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ISM France - Archives 2001-2021

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France -

La politique étrangère française et l’élection présidentielle. Le Moyen-Orient brille par son absence

Par

> dianajohnstone@compuserve.com

A l’élection présidentielle française succéderont des élections législatives en vue du renouvellement d’une Assemblée nationale dont la composition déterminera dans une très large mesure jusqu’à quel point le nouveau président (ou la nouvelle présidente… ndt) sera en mesure de tenir ses promesses en matière de politique intérieure – dans le cadre contraignant des règlements et directives de l’Union européenne.
La politique étrangère, en revanche, demeure le domaine réservé du président (de la présidente) de la République.

En théorie, le seul domaine dans lequel l’élection présidentielle est véritablement décisive, en France, c’est précisément la politique étrangère.

Il est d’autant plus déconcertant de constater que le débat autour de la politique étrangère est pratiquement totalement absent de la campagne présidentielle française actuelle, dont la première phase se clôturera dimanche soir, quand deux sur les douze candidats resteront en lice à la suite du premier tour des élections.

Les trois candidats ayant une chance d’être élus – Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou –, n’ont pratiquement rien eu d’intéressant à dire au sujet du monde extérieur, et en particulier au sujet de la région pourtant cruciale qu’est le Moyen-Orient.

Cela pourrait signifier que les Français s’en tapent, et que, partant, aucun vote n’est à espérer en en parlant. Ou cela peut signifier, aussi, qu’afin d’être élu, il vaut mieux éviter ce sujet épineux !


Essayons la seconde hypothèse.
Quand un candidat marginal, comme le champion de l’anti-mondialisation José Bové, tient meeting à Paris, il parle des sujets bateau de la gauche : les jobs, le logement, les services publics, les droits des immigrés, et sa propre croisade emblématique contre les plantations d’OGM. Applaudissements ramollos et bienveillants.

Mais quand il dénonce la guerre en Irak, ou quand il défend les droits des Palestiniens, la foule éclate en vivats bruyants et en applaudissements nourris.

Mais Bové n’a, en ce qui le concerne, rien à perdre. On peut seulement imaginer ce qui attendrait l’un quelconque des trois candidats en tête de peloton s’il lui prenait la fantaisie de faire campagne sur le thème de la nécessité de maintenir la France à l’écart des guerres américaines au Moyen-Orient et de soutenir les droits des Palestiniens…

C’est un thème que, très nombreux, les électeurs approuveraient de tout cœur. Les médias, toutefois, pousseraient des cris d’orfraies scandalisées, accusant ce candidat intrépide d’irresponsabilité et d’incompétence – voire pire…


Ségolène au Moyen-Orient

Un échantillon du caractère casse-gueule des initiatives en politique étrangère nous a été fourni par la visite de Ségolène Royal au Liban, en décembre de l’année dernière.

Conformément à son approche marque de fabrique d’"être à l’écoute de tout le monde », la candidate socialiste repoussa d’un revers de la main le conseil du leader druze Walid Joumblatt, selon lequel elle "devait rentrer en France immédiatement", et elle insista : elle voulait entendre ce que toutes les parties prenantes avaient à dire.

Une réunion fut mise au point avec la commission des Affaires étrangères du parlement libanais.
Parmi les députés qui y assistèrent se trouvait un représentant élu du Hezbollah, Ali Ammar, qui évoqua, en arabe, "le grand rôle que la France doit jouer au Liban au cas où elle serait en mesure de se délier de la folie de la politique américaine".

D’après le reportage publié par le quotidien local en langue française L’Orient – Le Jour, Ammar ajouta que les Libanais "étaient fiers de leur amitié avec la France, et fiers aussi du fait que la résistance du Hezbollah [à l’occupation israélienne – qui est à l’origine de sa propre existence" s’inspirait de la résistance française à l’occupation nazie."

On en fit un « scandale », au moyen de reportages confus selon lesquels Royal aurait permis à Ammar d’associer Israël au nazisme en sa présence, sans réaction de sa part.

En réplique, elle fit remarquer que ni elle-même, ni l’ambassadeur de France qui était à son côté, n’avaient entendu mentionner le nazisme, et que eût cela été le cas, s’ils eussent entendu ces remarques "inadmissibles, abominables, odieuses", ils auraient "quitté la pièce" (Il fut confirmé que les journalistes et la candidate française avaient écouté la traduction d’interprètes différents).

Mais même cela ne suffit pas, et les commentateurs ont continué à parler de « boulette en politique extérieure » au Liban – « preuve » qu’elle aurait été « incompétente ».

Pour le lobby pro-israélien, le simple fait d’écouter un député du Hezbollah est inacceptable. La volonté scandaleuse qui était celle de Ségolène Royal d’entendre l’autre camp fut comparée en termes défavorables au « courage » du candidat socialiste de 2002, Lionel Jospin, lequel, au cours d’une visite au Moyen-Orient en sa qualité de Premier ministre, dénonça chez le Hezbollah son caractère d’organisation « terroriste ».

Or il se trouve que dans le monde pour de vrai, extérieur aux médias, cette déclaration de Jospin fut interprétée par une large partie de la population française comme une concession absolument gratuite offerte à Israël et à son lobby. E

t dans les conversations, pratiquement tout le monde reconnaît qu’en tant que Président, Jospin aurait suivi les Etats-Unis dans le catastrophique marécage irakien, contrairement à Chirac.

Le fait est qu’en dépit des tirs de francs-tireurs de certains commentateurs et même de membres de son propre parti socialiste, tandis que le premier tour de l’élection présidentielle prend fin, Ségolène Royal fait beaucoup mieux, dans les sondages, que ne faisait Jospin avant son élimination infâmante par Jean-Marie Le Pen.

De fait, elle a fait une campagne bien plus vigoureuse, tout aussi sensée (souvent plus) que ses principaux rivaux – tout en ayant, à la différence des candidats masculins, à faire des choix stratégiques dans ses tailleurs.

Certes, tout le spectre politique a été tiré vers la droite par le carcan de l’Union européenne, mais elle est encore relativement à gauche, tout au moins en paroles verbales, en tout cas durant la campagne…


Mais que vaudrait Ségolène, en politique étrangère ?

Cela dépendrait inévitablement du choix de ses conseillers. La politique étrangère n’est pas le domaine majeur de compétence de la plupart des hommes politiques professionnels, dont la préoccupation première est de bêcher leur propre pelouse.

Une exception à cette règle : celle de Jean-Pierre Chevènement, l’ex-candidat à la présidentielle aux idées très indépendantes, qui a décidé, cette fois-ci, de soutenir Ségolène Royal, en espérant être en mesure de lui donner quelques conseils utiles.

A l’instar de diplomates vétérans comme un Hubert Védrine, Chevènement pourrait être en mesure de préserver quelques vestiges de l’indépendance française en matière de politique étrangère, sous une présidence Royal.

D’un autre côté, Dominique Strauss-Kahn, ce socialiste bénéficiant de puissants soutiens dans les milieux d’affaires, aspire et œuvre à devenir Premier ministre en cas de victoire de Ségolène – voire même si Bayrou gagne, d’ailleurs.

DSK est pro-israélien jusqu’au bout des ongles, et il est au moins aussi pro-américain que Sarkozy, sinon plus…


Le cas Pascal Boniface

La politique extérieure américaine est tombée dans une large mesure entre les mains de lobbies et de boîtes à idées à financement privé.

En France, le ministère des Affaires étrangères, connu de par son adresse sous le nom de Quai d’Orsay, continue à jouer le rôle majeur, en cette matière. Le Quai d’Orsay a une tradition d’approche réaliste des situations et des intérêts français.

Mais un changement de génération est en cours, et certains observateurs redoutent que la prochaine génération ne soit lourdement influencée par les médias, par le lobby pro-israélien et par le genre de moralisme qui est utilisé par les uns et par l’autre afin de justifier l’aventurisme de la politique étrangère américaine.

Pascal Boniface est directeur de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), à Paris. Cette boîte à idées est liée au parti socialiste.

En avril 2001, il a rédigé une note destinée au secrétaire général François Hollande, exhortant le parti à dépasser sa peur d’adopter une position claire sur la Palestine. Etant professeur, il constatait la sympathie croissante de ses étudiants pour les Palestiniens, ainsi que leur outrage au spectacle des mauvais traitements qui leur étaient infligés.

A la peur du parti socialiste de « perdre son électorat juif », Boniface répliqua que décider d’une politique en fonction uniquement des souhaits de l’électorat d’une « communauté » donnée était une position non seulement dépourvue de tout principe, mais dangereuse, sur le long terme.

L’influence conséquente de la communauté juive organisée sur la politique, avait-il averti, ne pourrait qu’alimenter la montée d’un lobby opposé, basé sur la communauté musulmane, beaucoup plus nombreuse.

Cela menaçait de diviser la France en fonction de frontières ethniques ou religieuses et communautaires, perspective profondément redoutée par les socialistes.

Pour avoir fait cette observation, Boniface devint la cible d’une campagne orchestrée par des commentateurs et des organisations qui réussirent presque à détruire totalement sa carrière universitaire, même s’il est un défenseur invétéré d’Israël, et même si ses opinions sur le conflit au Moyen-Orient sont tout ce qu’il y a de modéré.

Toutefois, il est toujours là, et la conséquence de l’incident pourrait bien être le fait qu’en France, comme aux Etats-Unis, l’impatience grandit à l’encontre du lobby et, ce, y compris au sein du parti socialiste, qui est traditionnellement le plus grand supporter d’Israël.


Droits de l’homme

Aujourd’hui, plus personne ne peut décemment défendre les exactions d’Israël dans les territoires palestiniens occupés. La stratégie pro-israélienne consiste donc plus à passer sous silence qu’à formuler une plaidoirie.

L’attention est donc focalisée sur « la menace iranienne pesant sur l’existence même d’Israël », ou sur le Darfour, où beaucoup de civils sont en train de se faire massacrer.

Les trois candidats en tête des présidentielles en France ont signé leur engagement à « faire quelque chose » au sujet du Darfour (probablement des sanctions économiques à l’encontre du Soudan. Si la génération montante est sensible au calvaire des Palestiniens, elle est aussi très sensible aux droits de l’homme (en général) et elle méprise le réalisme politique.

On ne peut pas dire que Sarközy ait amélioré ses chances de succès avec sa performance dans l’obséquiosité à Washington. Sa poignée de main échangée avec George Deubeuliou Bush est l’illustration mascotte des sites ouèbes « Tout Sauf Sarko ».

En cas de malheur – s’il devenait président – le candidat de la droite aimerait certainement fortifier une alliance avec George Deubeuliou et les néocons. Mais selon toutes les probabilités, ni Bush, ni les néocons ne seront plus là. Sarközy sera arrivé trop tard.

D’un autre côté, Ségolène Royal dépeint un portrait brillant d’une prochaine sororité présidentielle avec la Présidente Hillary Clinton.

Apparemment, elle n’a pas pris l’entière mesure de la désastreuse politique étrangère d’Hillary !

Source : Counterpunch

Traduction : Marcel Charbonnier

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