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Palestine - 11 janvier 2011
Par Ibrahim Hewitt
Les forces israéliennes ont exprimé leurs "regrets" pour l'assassinat brutal d'un Palestinien désarmé pendant son sommeil. La déclaration des forces israéliennes a peut-être apporté un peu de réconfort à la veuve et à la famille de la victime dans leur période de deuil. Ou du moins ce serait le cas si de tels incidents n'étaient pas terriblement fréquents et si Israël n'avait pas à son actif une longue histoire de crimes contre le reste de l'humanité, qui suggère soit l'enrôlement de soldats extrêmement incompétents, soit un mépris crasse pour la valeur de la vie non juive. Peut-être est-ce même un mélange des deux. Omer Al-Qawasmi n'était peut-être la victime désignée des soldats des forces israéliennes qui l'ont tué, mais le fait qu'ils aient utilisé des armes équipées de silencieux et qu'ils aient tiré pour tuer sans aucune provocation confirment que l'homme qu'ils recherchaient, Wael Al-Bitar, aurait été tué dans tous les cas.
Omar Salim al-Qawasmi, assassiné par la machine de guerre sioniste le 7 janvier 2011
De récentes déclarations faites par des rabbins en Israël condamnant les Juifs qui louent des appartements à des Arabes dans l'Etat sioniste indiquent une montée du racisme anti-arabe parmi les Israéliens. Certes, la discrimination que subissent les citoyens palestiniens d'Israël est enracinée et souvent soutenue par la loi. Ce qui ne devrait surprendre personne, car au fur et à mesure que la société israélienne dérive vers la droite politique, des déclarations considérées jadis comme appartenant à une minorité d'extrême-droite semblent maintenant l'expression majoritaire.
Lorsque le colon illégal juif américain Baruch Goldstein a assassiné 29 Palestiniens en prière à la Mosquée Ibrahim d'Hébron en février 1994, son acte a été qualifié par le Président d'Israël Ezer Weizman de "anti-juif et anti-israélien". Tel que rapporté par le New York Times, "Plus tôt, M. Weizman a appelé le massacre 'la pire chose qui nous soit arrivé dans l'histoire du sionisme'". Le sionisme et son histoire, en fait, regorgent de tels massacres et d'actions affreuses, au point que les platitudes des officiels israéliens exprimant leurs "regrets" pour ces "erreurs" n'ont maintenant que très peu de poids.
Lors de l'enterrement de Baruch Goldstein, le rabbin Yaacov Perrin a déclaré, "Un million d'Arabes ne valent pas un ongle juif." ; cette déclaration ouvertement cynique et raciste a été largement reprise dans les médias, dont le New York Times. En 2006, lors d'un débat public sur une école à Jérusalem, le rabbin David Batzri aurait dit, "La nation d'Israël est pure et les Arabes sont une nation d'ânes. Ils sont un désastre maléfique, un démon maléfique et un horrible malheur. Les Arabes sont des ânes et des bêtes. Ils veulent prendre nos filles. Ils sont dotés d'une vraie souillure. Il y a le pur et l'impur, et ils sont impurs." La déclaration a été rapportée par le quotidien Ha'aretz en Israël.
On peut arguer que de telles déclarations sont bien sûr minoritaires en Israël, mais lorsque les actes des Israéliens sionistes, pendant de nombreuses années, reflètent de tels sentiments, que représentent alors exactement les excuses israéliennes ? Les sionistes et les Israéliens ont toujours considérés les vies arabes comme sans valeur, depuis Deir Yassin où les habitants palestiniens ont été "assassinés de sang froid" par les terroristes de l'Irgun et du Groupe Stern en avril 1948, aux "exécutions systématiques de jeunes Palestiniens valides par des soldats juifs" à Tantura un mois après ; de la "boucherie" des villageois palestiniens de Kafr Qassim en 1956 au massacre de Sabra et Chatila pendant l'invasion du Liban en 1982 ("Des goyims tuent des goyim et on accuse les Juifs", a dit le Premier ministre israélien Menachem Begin – responsable du massacre de Deir Yassin – avant qu'une enquête du gouvernement israélien déclare Ariel Sharon "indirectement responsable" de la tuerie) ; du premier massacre de Qana en 1996 où Israël a bombardé un camp de l'ONU au sud Liban, tuant 106 personnes qui s'y étaient réfugiées, au second massacre de Qana en 2006, où l'armée de l'air israélienne a bombardé un bâtiment dans la ville et tué 28 personnes ; de Jenin en 2002, quand plus de 200 Palestiniens ont été tués et leurs maisons démolies par la machine militaire d'Israël, à Gaza 2008/2009, quand les forces d'invasion israéliennes ont massacré plus de 1.400 Palestiniens, dont un tiers d'enfants ; tous ces exemples, et bien d'autres, démontrent que les Forces "de défense" israéliennes ont attaqué des civils à leur guise et au mépris de la vie humaine, ce qui contredit leur affirmation de respect de la "pureté des armes". Un survivant de l'holocauste nazi a écrit dans le Washington Post en 2002 : "Les photo de dévastation à Jenin (…) m'ont rappelé mes années d'enfance dans le ghetto de Varsovie. Là aussi, des civils innocents ont été tirés à vue, des maisons ont été dynamitées, et l'aide humanitaire a été bloquée. A la fin de cet horrible holocauste, nous avons dit, 'Plus jamais'. Mais aujourd'hui, c'est nous qui refaisons la même chose. Quelle honte ! "
Il n'y a pas que les Palestiniens et les Arabes pour avoir été confrontés à la brutalité israélienne : demandez aux survivants de l'attaque du USS Liberty en 1967 s'ils pensent que ce fut réellement une "erreur" si 34 marins américains ont été tués et 170 blessés par les bombes et les torpilles israéliennes ; demandez aux parents de la citoyenne américaine Rachel Corrie si leur fille était une menace à la sécurité d'Israël et si elle méritait de mourir écrasée par un bulldozer blindé à Gaza ; demandez à la famille du jeune étudiant britannique Tom Hurndall si sa tentative de protéger des enfants palestiniens, aussi à Gaza, méritait une balle dans la tête, dont il est mort un an après sans avoir repris connaissance. Et qu'en est-il du caméraman britannique James Miller, tué par une balle israélienne alors qu'il travaillait à Gaza ? Ces trois assassinats ont eu lieu en 2003.
Le fait est que les gens qui ont créé l'Etat d'Israël soutenaient que pour établir leur Etat, ils devaient expulser la population palestinienne. Pour ce faire, ils ont ourdi nombre de plans, dit le Docteur Ilan Pappe, "afin de préparer les forces militaires de la communauté juive en Palestine pour les campagnes offensives dans lesquelles elles allaient s'engager (…) lorsque les Britanniques seraient partis". Le Plan C, ajoute le Docteur Pappe, "énonçait clairement ce qu'impliqueraient les actions punitives : tuer les dirigeants politiques palestiniens ; tuer les incitateurs palestiniens et leurs soutiens financiers ; tuer les Palestiniens qui agissaient contre les Juifs ; tuer les officiers supérieurs et les responsables palestiniens (dans le système mandataire) ; ruiner les transports palestiniens ; ruiner les sources des moyens de subsistance palestiniens : l'eau, les moulins, etc. ; attaquer les villages palestiniens voisins susceptibles d'aider lors des attaques futures ; attaquer les clubs, les cafés, les lieux de réunion palestiniens, etc."
Quelque chose a-t-il changé dans la mentalité des gouvernements israéliens depuis la fin des années 1940, quand le Plan C a été rédigé ? Ou quand le Plan D (Dalet) a été réellement mis en œuvre, marquant le début de ce que Pappe a appelé "le nettoyage ethnique de la Palestine" ? Le sionisme politique sous-tend tout ce que fait le gouvernement israélien, et cette idéologie pernicieuse exige l'expansion de l'Etat d'Israël bien au-delà de la terre allouée à "l'Etat juif" par le plan de partage des Nations Unies en 1947. Le premier Premier ministre d'Israël d'origine polonaise, David Ben Gourion, poussait pour un Etat sur "80-90%" de la Palestine historique ; ses successeurs ont fait en sorte, avec leurs colonies et leur mur illégaux, que même ces chiffres soient dépassés.
Pour persuader les Palestiniens que leur avenir est ailleurs, afin qu'Israël puisse terminer le nettoyage ethnique commencé en 1948, il faut rendre leur statut dans leur patrie aussi intenable que possible. Par conséquent, Israël démolit les maisons, refuse les permis de construire, expulse les hommes politiques élus, construit des murs et des checkpoints, fait savoir aux Palestiniens qu'ils peuvent être tués à n'importe quel moment, de jour ou de nuit, sans raison ; rendre la vie aussi difficile et incertaine que possible pour que les Palestiniens réalisent le rêve des sionistes d'un "transfert silencieux" de l'autre côté du Jourdain, dans la "patrie alternative".
Destruction de l'hôtel Sheperd, le 9 janvier 2011
Alors que j'écris ces lignes, un hôtel à Jérusalem Est occupée est en train d'être démoli par les autorités israéliennes d'occupation pour faire de la place à ce que Ha'aretz appelle un nouveau quartier juif "contesté". Les assassinats "par erreur" font partie du même processus que les démolitions des maisons et les expulsions des résidents palestiniens de Jérusalem ; Israël veut débarrasser la terre des Palestiniens et installer des Juifs à leur place, et c'est ainsi que le nettoyage ethnique se poursuit rapidement.
Les accusations de la collaboration de l'Autorité palestinienne avec l'occupation israélienne sont exactes mais vides de sens dans ce contexte : l'Autorité palestinienne est un outil dont se servent les sionistes pour atteindre leurs buts et leurs objectifs, notamment un Etat construit sur le plus de Palestine possible, avec aussi peu de Palestiniens qui pourraient ternir la nature juive de l'Etat que possible.
C'est ça le sionisme ; c'est ça Israël.
Quiconque pense qu'on peut faire une paix juste avec un Etat fondée sur une telle idéologie croit certainement aussi aux contes de fée. L'histoire nous donne une claire indication de ce qu'exige le sionisme et de ce que les gouvernements israéliens espèrent réaliser. Pour paraphraser le survivant de l'holocauste Alex Hershaft cité plus haut, plus jamais arrive à nouveau, mais nos dirigeants politiques sont trop aveugles pour le voir, ou trop effrayés pour l'admettre. De toute façon, c'est inacceptable.
Ibrahim Hewitt est président de l'organisation caritative britannique Interpal (Palestinian Relief and Development Fund) qui se consacre aux Palestiniens. Né Brian Hewitt, il s'est converti à l'islam en 1981.
Source : Middle East Monitor
Traduction : MR pour ISM
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