USA - 31 juillet 2006

La Fin de l'Holocauste

Par Todd May

> fivemays@nctv.com

Todd May est Professeur de Philosophie à l'Université de Clemson. L'université est citée seulement pour des besoins d'identification

Pendant que j'écris, la fumée se dégage toujours des décombres carbonisés du centre de réfugiés à Qana. Des corps sont encore coincés sous le bâtiment qui s'est effondré. Les enfants qui étaient rassemblés là cherchaient à échapper à la violence israélienne. Elle les a trouvés et les a tués.
Selon Israel, le problème n'est pas qu'il tue des civils. C'est que le Hezbollah tire des roquettes depuis des secteurs civils.

Qana, 30 juillet 2006 ........ (voir les autres photos)


Ce que préferait Israël, c'est que le Hezbollah vienne à découvert avec son armée plus faible et qu'il l'autorise à ce qu'elle soit décimée par la puissante armée de l'air israélienne. Ceci, naturellement, ne se produira pas.

Comme avait répondu un jour M. Ben M´Hidi, chef des forces du FLN dans le film "La Bataille d'Alger" alors qu'il était accusé d'avoir placé des bombes dans des sacs à main de femmes : "Naturellement, si nous avions vos avions, ce serait beaucoup plus facile pour nous. Donnez-nous vos bombardiers et nous vous donnerons nos sacs à main."

Le Hezbollah est loin d'être un saint. Il est emblématique de la férocité religieuse qui a balayé notre monde. Mais il n'est pas stupide. Et sa férocité n'est pas comparable à celle de l'IDF.

Comment Israël peut-il continuer à massacrer des gens sous les yeux du monde ?

Quelle justification se donne-t-il, et qu'est-ce qui fait taire le monde ?

La réponse est aussi évidente qu'elle est absurde : l'Holocauste.

L'Etat Juif reçoit une dérogation pour les crimes commis contre le peuple Juif. Il a été presque exterminé, et maintenant il doit se protéger.

Combien de massacres Israël peut-il commettre avant que cette dérogation s'épuise ? Kibya, 1953 ; Sabra et Shatila, 1982 ; Jénine, 2002 ; Qana, 2006, et tous les autres commis dans l'intervalle. (N'oublions pas qu'en ce qui concerne Qana, c'est sa deuxième fois. En 1996, Israël y a massacré 100 personnes.)

On est tenté de suggérer qu'Israël a trop tiré sur son crédit de l'Holocauste. Il est peut-être temps de refuser le recours à la barbarie Allemande pour se lancer dans sa propre barbarie.

Des historiens, dont beaucoup d'Israéliens, nous ont prouvé que l'histoire d'Israël n'est pas une histoire de défense contre une agression.

Au contraire, c'est une litanie d'agressions dans lesquelles la vie des civils, tout pendant qu'ils ne sont pas Juifs, est dérisoire. Mais l'état israélien et beaucoup de ses habitants continuent à se cacher sous le manteau de la victime et du discours de l'auto-protection.

Il est temps, en effet, de briser le lien rationnel entre Israël et l'Holocauste. Il n'y a aucune relation morale entre les deux, à moins que la trahison compte comme une relation morale.

Le récit abondant des atrocités israéliennes doit être reconnu pour ce qu'est il.

Ce n'est pas un récit de peur enraciné dans l'expérience historique de tentative d'extermination. C'est devenu une manipulation cynique de cette tentative afin de susciter l'horreur parmi ceux qui ont le malheur de se mettre en travers des désirs des Israéliens et de la machine de guerre israélienne.


Ce malheur n'est pas, bien sûr, limité aux Libanais. Il suffit de parler avec un Palestinien, qu'il soit citoyen israélien ou non. Aux États-Unis, il y a un terme pour le crime commis par des Afro-Américains quand ils sont trainés par la police : CBN, Conduire Bien que Noir. Pour les voisins d'Israël (et des citoyens non-Juifs), le crime est peut-être VBA : Vivre Bien qu'Arabe.

Nous devons être clairs au sujet de la relation exacte entre Israël et l'Holocauste. Il y a deux faits fondamentaux.

D'abord, un crime terrifiant a eu lieu contre le peuple Juif avant et pendant la Seconde Guerre Mondiale. (C'est une honte qu'encore aujourd'hui, nous soyons toujours obligés de l'affirmer.)

En second lieu, ce crime terrifiant a motivé des gens à l'époque, en particulier en Europe, pour soutenir la création d'un Etat Juif. Le lien entre Israël et l'Holocauste n'est pas plus profond que cela. S'il y avait d'autres liens qui reliaient les deux, ils ont été coupés, leurs fils se sont graduellement effilochés par le frottement des massacres israéliens.

Pourquoi insister sur ce thème de l'holocauste à la suite des actions d'Israël à Qana ? Parce que, sous la rhétorique vide de la survie d'Israël, il y a l'extorsion silencieuse de l'holocauste.

Critiquer Israël est nier la réalité ou la pertinence du crime énorme contre les Juifs.

L'autre face de cette pièce est claire : l'holocauste procure l'exception israélienne. Les massacres, qui, pour d'autres pays sont des symptômes de folie, sont pour Israël un malheureux effet secondaire du projet de la survie à la suite de l'holocauste.

Nous devons abandonner ce discours, et ne plus permettre à ceux qui soutiennent Israël le luxe de son utilisation. Sinon, nous continuerons à ouvrir la porte à ce qui s'est produit la nuit dernière, et cela se reproduira sûrement.

Israël doit être jugé non pas sur l'histoire qu'il se raconte, mais sur ses actes. Ils racontent leur propre histoire, une histoire qui a ses propres victimes, qui ne sont pas toutes Juives.

Pour Israël, comme pour les États-Unis, l'abandon de l'exception implique une reconnaissance douloureuse de qui on est.

Néanmoins, refuser cette reconnaissance entraine beaucoup de souffrance. Vous n'avez qu'à demander à la population de Qana.