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France - 28 février 2011
Par Youssef Girard
Le 5 avril 2011, l’UMP prévoit d’organiser, sur demande de Nicolas Sarkozy, une convention sur le thème : « La laïcité et la place de l’islam dans la République ». Cette convention devrait déboucher sur des « propositions concrètes » avant l’été. Nicolas Sarkozy envisagerait notamment le vote d’une résolution réaffirmant « les principes de la République et de la laïcité ».
Nous pourrions nous poser la question de savoir quels sont ces « principes de la République et de la laïcité » si hautement défendus et si mal définis ? L’inégalité politique entre hommes et femmes, puisque la République instaurée en 1870 et devenue laïque en 1905, n’a accordé le droit de vote aux femmes qu’en 1944 ? L’inégalité raciale entre colons européens et « colonisés musulmans » puisque, dans les trois départements de l’Algérie sous domination française, les Algériens n’ont jamais eu les attributs de la citoyenneté ? L’inégalité des cultes entre l’islam et les autres religions puisque, dans ces mêmes trois départements de l’Algérie sous domination française, la loi de 1905 n’était pas appliquée à la seule religion musulmane ?
Évidemment, la convention de l’UMP n’effleura même pas les questions que nous soulevons. L’objectif est d’une toute autre nature. Derrière les mots pompeux de « République » et de « laïcité », nous allons assister à une nouvelle mise en accusation de l’islam et des musulmans qui seront dénoncés comme la cause de tous les maux qui s’abattent sur la France. Les musulmans « armés » du Coran seront présentés comme les diverses petites tentacules d’une pieuvre immonde qui s'emploie à enserrer le monde « civilisé » pour l’asphyxier.
Les musulmans seront décrits comme des « agents de l’étranger » infiltrés en France pour y mettre en œuvre d’obscurs desseins. On leur reproche déjà les prêches en arabe de leurs agents du culte, les minarets ostentatoires de leurs mosquées, leurs prières dans les rues, leurs restaurants et leurs produits « halals »… Peu importe que ces pratiques ne soient pas répréhensibles au regard de la loi française (1-4). De nouvelles lois « républicaines » seront proposées, débattues et votées dans un esprit de consensus « national » et « républicain » rassemblant la droite et la gauche. Ce consensus « national » et « républicain » se fera autour de la défense des « valeurs républicaines » menacées par la « peste islamique ».
Contre cette « peste », il est d'ores et déjà prévu le vote solennel d'une résolution rassemblant la droite et la gauche afin de réaffirmer « les principes de la République et de la laïcité » face au danger de l'« islamisation » rampante de la France. La nation menacée par une minorité « perverse » et « séditieuse », thématique ancienne mais toujours porteuse...
La loi interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les établissements d’enseignement publics du 15 mars 2004 a été votée en ayant recourt à ce type de consensus « national » et « républicain ». Au-delà du contenu même de cette loi qui est en soi discriminatoire, la loi du 15 mars 2004 a constitué un précédent auquel peu de personnes ont prêté attention. La France a voté une loi spécifique, même si cela n’a pas été formulé ainsi pour des raisons de respect de la légalité formelle, contre une minorité religieuse déterminée, la communauté musulmane.
En ayant voté une loi spécifiquement dirigée contre une minorité religieuse déterminée, la République française a ouvert une boîte de pandore qu'il sera bien difficile de refermer. Avec le vote de cette loi, il est devenu possible et acceptable, pour la majorité des Français, de voter des lois spécifiques contre une minorité religieuse qui pourra être légalement soumise à des lois spécialement votées contre elle. Après la loi du 15 mars 2004, une loi « anti-burqa » a déjà été votée et d'autres lois suivront très certainement dans les années à venir.
La crise économique aidant, la communauté musulmane servira assurément de bouc émissaire à tous les maux de la société française. Cela favorisera le vote de lois toujours plus oppressives contre la communauté musulmane. Ces lois restreindront les libertés de la seule minorité musulmane afin d'interdire petit-à-petit toutes manifestations publiques de sa présence et de son existence. Lorsque ces manifestations publiques seront presque totalement interdites, l'État français jugera que les musulmans sont encore trop ostensibles et trop menaçants pour l'homogénéité culturelle de la nation. La « peste » n'ayant pas été totalement « éradiquée », il faudra alors employer de nouveaux « remèdes ».
Ouvert par la loi du 15 mars 2004, cet engrenage quasiment irréversible, et dont on imagine où il peut aboutir, annonce un avenir des plus sombres pour la communauté musulmane en France. La convention du 5 avril 2011 de l'UMP n'est qu'une étape dans ce processus.
1) En raison de la loi de séparation des cultes et de l'État, celui-ci n’a pas à intervenir dans le déroulement de l’office des différents cultes tant qu’ils ne contreviennent pas à la loi. Le fait de parler arabe n’est pas encore réprimé en France. De plus, l'Église catholique célébrait ses messes en latin jusqu’au concile de Vatican II en 1963 sans que cela pose problème. Certaines églises célèbrent toujours la messe en latin.
2) La construction de minarets n’a qu’une seule contrainte celle du code de l’urbanisme. Si une loi interdisant la construction de minarets était votée, qu’en serait-il des clochers des églises en construction ?
3) Les prières dans les rues, question très minoritaire mise en avant par Caroline Fourest (Le Monde, « Prières et cochonnailles », 19/06/2010) puis repris par Marine Le Pen, ne sont pas plus interdites par la loi. Si une loi les interdisant était votée, s’appliquerait-elle aussi aux processions catholiques ou ne viserait-elle que l’islam de manière totalement discriminatoire ?
4) La liberté de commerce autorise à commercialiser les produits qu’il souhaite tant que ces produits ne sont pas interdits par la loi. La viande halal ne l’est pas.
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