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Palestine - 8 novembre 2008
Par Joseph Chamie
Joseph Chamie, ancien directeur de la Division de la population aux Nations Unies, est directeur de recherche au Center for Migration Studies, New York. Ce commentaire a été publié pour la première fois par Yale Global Online (c) et est republié par The Daily Star avec la permission.
Maintenant que les citoyens américains ont élu un nouveau président et qu'Israël se prépare à accueillir une nouvelle administration, le conflit israélo-palestinien va devenir à nouveau à l'ordre du jour et obtiendra un nouveau regard.
Dans les calculs politiques et stratégiques qui seront inévitablement faits sur l'un des plus problèmes les plus difficiles, les décideurs politiques feraient bien de méditer sur le fait dont on ne parle pas mais qui est inexorable, la démographie ,qui défie tout calcul à court terme.
Depuis plus de six décennies, les Israéliens et les Palestiniens se sont bagarrés à l’intérieur d'un petit bout de terre qui n’est pas plus grand qu'Haïti. Le nombre de personnes directement impliquées dans le conflit est également relativement faible, ce qui représente un cinquième de 1% de la population mondiale, soit environ l’équivalent de la population de la métropole de Los Angeles. En outre, les économies de ces populations sont relativement faibles, représentant moins d'un tiers de 1% de la production économique mondiale.
Indépendamment de ces faits statistiques, le conflit israélo-palestinien est un sujet d'importance mondiale, qui se propage bien au-delà de ses frontières et de la région dans pratiquement tous les continents. Le conflit continue à être une préoccupation dominante de la diplomatie internationale, régionale et nationale, politique, public et universitaire et le débat politique ainsi qu'un thème récurrent captant l'attention et faisant les gros des médias internationaux.
Avec deux nouvelles administrations en Israël et les États-Unis et l'Autorité Palestinienne en plein désarroi, les perspectives à court terme d’un règlement de paix global entre Israéliens et Palestiniens semblent lointaines. Malgré les énormes défis posés par les nombreuses questions litigieuses et la paralysie décourageante dans les négociations en cours, la démographie pourrait bien décider de l'issue de la région.
Voici quatre scénarios sur les tendances démographiques qui pourraient se dérouler, avec des implications pour l'avenir de cette région troublée:
Le premier scénario est tout simplement un maintien du statu quo. Sur l'ensemble de la période de projection de 40 ans, qui commence en 2010, Israël - sa population étant d’un peu plus de 7 millions - reste avec une population plus nombreuse que celle du Territoire Palestinien Occupé.
Toutefois, les Palestiniens ont des taux de fécondité plus élevé que les Israéliens, actuellement de 5,4 enfants par femme dans la bande de Gaza et de 4,2 enfants par femme en Cisjordanie , contre 2,9 enfants par femme en Israël, ce qui donne un taux de croissance démographique plus rapide pour les Palestiniens -- 3,2% par an contre 1,8%.
Par conséquent, la différence de la taille de la population entre Israël et le Territoire Palestinien Occupé devient progressivement plus petite avec un résultat en 2050, d’une taille équivalente entre les deux populations qui sera d’environ 10,5 millions chacun
Le deuxième scénario, l’option de «Trois Etats", envisage trois Etats indépendants : Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza. Dans ce cas, la population d’Israël demeure nettement plus importante que celle de la Cisjordanie ou de la bande de Gaza dans l’ensemble de la période de projection. Toutefois, si les réfugiés palestiniens des pays voisins sont incorporés à la population de la Cisjordanie en 2010, alors ce nouvel État palestinien aura une population bien plu nombreuse qu’Israël dans 20 ans.
Le troisième scénario, l’option à "deux États", ce qui implique deux Etats séparés existant pacifiquement côte à côte. Sans le retour des réfugiés palestiniens, Israël conserve une population plus importante que la population du nouvel État palestinien jusqu'à la mi-siècle lorsque les deux Etats seront à peu près de la même taille. Toutefois, si les réfugiés palestiniens devaient être inclus dans le nouvel État palestinien en 2010, sa population serait légèrement plus importante que celle d’Israël dès le début.
Le quatrième scénario est l’option à "un seul Etat", souvent appelée l’option binationale. Dans un tel scénario, Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza seraient réunis dans un seul État démocratique avec les habitants arabes et juifs ayant la même citoyenneté et une égalité des droits. Au moment de l’établissement du nouvel État unifié en 2010, sa population totale serait de près de 12 millions d’habitants, avec un nombre d’Arabes et de Juifs à peu près la même taille, chacun étant légèrement en dessous de 6 millions.
Toutefois, en raison de leur taux de croissance de population nettement plus élevé, les Arabes dans ce nouvel État seront bientôt plus nombreux que les Juifs et d’ici 2050, les Arabes représenteront à près les deux-tiers de la population de l’Etat.
Une légère variante de ce scénario, c’est un Etat composé d'Israël et de la Cisjordanie , avec la bande de Gaza devenant une nation indépendante. Dans un tel cas, les Juifs dans ce nouvel État représenteraient environ 55% de la population en 2010 et resteraient majoritaires jusqu'en environ 2030, ensuite ils deviendraient une minorité décroissante.
Peut-être que l’observation la plus évidente de cet exercice, c’est que, quel que soit le scénario, les résultats ou les solutions envisagés pour le conflit israélo-palestinien, il est clair que la démographie joue un rôle déterminant.
Au cours des prochaines décennies, sauf en cas de catastrophe à grande échelle, les populations israélienne et palestinienne seront nettement plus nombreuses qu'aujourd'hui. Par conséquent, cette région contestée du monde sera de plus en plus densément peuplée qu'elle ne l'est déjà. Les densités d'Israël, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza – sont respectivement aujourd'hui d’environ 350, 450 et 4300 personnes par kilomètre carré - devraient augmenter à environ 500, 1000 et 12500 personnes au kilomètre carré en 2050.
Les tendances démographiques prévues suggèrent également qu'il sera de plus en plus difficile pour les juifs israéliens de maintenir leur majorité dominante actuelle de 76% à l'intérieur d'Israël.
Comme les taux de fécondité sont plus élevés chez les Arabes-Israéliens que les Israéliens juifs - environ 3,7 versus 2,8 enfants par femme – la population israélo-arabe devrait croître plus rapidement que la population judéo-israélienne au cours des prochaines décennies. Par exemple, alors que les Arabes-Israéliens représentent maintenant un cinquième de la population totale d'Israël, ils devraient augmenter d'un quart d'ici à 2025 et pourraient même augmenter de 30% d'ici à 2050.
Mais une question centrale reste concernant le conflit israélo-palestinien, et c'est quel est le scénario qui est susceptible de se produire. Considérant l'état actuel des affaires politiques à l'intérieur et l'extérieur de la région, le statu quo semble être le résultat le plus probable, du moins à court terme.
Toutefois, le maintien du statu quo sape la crédibilité et diminue les chances d'une solution à deux États. Avec plus de 100 colonies juives, environ un demi-million de colons et une vaste présence israélienne dans l’ensemble de Cisjordanie , Israël est devenu, à toutes fins pratiques, solidement intégré dans la Cisjordanie . En conséquence, et contrairement au désengagement israélien de la bande de Gaza, le retrait de la Cisjordanie serait probablement un cauchemar logistique et affectif pour le gouvernement israélien.
Compte tenu de ces faits sur le terrain, les Palestiniens dans le Territoire Palestinien Occupé, en particulier ceux de Cisjordanie , pourraient décider éventuellement de faire pression pour obtenir le droit à la citoyenneté et de voter en Israël. En effet, le manque de progrès tangibles incite de plus en plus les Palestiniens à conclure que la solution de deux États n'est pas viable et qu’elle ne sera jamais réalisée et, par conséquent, ils devraient faire pression pour obtenir la citoyenneté et l'égalité des droits dans un Etat démocratique élargi d'Israël .
Enfin, la différence des taux de croissance de population redéfinit non seulement la position relative des arabo-israéliens, des juifs-israéliens et des Palestiniens, mais aussi l'impact des calculs politiques, des positions de négociation et de l'opinion publique.
Dans le court terme, ces changements relativement lents dans le nombre de personnes pourraient ne pas être les principales forces derrière la résolution du conflit. Toutefois, dans le long terme, comme cela l'a été tout au long de l'histoire de l'humanité, et le conflit israélo-palestinien ne fait pas exception, la démographie est la destinée.
Source : http://www.dailystar.com.lb/
Traduction : MG pour ISM
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