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Hébron - 10 septembre 2017
Par Badil
Le 31 août, le Commandement central militaire israélien a émis une ordonnance donnant un statut officiel au comité municipal d'Hébron qui représente les colons juifs israéliens vivant dans la ville d'Hébron, en Cisjordanie occupée. [1] Cette démarche a été annoncée par le ministre israélien de la Défense, Avigdor Liberman, le 29 août lors d'une conférence de presse. [2] L'action, à tout le moins, viole à la fois les Accords d'Oslo et le Protocole d'Hebron de 1997, mais est surtout une violation grave du droit international humanitaire qui équivaudrait à l'annexion de jure d’un territoire occupé.
Une scène quotidienne dans la Vieille ville d’al-Khalil : la fouille des passants palestiniens par l'armée d'occupation (photo ISM)
Le nouvel ordre militaire transfère la responsabilité sur les besoins d'infrastructure des colons, comme l'électricité, les réseaux d'égouts et le pavage routier, de la municipalité palestinienne au conseil colonial local, qui relève de la juridiction du ministère israélien de l'Intérieur. [3] Les problèmes d'infrastructure échappant au contrôle colonial mais affectant les colons continueront de dépendre de la municipalité palestinienne, mais l'ordre militaire établit que si la municipalité palestinienne n'agit pas « dans un délai raisonnable », le conseil local peut intervenir après approbation de l'administration civile israélienne. Ce libellé abstrait concède un pouvoir considérable au conseil local des colons pour agir non seulement sur les colonies, mais aussi sur d'autres infrastructures, y compris dans les zones palestiniennes.[4]
L'octroi du statut officiel au conseil local n'est pas une première en Cisjordanie occupée, mais il place la communauté des colons d'Hébron à égalité avec d'autres colonies de la Cisjordanie qui ont leurs propres conseils municipaux locaux et régionaux et fait du conseil colonial l’égal des conseils en Israël.
L'Accord d'Oslo de 1995 a établi que « la municipalité d'Hébron continuera à fournir tous les services municipaux dans toutes les parties de la ville d'Hébron » [5]. Cette disposition est réaffirmée par l'article 16 du Protocole d'Hébron de 1997, qui réglemente la situation à l'intérieur de la ville. Le Protocole, signé par l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et Israël, a divisé la ville en deux parties : H1 comprenant environ 80 pour cent de la ville et sous le contrôle total de l'Autorité palestinienne (PA) et H2, soit environ 20 pour cent, sous le contrôle d'Israël. En H2, l'AP a reçu le contrôle des affaires civiles, à l'exception de celles relatives aux colons israéliens et à leurs biens. [6] Par conséquent, le transfert de responsabilité des services municipaux au conseil colonial local est contraire aux Accords d'Oslo et au Protocole d'Hébron.
De plus, il faut souligner l'illégalité de toute colonie en Cisjordanie occupée, y compris la ville d'Hébron, car cela constitue une violation de l'article 49 et une violation grave de la quatrième Convention de Genève. Le transfert de civils par la puissance occupante dans un territoire occupé peut également représenter un crime de guerre. [7]
Le ministre israélien de la Défense, Liberman, l'un des principaux responsables de l'ordre militaire, a déclaré lors de l'annonce de la création du conseil colonial local, qu'il était déterminé à continuer de promouvoir la colonisation [en territoire occupé] afin qu'elle fleurisse et prospère." [8] Pendant ce temps, le ministre adjoint de la Défense, Eli Dahan, a déclaré que donner un statut municipal à la communauté des colons à Hébron est « une autre étape importante dans la normalisation de la vie des Juifs à Hébron en particulier et dans tout le Judée et Samarie [nom israélien pour la Cisjordanie ], en général. »[9] Ces déclarations illustrent clairement l'intention du gouvernement israélien de soutenir les colonies, des déclarations qui ont été validées par les actions du gouvernement israélien, indépendamment du fait qu'elles violent les interdictions de droit international.
La création de conseils municipaux locaux et régionaux dans les colonies et leur placement sous la juridiction du ministère israélien de l'Intérieur constituent une extension de la souveraineté israélienne sur le territoire occupé. [10] Le droit international établit clairement que le territoire occupé doit être administré par un commandant militaire et que la puissance occupante ne peut en aucun cas étendre sa souveraineté. [11] Dans ce contexte, le changement de souveraineté par une extension illégale constituerait un mouvement vers l'annexion de jure.
Le conseil local d'Hébron répondra à ses électeurs, dans ce cas la communauté des colons. En d'autres termes, le conseil est susceptible d'utiliser les pouvoirs nouvellement acquis pour promouvoir des plans et des projets visant à consolider et à augmenter la présence coloniale dans la ville occupée. Cela entraînera non seulement une augmentation du nombre de colons, mais aussi l'intensification de l'environnement coercitif subi par les résidents palestiniens dans le secteur H2. La présence des colons s'accompagne souvent de violences contre les Palestiniens, d'un accroissement de la présence militaire, de davantage de postes de contrôle et de restrictions de mouvement, de ségrégation et de discrimination. [12] De telles situations constituent un puissant élément déclencheur poussant les Palestiniens hors du secteur. Les politiques israéliennes de transfert forcé, y compris la promotion de la présence coloniale, ont entraîné une forte diminution de la population palestinienne dans la zone H2. Le transfert forcé de Palestiniens est une violation grave de la Quatrième Convention de Genève et constitue un crime de guerre.
Lorsque l'extension de la souveraineté, la création d'institutions permanentes et de faits sur le terrain, les déclarations de fonctionnaires israéliens et le transfert forcé des Palestiniens sont combinés, une situation d'annexion a lieu, l’intention d'annexer le territoire occupé devient évidente. L'interdiction de l'acquisition de territoire par la force, également appelée annexion, est une disposition bien établie et sa violation constitue l'une des violations les plus graves du droit international. [13] Les politiques israéliennes précitées correspondent également au crime de colonisation, ce qui contrevient directement au droit inaliénable du peuple palestinien à l'autodétermination, qui est consacré dans de multiples résolutions de l'ONU. [14]
Cette décision de donner une position municipale officielle au conseil colonial local à Hébron devrait être contrée par une action immédiate au niveau officiel et populaire, visant à inverser la situation dans la zone H2 d'Hébron et plus généralement à dénoncer les politiques israéliennes d'annexion et de colonisation en cours. Ces crimes déclenchent la responsabilité d'État tiers de mettre un terme à ces politiques.
Enfin, la vieille ville d'Hébron, incluse dans la zone H2, a récemment été classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. Cette reconnaissance a placé Hébron dans la liste « en danger » de l'UNESCO, qui devrait permettre à la ville historique de jouir d’une mesure de protection supplémentaire. [15] Cette reconnaissance ne doit pas se réduire à un acte purement symbolique, mais plutôt servir de mesure supplémentaire pour obliger Israël à se conformer au droit international.
Cf. l’article original en anglais pour retrouver les liens actifs des notes :
[1] Tovah Lazaroff, “IDF Order Gives Hebron's Jewish Community Independent Municipal Standing,” Jerusalem Post, 1 September 2017, available at: http://www.jpost.com/Israël-News/IDF-order-gives-Hebrons-Jewish-community-independent-municipal-standing-503979 [accessed 6 September 2017].
[2] Id.
[3] Jacob Magid, “Army gives Hebron settlers new municipal powers,” The Times of Israël, 31 August 2017, available at: https://www.timesofisrael.com/army-gives-hebron-settlers-new-municipal-powers/ [accessed 6 September 2017][hereinafter Magid, “New municipals powers”].
[4] Peace Now, “Updates on Developments in Hebron,” 4 September 2017, available at: http://peacenow.org.il/en/updates-developments-hebron [accessed 6 September 2017].
[5] Israëli-Palestinian Interim Agreement on the West Bank and the Gaza Strip (Oslo II), Annex I: Protocol Concerning Redeployment and Security Arrangements, art. VII, para. 5, 28 September 1995, available at: http://www.mfa.gov.il/MFA/ForeignPolicy/Peace/Guide/Pages/THE%20ISRAELI-PALESTINIAN%20INTERIM%20AGREEMENT%20-%20Annex%20I.aspx#article7 [accessed 6 September 2017].
[6] Protocol Concerning the Redeployment in Hebron, PLO-Isr., Article 10(b), 17 January 1997, available at: http://www.mfa.gov.il/mfa/foreignpolicy/peace/guide/pages/protocol%20concerning%20the%20redeployment%20in%20hebron.aspx [accessed 6 September 2017].
[7] Rome Statute of the International Criminal Court, art. 8, 17 July 1998, A/CONF.183/9, available at: https://www.icc-cpi.int/nr/rdonlyres/ea9aeff7-5752-4f84-be94-0a655eb30e16/0/rome_statute_english.pdf
[8] Magid, "New municipals powers," supra note 3.
[9] Tovah Lazaroff, “Hebron’s Jewish Community Receives Separate Municipal Standing,” Jerusalem Post, 29 August 2017, available at: http://www.jpost.com/Israël-News/Israël-declares-Hebron-an-official-Jewish-settlement-503705 [accessed 6 September 2017].
[10] Israël Ministry of Foreign Affairs, “Ministry of Interior”,n.d., available at: http://mfa.gov.il/MFA/MFA-Archive/2001/Pages/Ministry%20of%20the%20Interior.aspx
[11] Jean S. Pictet, ed., Commentary on Geneva Convention (IV) Relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War (Geneva: International Committee Of The Red Cross, 1958), 273.
[12] BADIL Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights, Forced Population Transfer: The Case of the Old City of Hebron, Bethlehem: August 2016, 44, available at: http://badil.org/phocadownloadpap/badil-new/publications/research/working-papers/CaseStudyFPT-Hebron(August2016).pdf
[13] UN Security Council, Resolution 478, 20 August 1980, available at: https://unispal.un.org/DPA/DPR/unispal.nsf/0/DDE590C6FF232007852560DF0065FDDB SCR 478 of 1980; Eyal Benvenisti, The International Law of Occupation (Princeton University Press,1993), 5-6.
[14] UN General Assembly [hereinafter UNGA], International Covenant on Civil and Political Rights, 16 December 1966, United Nations, Treaty Series, vol. 999, art.1, available at: http://www.refworld.org/docid/3ae6b3aa0.html [accessed 6 September 2017]; UNGA, International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights, 16 December 1966, United Nations, Treaty Series, vol. 999, art.1, available at: http://www.refworld.org/docid/3ae6b36c0.html [accessed 6 September 2017]; UNGA, Importance of the universal realization of the right of peoples to self-determination and of the speedy granting of independence to colonial countries and peoples for the effective guarantee and observance of human rights, 30 November 1973, A/RES/3070, available at: http://www.refworld.org/docid/3b00f1c630.html [accessed 6 September 2017]; UNGA Resolution A/RES/3246, 29 November 1974; UNGA Resolution A/RES/33/24, 29 November 1978; UNGA Resolution A/RES/34/44, 23 November 1979; UNGA Resolution A/RES/35/35, 14 November 1980; and, UNGA Resolution A/RES/36/9, 28 October 1981.
[15] Peter Beaumont, “Unesco makes Hebron old city Palestinian world heritage site,” The Guardian, 7 July 2017, available at: https://www.theguardian.com/world/2017/jul/07/unesco-recognises-hebron-as-palestinian-world-heritage-site [accessed 6 September 2017].
Rue des Martyrs, à Al-Khalil : les panneaux de signalisation ne sont plus en arabe mais en hébreu et en anglais. (photo ISM)
Source : Badil
Traduction : MR pour ISM
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