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Cisjordanie - 29 avril 2002
Par Eyal Weizman
Eyal Weizman est un architecte basé à Tel-Aviv et à Londres. Pour sa propre clientèle à Tel-Aviv, Eyal est actuellement en train de reconstruire le Ashdod musée de l’Art d’Ashdod (avec Rafi Segak et Manuel Herz) et une scène pour la compagnie de théatre Itim (avec Rafi Segal). Il mène également des recherches pour l’organisation des droits humains B'tselem sur les aspects de la planification de l’occupation israélienne en Cisjordanie. Eyal enseigne à l’Ecole d’Architecture Bartlett de Londres et au Technion à Haifa. Il collabore avec Zvi Hecker à Berlin sur un quartier général dans l'Aéroport Schipol à Amsterdam. Il développe la Politique de la Verticalité en une thèse, un livre et un film. Il a écrit deux livres et a exposé à Vienne, New York, Berlin, London et Jerusalem.
Dans sa quête d'archéologie biblique, Israël a essayé de ressusciter les fragments souterrains d'une civilisation ancienne pour faire valoir ses droits présents sur le sol.
Quand les premier sionistes arrivèrent en Palestine à la fin du dix-neuvième siècle, la terre qu'ils trouvèrent leur était étrangement mal connue, différente de celle dont ils s'étaient tellement languis.
Atteindre l'endroit qu'ils avaient tant convoité n'était pas suffisant. La quête devait continuer : en surface, pour donner à leur quête un sens métaphysique, et sous la croûte terrestre, pour les excavations archéologiques.
Qu'en plus, la terre fut habitée par les arabes et que des traces de leur existence soient présentes, a énormément compliqué les choses.
Ainsi, l'espace existant s'est vu transformer dans les esprits sionistes en une enveloppe protectrice, qui dissimulait le pays historique tant désiré.
L¹archéologie a tenté d'arracher cette peau apparente et d'exposer le paysage historique qu'elle dissimulait. A seulement quelques mètres sous la surface, un palimpseste fait de vieux vestiges d'il y a cinq mille ans, de traces de cultures, des récits de guerres et de destruction, s'est organisé chronologiquement dans les strates compressées de la pierre et de la terre.
ARCHEOLOGIE BIBLIQUE
La quête de "l'Archéologie biblique" cherche à mettre en parallèle les ruines de l'âge de bronze et les récits bibliques. L'Israël moderne a essayé de se poser en successeur de l'ancien Israël, et de se construire une nouvelle identité nationale enracinée dans les profondeurs du sol. Ces traces matérielles ont pris une immense importance en tant qu'alibi du retour juif.
Si la terre à recevoir «en héritage» était vraiment localisée sous la surface, alors tout le volume souterrain était monument national. A partir de là, on pouvait ressusciter politiquement l'ancienne civilisation, pour témoigner du droit à la présence actuelle d'Israël.
Au centre de cette activité, en bref son véritable symbole, Yigal Yadin, l'ancien chef d'état major militaire devenu archéologiste. Cherchant à offrir à la société israélienne des parallèles historiques aux combats du sionisme, il a concentré ses fouilles sur l'ancienne occupation et la colonisation des israélites en Canaan, sur les guerres de la Bible et sur les monumentaux travaux de constructions et de fortifications entrepris par les rois d'Israël.
Le paysage visible et le paysage souterrain ont été décrits sous deux sortes de cartes qui se chevauchent l'une l'autre. Il y a eu un effort permanent pour ancrer de nouvelles revendications aux anciennes, comme ces séries de colonies construites à côté - ou sur des sites, censés avoir un passé hébreu.
Rendre le contexte historique explicite a permis la réorganisation de la surface, en créant un apparent continuum de la présence juive. Les colonies recyclent l'histoire, en adoptant des noms de sites bibliques, et permettent aux gens d'affirmer leurs racines généalogiques.
Et peut-être est-ce à Hébron où on en a l'exemple le plus dramatique. La colonie de Tel-Rumeida y a été construite au beau milieu d'un quartier palestinien. Elle a été construite sur pilotis, au sommet d'un site de l'âge du Bronze récemment excavé.
Tandis que le sous sol surgissait à la surface, le Ministre israélien de la Défense, Benjamin Ben Eliezer, confisquait la terre palestinienne la déclarant site archéologique. Peu après, il autorisait un groupe de colons à construire une dalle en ciment surplombant le coeur du site archéologique et d'y installer une colonie composée de sept mobil-homes, perchés au-dessus de l'histoire nouvellement révélée.
Récemment, à la suite de plusieurs attaques armées contre les colons à proximité de leurs maisons, Ben Eliezer a autorisé qu'un mur sépare le site, et que les mobil-homes soient remplacés et nantis de nouvelles structures pare-balles.
Qu'est-ce qui est antiquité, et dès lors digne d'un sentiment nationaliste lié à la découverte de nombreux sites archéologiques, et spécialement dans et autour de Jérusalem ?
Précédemment, le développement des habitations soutenues par l'Etat, était conduit sur le modèle des blocs blancs du modernisme européen et reflétait la philosophie socialiste.
Mais les nouveaux quartiers, aujourd'hui, s'enorgueillissent d'arches et de dômes, de colonnades et de cours intérieures, couverts d'un vernis d'ardoises. C'est cela la version israélienne du postmodernisme architectural : un style de bâtiment basé sur le brutal modernisme du béton brut, mais enveloppé des caractéristiques incarnant la nouvelle identité nationale religieuse.
Pour contrer la tendance des archéologues bibliques à court-circuiter l'Histoire et célébrer une fantasmagorie des grands évènements et des destructions de la Bible, une nouvelle archéologie est apparue, défendue tant dans les universités palestiniennes qu'israéliennes, et qui commence à fouiller les couches les plus récentes et les plus hautes des périodes arabes et ottomanes.
Ces archéologues ont travaillé à découvrir l'évolution de la vie quotidienne des "gens sans histoire" en tant que long processus dessinant des changement graduels, culturels et sociaux.
Copyright © Eyal Weizman, 2002. Publié par openDemocracy.
Index de la Politique de la Verticalité
• 1 - Introduction
• 2 - Cartes
• 3 - Collines et vallées de la Cisjordanie
• 4 - Colonies de la Cisjordanie
• 5 - Urbanisme optique
• 6 - Le paradoxe de la double vision
• 7 - De l’eau à la merde
• 8 - Excavation du sacré
• 9 - Jérusalem
• 10 - Routes – dessus et dessous
• 11 - Contrôle du ciel
Source : www.opendemocracy.net/
Traduction : CS
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Eyal Weizman
29 avril 2002