageons est abrogée, comme les Israéliens le désirent, cela signifiera une perte de 5% du PIB sur les taxes pour l'économie palestinienne.


Et que dit le gouvernement israélien ?

Jusqu'ici, rien n'a été dit pour savoir les Israéliens accepteront de le maintenir. La Banque Mondiale et l'Union Européenne font pression sur eux, afin d'éviter de lourdes pertes àl'économie palestinienne en cas de désengagement économique brusque.

En attendant, nous voulons voir comment nous pouvons rendre fixe le (Protocole de Paris). Il y a un comité économique commun pour discuter de cette question; mais il ne s'est jamais réuni.

Nous ne voulons pas qu'ils soient nos principaux partenaires commerciaux; mais l'un de nos principaux partenaires commerciaux.

Pour l'instant, ils nous forcent à ce qu'ils soient notre point principal d'exportation et d'importation.

Aussi, bien que nous voulions pas interrompre les liens économiques, nous ne voulons pas non plus limiter les transactions. C'est pourquoi nous avons besoin d'accès - ainsi nous pourrons diversifier notre économie.


Dans l'ensemble, êtes-vous optimistes sur le futur de Gaza après le désengagement ?

On ne peut pas dire, sur beaucoup de sujets, que nous soyons optimistes ou non.
Dans ce cas-ci, cela dépend de trois choses:

D'abord, comment comprenons-nous ce que nous voulons en termes d'accès. S'il n'y a pas d'accès facile, le désengagement ne sera pas réussi.

Nous devons comprendre cela, parce que parfois nous nous concentrons sur des questions moins importantes. C'est l'ACCES. Si nous ne l'avons pas, c'est un gros problème.

Pour les Israéliens, ils doivent se rendre compte qu'à long terme, c'est dans leur intérêt de comprendre les implications du maintien de cette politique stupide de fermeture et des restrictions.
A long terme, elle mettra le feu aux poudres parce qu'elle fait pression sur un peuple appauvri et surpeuplé, et, têt ou tard, cela les rattrapera.

Et finalement, la communauté internationale doit comprendre que ce n'est pas l'argent qui résoudra le problème.

Nous donner deux milliard de dollars est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant. Ils doivent effectuer une pression politique sur les Israéliens.

Source : aljazeera.net

Traduction : MG pour ISM

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