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Israël - 27 janvier 2010
Par Alan Hart
Aucun doute : de plus en plus de gens, dans le monde entier, et probablement aussi beaucoup de leurs gouvernements (derrière les portes capitonnées) commencent à voir l’Etat sioniste d’Israël tel qu’il est réellement : non seulement l’obstacle à la paix, mais aussi un monstre ayant apparemment échappé à tout contrôle. Et ces gens de plus en plus nombreux, ces citoyens que d’aucuns qualifient d’ordinaires, commencent à le rejeter. Cela explique pourquoi le Premier ministre Netanyahu est à la tête d’un appel hystérique que le sionisme lance au monde entier, qu’il objurgue de cesser de ‘diaboliser’ Israël.
Ainsi, le 25 janvier, au musée Yad Vashem (mémorial de l’Holocauste) de Jérusalem, Netanyahu a déclaré : « Il y a du mal, dans le monde, et ce mal non seulement ne s’arrête pas : il se répand. Il y a aujourd’hui un nouvel appel à détruire l’Etat juif. C’est notre problème, mais ça n’est pas seulement le nôtre. Cela (la réémergence et la croissance de l’antisémitisme, selon Netanyahu) est un crime contre les juifs et un crime contre l’humanité : c’est aussi un test en matière d’humanité ».
C’était particulièrement gonflé, venant de celui qui a fait bien plus que prêter main-forte au sionisme dans son entreprise de transformation de l’obscénité de l’holocauste nazi, de leçon contre le racisme et le fascisme et tous les maux qui y sont associés en une idéologie visant à justifier tout et n’importe quoi venant d’Israël, crimes de guerre compris !
Le sionisme ne voit pas (il est trop aveuglé par sa propre autojustification susceptible) que le comportement de son enfant monstrueux est la cause première du réveil du géant antisémite assoupi – oups : j’ai dit ‘antisémite’ ? Autant pour moi, ma langue a fourché : dans l’immense majorité des cas, il ne s’agit absolument pas d’antisémitisme, mais bien d’anti-israélisme (le danger étant que celui-ci puisse très aisément muter en antisémitisme au sens que prend ce mot en Occident – le mépris, voire la haine pour les juifs au seul motif qu’ils sont juifs – si nous n’aidons pas le monde occidental à comprendre la différence entre le judaïsme et le sionisme. C’est cette différence qui explique pourquoi il est parfaitement possible d’être passionnément antisioniste sans être le moins du monde, sous aucune forme que ce soit, antijuif et aussi pourquoi il est erroné de blâmer tous les juifs, où qu’ils se trouvent dans le monde, des crimes d’un nombre relativement peu important d’entre eux en Israël, et non pas de tous les Israéliens).
Il est de fait qu’avant l’holocauste nazi, les juifs du monde entier étaient dans leur immense majorité opposés à l’entreprise colonialiste du sionisme. Une des multiples raisons de cette opposition des plus informés et des plus réfléchis d’entre eux était la crainte que, dût le sionisme être mis en capacité par les grandes puissances d’atteindre son objectif, cela pourrait provoquer un jour de l’antisémitisme au sens classique du terme.
Comme je l’indique dans mon ouvrage Zionism: The Real Enemy of the Jews [Le sionisme : le véritable ennemi des juifs], cette crainte a été réinvoquée par Yehoshafat Harkabi, qui fut longtemps Directeur du Renseignement militaire israélien. Dans son livre remarquable Israël's Fateful Hour [Il est minuit, Docteur Israël ! ndt], il formule cette mise en garde :
« Israël, c’est l’aune à laquelle tous les juifs seront peu ou prou jugés. Israël, en effet, est un Etat juif, et il exemplifie la personnalité juive, qui y trouve un champ d’expression libre et intense. L’antisémitisme a des racines extrêmement profondes et historiques. Néanmoins, tout défaut [dénoncé] dans le comportement israélien, que repérera initialement ce que l’on appellera anti-israélisme, ne manquera pas d’être transformé en une preuve empirique de la validité de l’antisémitisme. Quelle ironie tragique ce serait, si l’Etat juif, qui a été édifié dans l’intention de résoudre le problème de l’antisémitisme, devait devenir [lui-même] un facteur de la montée de l’antisémitisme. Les Israéliens doivent être conscients du fait que le prix de leur méconduite est imputé non seulement à eux, mais aussi aux juifs du monde entier ».
Trois événements, en particulier, ont contribué à faire en sorte que la « méconduite » d’Israël est devenue non seulement « un facteur », mais le premier élément dans la réémergence et l’ascension de ce que le sionisme affirme être l’antisémitisme, mais qui est en réalité l’anti-isarélisme. Ce furent :
- l’invasion du Liban, jusqu’à Beyrouth, en 1982, dont l’objectif initial était de détruire l’Organisation de Libération de la Palestine, ses dirigeants et son infrastructure ;
- la guerre au Liban, en 2008, l’objectif principale de cette offensive israélienne étant de causer suffisamment de morts et de destructions pour contraindre les institutions politiques et l’armée libanaises à combattre et à vaincre le Hezbollah (qui n’aurait jamais vu le jour si Israël n’avait pas envahi le Liban et occupé le Sud de ce pays en 1982) et de donner une leçon aux Arabes, à tous les Arabes ;
- quant à la récente agression militaire d’Israël contre la bande de Gaza, elle visait essentiellement à infliger une punition collective à tous les Palestiniens qui s’y entassent pour avoir soutenu le Hamas et à détruire militairement et politiquement celui-ci dans l’illusion qu’un fois cela fait, Israël aurait les coudées franches pour couillonner et acheter son Pétain de l’Autorité Nationale Palestinienne (Abbas) jusqu’à ce que celui-ci se contente de quelques miettes tombées de la table du festin sioniste.
En toute objectivité, ces trois offensives ont été des démonstrations du terrorisme d’Etat israélien (je viens de finir de mettre à jour le texte du Troisième volume de l’édition américaine de mon bouquin, et j’ai dû y ajouter un chapitre, que j’ai intitulé ‘Le terrorisme d’Etat devient la norme d’Israël’).
Le monde occidental ayant été conditionné à voir dans la guerre de juin 1967 une guerre d’autodéfense d’Israël (et donc absolument pas ce que cette guerre était en réalité, à savoir une guerre d’agression israélienne), l’invasion du Liban par Israël, en 1982, représenta la véritable première opportunité, pour le monde occidental, de voir ce que jusqu’alors seuls les arabes, de manière générale, et les Palestiniens en particulier, avaient vu d’extrêmement près : la face hideuse du sionisme. Une face tellement horrible que 400.000 Israéliens avaient manifesté afin d’exprimer leur dégoût de ce qui avait été commis en leur nom.
Quant à la bien-pensance qui est la cause première de la cécité congénitale du sionisme, Harkabi a écrit ceci :
« L’autocritique est impérative, si nous voulons contrebalancer les tendances à la bien-pensance et à l’auto-commisération qui découlent d’attitudes juives basiques, héritées d’une expérience historique des persécutions et d’une mentalité encouragée par Menahem Begin. Aucun facteur ne met plus en danger l’avenir d’Israël que cette bien-pensance, qui nous rend aveugles à la réalité, qui nous empêche d’avoir une compréhension profonde de la situation et qui légitime notre comportement extrémiste ».
Note de bas de page : Certains lecteurs de cet article objecteront-ils peut-être peu ou prou à ma description de l’Etat sioniste comme d’un monstre. Cela n’est en rien une idée qui soit propre à Alan Hart (pour vous servir). En 1984, explique Harkabi, le journaliste israélien Teddy Preuss a publié un livre intitulé Begin, His Regime [Begin et son régime]. Dans ce livre, Teddy Preuss a écrit : « Je ne doute pas un seul instant que le règne de Begin conduira à la destruction de [notre] Etat. Quoi qu’il en soit, sa gouvernance aura d’ores et déjà fait d’Israël un monstre. »
Source : Information Clearing House
Traduction : Marcel Charbonnier
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