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Gaza - 3 mars 2008
Par Darryl Li
Darryl Li est doctorant en anthropologie et études sur le Moyen-Orient à l'Université Harvard, et étudiant à la Faculté de Droit de Yale. Il a passé le mois de janvier dernier dans la Bande de Gaza.
A la mi-janvier, lorsqu'Israël a encore renforcé le blocus de la Bande de Gaza, il s'est empressé d'assurer au monde qu'il ne permettrait pas que survienne "une crise humanitaire". Exemple : quelques jours après que l'intensification du siège ait poussé le Hamas à briser la frontière Gaza-Egypte et que les Palestiniens soient passés en Egypte à la recherche de provisions, Israël a annoncé qu'il allait envoyer des milliers de vaccins pour animaux de manière à empêcher une possible explosion de grippe aviaire et autres épidémies dues aux vivres et aux volailles entrant à Gaza depuis l'Egypte [1].
D'un autre côté, les médicaments pour les humains font partie des articles qui arrivent au compte-goutte à Gaza maintenant que la frontière a été rebouclée.
Plus qu'un acte de magnanimité intéressée – ou plus franchement, une reconnaissance "que le virus ne s'arrête pas au checkpoint" [2] – l'expédition annoncée du vaccin animal est un indice de la façon dont Israël est en train de reconfigurer son contrôle sur la Bande de Gaza.
L'histoire des récentes restrictions, lorsqu'elle a été racontée au monde extérieur, l'a principalement été par des statistiques : 90% des industries privées de Gaza ont fermés, 80% de la population dépend de l'aide alimentaire, tous les sites de construction sont à l'arrêt et le chômage a battu tous les records précédents [3]. Les journalistes et les ONG ont raconté les histoires individuelles de fermiers ruinés, de commerçants en faillite et de malades piégés.
Mais l'étranglement de Gaza n'est pas seulement une version plus sévère de la politique de ces cinq dernières années ; il reflète également un changement qualitatif dans la technique d'Israël de gestion du territoire. Le contraste entre le transfert israélien accéléré de vaccins à Gaza et son refus de médicaments pour la population humaine est emblématique de la forme émergente de son contrôle que, par manque d'un meilleur terme, nous appellerons "désengagement".
"Désengagement" est bien sûr le nom qu'Israël a donné à son retrait, en 2005, des colonies et bases militaires de la Bande de Gaza. Mais plutôt qu'un abandon de contrôle en une seule fois, le désengagement est mieux compris comme un processus en cours d'abandon contrôlé, par lequel Israël rompt les liens forgés avec Gaza au cours de 40 ans de domination sans permettre à aucune alternative viable d'émerger, tout en laissant la communauté donatrice internationale subventionner ceux qui reste. Il en résulte que la Bande est traitée comme un enclos pour animaux dont les habitants ne peuvent pas être domestiqués et donc doivent être mis en quarantaine.
Le désengagement est une forme de loi dont les buts ne sont ni la justice ni même la stabilité, mais plutôt la survie – comme nous le rappelle chaque assurance qu'une vague "crise humanitaire" sera évitée.
Du bantoustan au camp d'internement à l'enclos pour animaux
Depuis ses débuts il y a un siècle, le projet sioniste de création d'un Etat pour le peuple juif à l'est de la Méditerranée est confronté à un défi insoluble : que faire des non juifs indigènes – qui représentent aujourd'hui la moitié de la population vivant sous loi israélienne – lorsque les réalités pratiques dictent qu'on ne peut pas les "enlever" et l'idéologie requiert qu'ils ne doivent pas bénéficier de l'égalité politique ?
Partant de là, les contours généraux de la politique israélienne, de la gauche à la droite, depuis des générations, ont été clairs : d'abord maximiser le nombre d'Arabes sur la plus petite quantité de terre, et ensuite, maximiser le contrôle sur les Arabes en même temps que minimiser toute responsabilité envers eux.
Sur le premier point, Gaza est un succès éclatant : bien que la Bande ne couvre que 1,5% de la surface entre le Jourdain et la Mer Méditerranée, elle héberge un Palestinien sur quatre qui vit dans tout le pays. Mais la densité de Gaza rend le second point très difficile à réaliser et sa pauvreté en fait une horreur devant la communauté mondiale. Ainsi, la résistance palestinienne et, dans une moindre mesure, les contraintes internationales, ont forcé Israël à réviser plusieurs fois son équilibre entre la responsabilité et le contrôle. Chaque phase de cette expérience continue peut être comprise à travers une métaphore spatiale d'un champ de plus en plus restreint : bantoustan, camp d'internement, enclos pour animaux.
De 1967 au premier Intifada de 1987-1993, Israël a utilisé sa loi militaire pour incorporer de force l'économie et l'infrastructure de Gaza dans la sienne, en même temps qu'il traitait la population palestinienne comme un réservoir d'ouvriers émigrés bon marché. C'est dans cette période de migration du travail et de ségrégation territoriale que Gaza a de plus en plus ressemblé aux "bantoustans" sud-africain – les micro-états noirs dits indépendants organisés par le régime d'apartheid pour échapper à sa responsabilité vis-à-vis de la population indigène dont il exploitait le travail [4].
Pendant la phase Oslo de l'occupation (1993-2005), Israël a délégué quelques fonctions administratives à l'Autorité Palestinienne et a accueilli des travailleurs immigrés d'Asie et d'Europe de l'Est pour remplacer les Gazans. Une nouvelle infrastructure de contrôle des mouvements a également émergé. Les permis de déplacement vers Israël et la Cisjordanie , accordés facilement auparavant, sont devenus rares. La circulation des véhicules normaux a cessé. Dans la deuxième moitié de la décennie, Israël a érigé une grille autour du territoire et a commencé à acheminer les personnes non israéliennes et les marchandises par une poignée de terminaux permanents nouvellement construits, comme ceux qu'il a récemment installés en Cisjordanie .
C'est pendant cette période que Gaza, sous gestion israélienne, a le plus ressemblé à un camp d'internement géant. La population détenue s'était, jusqu'à un certain point, organisée et avait nommé des représentants pour agir en son nom (l'AP) qui oeuvraient néanmoins sous l'égide de l'autorité militaire suprême israélienne, dans le cadre d'accords conclus par Israël et une Organisation de Libération de la Palestine en grande partie défunte (qui sont maintenant au fond des accords entre Israël et lui-même).
L'échec de l'entreprise de colonisation et la férocité de la résistance armée pendant le deuxième Intifada, qui a commencé à l'automne 2000, ont sans aucun doute contribué à la décision de suppression des colonies et de retrait des soldats. A part offrir à Israël une couverture politique cruciale pour activer ses projets de colonisation en Cisjordanie et ailleurs, le désengagement a également réduit de façon importante la vulnérabilité des groupes armés palestiniens.
De 2000 à 2005, Gaza comprenait moins de 1% de la population juive d'Israël-Palestine, mais comptait environ 10% des morts israéliens rattachés à l'Intifada (et plus de 40% de tous les morts israéliens). A cette époque, la menace était presque entièrement localisée à l'intérieur du territoire, contre les soldats et les colons. Le bouclage hermétique de Gaza a en partie neutralisé la menace d'attaques suicide, laissant aux groupes armés palestiniens à Gaza peu de moyens efficaces pour nuire à Israël. Depuis août 2005, les attaques par roquettes Qassam ont tué quatre personnes en Israël, moins que la moyenne hebdomadaire des Palestiniens tués à Gaza par l'armée israélienne en 2007 [5].
Les critiques ont rapidement souligné que le désengagement ne changeait rien au contrôle effectif d'Israël sur Gaza et donc sur sa responsabilité en tant que puissance occupante, selon la législation internationale. Au niveau militaire, Israël a continué à patrouiller l'espace aérien et maritime de Gaza, et les troupes au sol à opérer, à construire des fortifications et à installer des zones tampon à l'intérieur de la Bande de façon si régulière que la plus grande différence semble avoir été une simple relocalisation de leurs baraquements quelques kilomètres plus à l'est.
Avec le retrait des bases militaires permanentes, toutefois, les critiques ont eu tendance à accuser la dépendance continue de Gaza sur Israël comme preuve de contrôle. Le système de taxation, la monnaie et le commerce sont restés entre les mains d'Israël ; l'infrastructure de l'eau, de l'électricité et des communications ont continué à dépendre d'Israël ; et les autorités israéliennes ont même conservé l'enregistrement de la population.
La réponse d'Israël a été simple, et peu sincère : si la responsabilité sur Gaza naît de sa dépendance d'Israël, alors on sera plus qu'heureux de couper ces liens une bonne fois pour toutes. Et c'est cela qu'Israël a commencé à faire après la défaite militaire du Fatah à Gaza par le Hamas en juin 2007. Bien entendu, même si le passage de Rafah, à la frontière Gaza-Egypte rouvrait avec un rôle de liaison pour le Fatah (ou les services de sécurité de l'Autorité Palestinienne sous commandement du Président Mahmoud Abbas), comme c'est toujours le cas à Erez, seul point de passage pour les personnes entre Israël et la Bande, ceci ne fera vraisemblablement que fournir à Israël un autre prétexte pour se laver les mains de sa responsabilité sur les Gazans.
De toutes façons, à Gaza, l'expérience Oslo de gouvernement indirect semble être terminée. Israël traite maintenant le territoire moins comme un camp d'internement que comme un enclos pour animaux : un espace de confinement presque total dont les gardiens veillent d'abord à garder les enfermés en vie et soumis, en faisant peu de cas des opinions des voisins et autres étrangers.
La différence est plus apparente sur la question de l'électricité. En 2006, Israël avait répondu à la capture d'un de ses soldats et le meurtre de deux autres en bombardant la seule centrale électrique de Gaza qui, même après quelques réparations, fonctionne maintenant à à peine un tiers de sa capacité [6]. Maintenant il cherche à réaliser la même privation en coupant l'électricité qu'il fournit directement à Gaza, aggravant les coupures quotidiennes qui étaient déjà courantes.
Ces réductions, approuvées par la Cour suprême israélienne le 30 janvier et entrées en vigueur le 7 février, seront calibrées pour s'assurer que les "besoins humanitaires essentiels" de la population sont satisfaits. En novembre, la Cour a avalisé la même norme en autorisant des réductions du fuel vendu à Gaza. Ce changement dans l'approche d'Israël depuis 2006 ressemble à la différence entre le matraquage d'un prisonnier indiscipliné pour le soumettre et le dressage d'un animal par le réglage minutieux de sa laisse et de sa gamelle.
Le désengagement et "l'humanitarisme indispensable"
Pour comprendre les différences entre la gestion d'un camp d'internement et celle d'un enclos pour animaux, il peut être utile de commencer par l'endroit où le contrôle israélien sur Gaza est le plus évident d'un point de vue physique : les passages.
Le passage de Karni est le seul point de passage officiel pour le trafic commercial entre la Bande de Gaza et Israël, une installation hautement fortifiée à cheval sur la frontière, sur le site d'un vieux terrain d'aviation militaire britannique, près de Gaza ville. Karni est composé d'environ 30 couloirs pour traiter différents types de cargaison – allant de conteneurs à des marchandises en gros – nécessaires à la satisfaction des divers besoins d'une économie moderne. Karni est une création de la période Oslo, concrétisant sa logique de spectacle impressionnant et d'inefficacité laborieuse pour équilibrer le contrôle israélien avec l'image de l'autonomie palestinienne.
Le passage opère sur le principe peu rentable du transport "dos à dos" : les marchandises sont laissées par une partie dans une zone de no man's land isolée par un mur puis récupérées par l'autre partie sans aucun contact direct, dont le résultat principal est le doublement des coûts de transport.
Au cours des derniers mois, Israël a complètement fermé Karni, sauf pour des livraisons occasionnelles de blé et de nourritures pour animaux [7]. En même temps, Israël a acheminé quelques "articles essentiels" autorisés surtout par les passages de Kerem Shalom et de Sufa, un peu plus au sud.
Contrairement à Karni, Kerem Shalom et Sufa sont entièrement gérés par Israël, qui ne fait aucun geste vers un partenariat palestinien. Ce ne sont pas des passages commerciaux mais essentiellement des portes dans la grille, qui n'ont jamais été conçues pour le transbordement de marchandises et incapables de prendre en charge de nombreuses sortes d'articles difficiles à conditionner comme les matériaux de construction et les conduites de gaz [8]. Lorsqu'ils sont ouverts, Kerem Shalom et Sufa peuvent ensemble traiter une centaine de cargaisons par jour, comparée à la capacité de Karni, environ 750 cargaisons par jour [9].
Plus révélateur cependant est le procédé du transfert : à Kerem Shalon et Sufa, le chargement est enlevé des camions puis posé sur des palettes, en plein air, pour que les Palestiniens viennent les chercher lorsqu'ils sont autorisés à approcher. Le contraste avec les procédures sophistiquées de sécurité de Karni et le système strict de distribution est frappant. "Au moins, en prison, et j'ai été en prison, il y a des règles", dit l'avocat pour les droits de l'homme Raji Sourani au New York Times. "Mais maintenant, nous vivons dans une sorte de ferme pour animaux. Nous vivons dans un enclos, où ils balancent de la nourriture et des médicaments". [10]
Le déménagement physique de Karni à Kerem Shalon et Sufa et la restriction officielle de passage seulement pour des "articles humanitaires" incarnent le changement dans la politique israélienne de blocus, de la tentative de punir l'économie de Gaza à l'éliminer complètement (sauf lorsque les producteurs israéliens ont besoin de déverser leurs excédents bon marché sur Gaza). Israël est aussi en train de désengager d'autres relations économiques avec Gaza : les principales banques israéliennes ont annoncé leur intention de couper tout lien avec Gaza, et Israël a depuis l'automne limité l'afflux de dollars US et de dinars jordaniens, compromettant la capacité des Gazans à acheter des produits d'importation et à se servir des règlements.
Le caractère purement superflu de l'économie de Gaza aux yeux d'Israël est tout à fait évident dans le contexte de la décision de la Cour suprême israélienne, qui a approuvé les coupures de fuel à Gaza, sur la base que s'il est possible de rationner le fuel restant pour les hôpitaux et le réseau des eaux usées, alors l'économie de Gaza n'a pas de rôle à jouer : "Nous n'acceptons pas l'argument des demandeurs selon lequel "les forces du marché" devraient pouvoir jouer leur rôle à Gaza pour ce qui concerne la consommation de fuel" [11]. La logique des décisions de la Cour sur le fuel et l'électricité suggère qu'une fois que les "besoins humanitaires essentiels" non définis sont satisfaits, toute autre pénurie est permise.
En pratique, il est impossible de distinguer entre les besoins vitaux et le luxe puisqu'on fait l'impasse sur l'énorme palette des activités et désirs humains qui se situent entre ces deux extrêmes et qui, parce qu'ils peuvent être temporairement différés, n'en sont pas moins importants. Ceci a été particulièrement poignant dans le cas des autorisations à quitter Gaza pour traitement médical, qui ne sont maintenant accordées que pour les "mourants" [12].
Selon ce système, d'après Human Rights Watch, des permis pour de simples procédures de "qualité de vie" comme la chirurgie à cœur ouvert sont refusés, refus qui entraînent la mort des malades.
Dans le cas des coupures d'électricité, la Cour suprême a agi avec désinvolture comme si les Gazans pouvaient facilement rediriger le courant restant vers les hôpitaux et les réseaux des eaux usées en dépit de l'évidence du contraire [13]. Pour pouvoir redistribuer l'électricité sur des zones particulières, les techniciens doivent se rendre physiquement dans des sous-stations plusieurs fois par jour et lever à la main des leviers conçus pour être manipulé seulement une fois par an pour des raisons de maintenance. En conséquence, il y a eu de nombreuses pannes et au moins deux ingénieurs ont été électrocutés [14].
Même s'il était possible de la mettre en œuvre et si cela était fait dans les meilleures intentions (ce qui constituerait l'humanitaire "non essentiel" reste obscur), la logique d"humanitarisme essentiel" ne promet rien d'autre que de transformer les Gazans en mendiants – ou plutôt en animaux nourris – dépendants de l'argent international et des décrets israéliens. Elle permet à Israël de maintenir les Palestiniens et la communauté internationale dans la crainte perpétuelle d'une "crise humanitaire" entièrement créée par l'homme qu'Israël peut déclencher d'un petit coup d'interrupteur (à cause de l'embargo, la centrale électrique de Gaza n'a suffisamment de fuel que pour fonctionner pendant deux jours à la fois [15]). Et elle distrait de la destruction de l'économie de Gaza (et il la légitimise même), de ses institutions et de son infrastructure (sans parler de la colonisation continue ailleurs en Israël-Palestine.
La notion de "humanitarisme essentiel" réduit les besoins, les aspirations et les droits de 1,4 million d'êtres humains à un exercice de décompte de calories, mégawatts et autres abstractions, des unités unidimensionnelles mesurant la distance à la mort.
Les mots de l'inégalité
Pendant qu'Israël expérimentait différents modèles de contrôle de Gaza au cours des décennies, le refus fondamental de l'égalité politique, qui les sous-tend tous, a pris divers noms, à la fois pour se justifier et pour fournir une logique à la modération de ses propres excès.
Pendant la période bantoustan, l'inégalité fut appelée coexistence ; pendant la période Oslo, séparation ; et pendant le désengagement, elle est reformulée comme évitement "de crises humanitaires", ou survie. Ces slogans ne furent pas des mensonges éhontés mais ils ont ignoré la vérité fâcheuse que la coexistence n'est pas la liberté, la séparation n'est pas l'indépendance et la survie n'est pas la vie.
Toutefois, le désengagement n'est pas simplement le dernier stade d'un processus historique ; il est aussi l'échelon le plus bas dans une hiérarchie ségrégative d'assujettissement qui englobe les Palestiniens en Cisjordanie , à Jérusalem Est et à l'intérieur de la Ligne Verte. La moitié des gens qui vivent entre la Méditerranée et le Jourdain vivent sous un état qui les exclut de la communauté des sujets politiques, leur nie une réelle égalité et ainsi discrimine contre eux dans des domaines variés des droits. De façon impressionnante, Israël s'est arrangé pour maintenir cette moitié de population divisée – ainsi que les travailleurs étrangers et les juifs non ashkénazes, par une distribution attentive de privilèges et punitions différentiels, et pourrait continuer à le faire dans un avenir prévisible.
Il est bien sûr toujours possible qu'arrivent des actes occasionnels et dramatiques de résistance comme la brèche dans la frontière – qui a temporairement transformé une bande désolée de maisons démolies en un marché géant à ciel ouvert – et les changements technocratiques croissants comme un possible arrangement pour rouvrir le passage de Rafah. Mais entre ces deux voies, la logique inexorable de gouvernement d'abandon contrôlé semble devoir demeurer intacte.
Cela montre qu'en dépit de tous les discours de séparation, même le segment le plus reculé et le plus isolé des Palestiniens vivant sous contrôle israélien est toujours suffisamment proche des Juifs israéliens pour que l'introduction de bétail et de volaille d'Egypte provoque une action de santé publique rapide.
Car le transfert de vaccins pour animaux parle non seulement du contrôle d'Israël sur Gaza et de son déni de toute responsabilité vis-à-vis du peuple qui y vit, mais est également un rappel tacite de l'intimité qui persiste après 40 ans de domination.
Les gens de la ville de Sdérot, également, se sont vus rappeler de façon désagréable cette intimité lorsque, un matin de 2005, ils ont trouvé à leur réveil des milliers de tracts dans les rues leur conseillant en Arabe de quitter leurs maisons avant d'être attaqués [16]. L'armée israélienne avait parachuté ces tracts sur le nord de la Bande de Gaza pour intimider les habitants palestiniens, mais un vent puissant s'était mis à souffler et avait envoyé les papiers de l'autre côté de la frontière.
Notes de lecture
[1] Associated Press, 30 janvier 2008.
[2] Cette phrase (ha-virus lo ‘otzer ba-mahsom) est le titre d'un ouvrage de 2002 sur le système de soins médicaux en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, dont l'édition anglaise est sortie sous le titre plus politiquement correct de "Separate and Cooperate, Cooperate and Separate: The Disengagement of the Palestine Health Care System from Israël and Its Emergence as an Independent System" (Tamara Barnea et Rafiq Husseini, eds.; Londres: Praeger, 2002). Merci à Deema Arafah pour cette référence.
[3] Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs - OCHA), “La fermeture de la Bande de Gaza: les conséquences économiques et humanitaires", 13 décembre 2007.
[4] Les visions sombres d'un avenir de bantoustan pour Gaza sont datées. Dès le début de 1985, deux auteurs notaient : "Gaza est effectivement un bantoustan – un dortoir pour des journaliers dans l'économie israélienne. C'est pour cette raison que la 'solution à deux états' tant vantée a plutôt moins d'appel pour les gens de Gaza que pour certains en Cisjordanie ." Richard Locke et Antony Stewart, Bantustan Gaza (London: Zed Books, 1985), p. 2.
[5] Plus de 70% des victimes israéliennes dans la Bande de Gaza d'avant le désengagement étaient du personnel de sécurité armé, pour 50% en Cisjordanie et 15% à l'intérieur de la Ligne Verte. Les statistiques sur les victimes israéliennes sont extraites de "Les victimes de la terreur palestinienne depuis septembre 2000", régulièrement mises à jour par le Ministère israélien des Affaires Etrangères : www.mfa.gov.il/ et les décomptes conservées par l'organisme israélien pour les droits de l'homme B'tselem. Selon son rapport annuel 2007, en page 6, 293 Gazans (armés et non armés) ont été tués par Israël en 2007.
[6] Pour un vue d'ensemble sur les effets du bombardement et une évaluation de sa légalité, voir B'tselem : "Acte de Vengeance : le bombardement israélien de la centrale électrique de Gaza et ses effets" (septembre 2006). Israël a continué à entraver les réparations, conduisant à des pannes de courant très répandues, même avant les coupures de courants délibérées les plus récentes. OCHA, “Gaza Humanitarian Situation Report: Power Shortages in the Gaza Strip”, 8 janvier 2008.
[7] OCHA, “Gaza Closure: Situation Report”, 24 janvier 2008.
[8] World Bank, Two Years After London: Restarting Palestinian Economic Recovery, 24 septembre 2007, p. 16 ; OCHA, “Gaza Humanitarian Situation Report”, 27 juin 2007, p. 3.
[9] OCHA, “Gaza Humanitarian Situation Report”, 6 novembre 2007.
[10] New York Times, 18 novembre 2007.
[11] Israëli High Court of Justice (HCJ) 9132/07, Jabr al-Basyuni Ahmad v. The Prime Minister (interim decision of November 29, 2007), para. I.4.
[12] HCJ 5429/07, Physicians for Human Rights-Israël v. The Minister of Defense.
[13] HCJ 9132/07, Jabr al-Basyuni Ahmad v. The Prime Minister (final decision of January 30, 2008). For more on the Court’s dubious factual findings (including its reliance on a government claim that unnamed “Palestinian officials” had assured them that redistribution of power to hospitals was feasible, despite multiple signed affidavits to the contrary from senior Palestinian utilities managers), see Gisha (Legal Center for Freedom of Movement), “Briefing: Israëli High Court Decision Authorizing Fuel and Electricity Cuts to Gaza,” January 31, 2008.
[14] OCHA, “Electricity Shortages in the Gaza Strip: Situation Report”, 8 février 2008.
[15] Ibid.
[16] Ynet, 27 septembre 2005.
Source : Middle East Report Online
Traduction : MR pour ISM
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