Envoyer cet article
Jénine - 22 janvier 2004
Par Nick Pretzlick
Prise en sandwich entre Nazareth et Jérusalem, l’église de Bourquine abrite la grotte où Jésus a guéri dix lépreux lors de son voyage de Galilée en Samarie ( Luc,chapitre17, verset 11 de la Bible ), et, alors que j’étais dans le petit cimetière tourné vers Jénine et Nazareth, je ne pouvais m’empêcher de me demander comment il se faisait que les Chrétiens du monde entier se taisaient en face de tant de malheur et de destruction dans ce pays où le christianisme a débuté.
La politique israélienne de libération anticipée de criminels endurcis - en échange de services rendus aux militaires dans les Territoires Occupés - dans le contexte des attitudes racistes enracinées dans la culture de l’armée israélienne, encourage le cycle de violence, ce qui assure que les perspectives de paix en Palestine demeurent encore lointaines.
Jénine, ville commerçante du nord de la Cisjordanie , est une ville d’espoirs perdus - les débris de la destruction sont visibles à chaque coin de rue.
Les fortes pluies de ces derniers jours ont laissé les rues déchirées par les chenilles des tanks israéliens, pleines d’ornières et de trous où l’on s’enfonce dans l’eau jusqu’aux chevilles.
Un ciel maussade pèse au-dessus des maisons comme un linceul, et des gouttes d’eau de pluie tombent silencieusement de citrons et de mandarines qui pendouillent insolemment dans les arbres. Les visages des gens, plus vieux que leur âge après des décennies d’occupation et d’oppression, semblent fatigués et blafards.
J’ai passé la nuit dernière dans une maison près d’une mosquée , dans le camp de réfugiés qui jouxte la ville.
La famille dont c’est la maison a perdu un proche parent de trois générations successives, mort sous les balles des soldats israéliens - un grand père qui portait un sac de farine, tué en allant au marché, un père, déchiré par une pluie de balles sous les yeux de sa famille alors qu’il sortait de sa maison les mains en l’air, et la fille aînée, frappée en pleine poitrine par la balle d’un tireur embusqué, comme elle se tenait debout à la fenêtre de sa maison.
Agée de onze ans, elle a perdu tout son sang et elle est morte là, sur le plancher du salon.
Si cette violence disproportionnée déchaînée contre Jénine depuis le début de l’Intifada a accompli quelque chose, c’est de rendre les habitants encore plus rebelles, et non pas moins.
Ils savent qu’ils ne peuvent échapper à la souffrance et qu’ils n’ont d’autre alternative que de continuer la lutte. Le combat est maintenant mené dans la clandestinité, même si l’on peut encore voir des jeunes hommes armés se glisser de cachette en cachette à l’intérieur de la ville.
Les jours de confrontation ouverte avec les soldats israéliens sont dépassés, et à l’avenir, alors que les marchands de rue et les vendeurs de café feront leurs affaires, la terreur aussi sera sur les étals.
Tant de morts et tant de misère, et tout ça, à cause d’un concept colonial du 19ème siècle exigeant un Etat exclusivement Juif. Ce concept, qui était déjà bien au-delà de sa date de péremption quand il fut conçu, est devenu un anachronisme d’une échelle désastreuse.
Dans ce monde de plus en plus inclusif, il n’y a pas de place pour une telle aberration.
Cependant, après cinquante ans d’oppression, Israël n’a toujours pas compris ce simple fait, comme ces politiciens britanniques qui parlent platement de « résolution de conflit », de « terres contre la paix » plutôt que de se préoccuper du problème du sionisme.
En 2004, est-il possible que la Grande Bretagne et les Etats-Unis permettent à Israël de construire un tel mur de l’apartheid, un mur qui sépare les gens de leurs terres, de leurs familles, et qui créent d’immenses ghettos ?
Les dirigeants de ces pays peuvent-ils sérieusement croire que ce monument aux intérêts stratégiques américains apportera la paix et la sécurité en Israël ?
Peuvent-ils être aussi naïfs ?
Ne peuvent-ils pas voir l’attrait des ressources en eau et en terres fertiles que la Cisjordanie représente pour les Israéliens ?
Et que ce que ceux-ci veulent, c’est voler les terres ?
A une courte distance à pied de Jénine se trouve le village de Bourquine. L’étroite route se fraye un chemin à partir du camp de réfugiés, parmi des oliviers tordus et ridés, jusqu’à une église du 6ème siècle dont le dôme commande le centre du village - rappelant à point nommé que les deux communautés sont situées au cœur de la Terre Sainte.
Prise en sandwich entre Nazareth et Jérusalem, l’église de Bourquine abrite la grotte où Jésus a guéri dix lépreux lors de son voyage de Galilée en Samarie ( Luc,chapitre17, verset 11 de la Bible ), et, alors que j’étais dans le petit cimetière tourné vers Jénine et Nazareth, je ne pouvais m’empêcher de me demander comment il se faisait que les Chrétiens du monde entier se taisaient en face de tant de malheur et de destruction dans ce pays où le christianisme a débuté.
Afin d'assurer sa mission d'information, ISM-France fait appel à votre soutien.
L'ISM a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient. Les auteurs du site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui leur seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'ISM ne saurait être tenu responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont il n'a pas la gestion, l'ISM n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
9 novembre 2021
Le fait d'être désigné comme "terroristes" par Israël illustre le bon travail des ONG en Palestine9 novembre 2021
L’Art de la guerre - Les nouvelles armes financières de l’Occident5 novembre 2021
Israa Jaabis : De victime à criminelle, du jour au lendemain3 novembre 2021
La normalisation est le dernier projet pour éradiquer la cause palestinienne1 novembre 2021
Kafr Qasem reste une plaie béante tandis que les Palestiniens continuent de résister à l'occupation30 octobre 2021
Voler et tuer en toute impunité ne suffit plus, il faut aussi le silence14 octobre 2021
Tsunami géopolitique à venir : fin de la colonie d’apartheid nommée ’’Israël’’12 octobre 2021
La présentation high-tech d'Israël à l'exposition de Dubaï cache la brutalité de l'occupation9 octobre 2021
Pourquoi le discours d'Abbas fait pâle figure en comparaison du fusil d'Arafat à l'ONU6 octobre 2021
Comment la propagande israélienne s'insinue dans votre divertissement quotidien sur Netflix : La déshumanisation et la désinformation de FaudaJénine
Résistances
Nick Pretzlick
22 janvier 2004