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ISM France - Archives 2001-2021

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USA -

Le lobby sioniste dans la stratégie des Etats-Unis

Par

> analysis@stratfor.com

Vous pouvez réagir à cette analyse en écrivant à George Friedman, à l’adresse mél ci-après : analysis@stratfor.com

Le président US George W. Bush a fait une apparition dans la province irakienne rebelle d’Al-Anbar, hier, en partie afin de souligner le ‘succès’ du renforcement militaire là-bas, en prévision de la présentation du Rapport Petraeus à Washington.
Dans le (ou les quelques) mois devant nous, c’est à Washington que sera livrée la bataille de/sur l’Irak, et s’il y a un pays dont on ne cessera d’entendre parler, encore et encore, de tous les côtés les plus divers et varié, ce sera bien : Israël.

Israël, en effet, sera convoqué au débat en tant qu’allié dans la guerre contre le terrorisme – qui est la raison principale pour laquelle, ne l’oublions pas, les Etats-Unis se sont embringués dans cette guerre.

D’aucuns diront qu’Israël a poussé les Etats-Unis à envahir l’Irak à seule fin de servir ses propres intérêts. D’autres diront même que c’est Israël qui a orchestré les attentats du 11 septembre 2001 à ses propres fins.

D’autres encore vous diront que si les Etats-Unis avaient soutenu Israël plus résolument, il n’y aurait pas eu de 11 septembre…

Il n’y a sans doute pas d’autre relation bilatérale au sujet de laquelle les gens soient aussi partagés que la question des relations américano-israéliennes.

Par conséquent, à partir du moment où l’on sait qu’elle sera soulevée durant les prochaines semaines – d’autant que Bush a décidé de lambiner au sommet Asie-Pacifique de coopération économique, en Australie, sur le chemin du retour – c’est le moment où jamais de prendre en considération la dimension géopolitique des relations américano-israéliennes.

Commençons par quelques évidences politiques.

Il y a, aux Etats-Unis, une communauté juive relativement peu nombreuse, bien que son influence politique soit magnifiée par son implantation stratégique dans des Etats particulièrement sensibles comme New York, et que cette communauté soit plus activement impliquée dans la politique que certains autres groupes ethniques.

La communauté juive (américaine), c’est là d’ailleurs une tendance dans n’importe quel groupe humain, est profondément divisée sur bien des sujets. Elle tend à être unanime, en revanche, sur une question : Israël. Mais pas avec la même ferveur que par le passé, ni même avec la moindre union de vues en ce qui concerne les points de détail.

La communauté juive américaine est aussi divisée que la communauté juive israélienne, une très large partie de la population concernée se préoccupant du problème comme d’une guigne.
En même temps, cette communauté fait don de sommes fabuleuses à des organisations américaines et israéliennes, dont des associations qui font du lobbying pour Israël à Washington.

Ces entités lobbyistes tendent vers la droite du spectre politique israélien, en grande partie parce que la droite israélienne a eu tendance à gouverner, durant la génération passée, et aussi parce que ces associations ont tendance à suivre l’air du temps en Israël.

C’est aussi parce que les juifs américains qui contribuent financièrement aux organisations de lobbying israélien sont plutôt de droite, tant dans la vie politique israélienne que dans la vie politique américaine.

Le lobby sioniste, qui dispose d’un fric et d’une expérience considérables, est extrêmement influent à Washington.
Depuis des décennies, désormais, il a excellé à s’assurer que les intérêts sionistes étaient bien servis à Washington, et, sur certaines questions, en tous cas, c’est une certitude, c’est lui qui a esquissé la politique américaine au Moyen-Orient.

Mais il convient aussi de ne pas toujours le prendre au sérieux, car, s’il s’efforce en permanence d’influencer Washington, il n’y réussit pas à tous les coups. Mais une chose est sûre : il y a bien un lobby sioniste influent à Washington.


Cependant, deux questions importantes se posent.

• La première est celle de savoir si ce phénomène a quoi que ce soit d’unique. Un puissant lobby sioniste représente-t-il une intrusion dans une politique étrangère sans aucun précédent ?

• La question clé, toutefois, est celle de savoir si les intérêts israéliens divergent des intérêts américains à un point tel que le lobby sioniste soit en train de pousser la politique extérieure américaine dans des directions où elles ne serait pas allée sans lui, c’est-à-dire dans des directions qui soient contraires à l’intérêt national des Etats-Unis.

Voyons tout d’abord la première question.
Avant les deux mi-temps de la Guerre mondiale, il y avait un débat généralisé sur la question de savoir si les Etats-Unis devaient, ou non, intervenir dans le conflit.

Dans les deux cas, le gouvernement britannique fit un lobbying intense en faveur d’une intervention des Etats-Unis du côté du Royaume-Uni [on imagine le pire… ndt] Les Brits avaient deux arguments.

Le premier, c’était que les Etats-Unis avaient avec l’Angleterre un héritage en partage – langage codé pour dire que des Protestants Blancs Anglo-Saxons devaient venir donner un coup de main à d’autres Protestants Blancs Anglo-Saxons.

Quant au second, c’était l’existence d’une affinité politique fondamentale entre les démocraties britannique et américaine, et qu’il était donc dans l’intérêt des Etats-Unis de protéger la démocratie britannique contre l’autoritarisme germanique.

Nombre d’Américains, dont le président Franklin Roosevelt, adhéraient à ces deux types d’argumentation. Le lobby british était extrêmement puissant. Il y avait bien, aussi, un lobby allemand, mais il n’était pas assez nombreux, et il n’avait pas assez de fric, et pas assez de bonnes manières, pour réussir son coup.

D’un point de vue géopolitique, les deux arguments étaient faibles. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni, en effet, étaient non seulement des pays indépendants l’un de l’autre, mais ils s’étaient même livré entre eux des guerres terribles sur la question de cette indépendance.

Quant aux institutions politiques, force est bien d’avouer que la géopolitique, en tant que discipline, est particulièrement insensible aux prétentions morales des régimes politiques, quels qu’ils soient. Seul, en géopolitique, compte l’intérêt.

C’est sur cette base exclusive qu’une intervention aux côtés du Royaume-Uni, lors des deux guerres mondiales, était justifiée, car elle permettait, pour un coût relativement peu élevé (les bombardés français ou japonais (entre autres) apprécieront – tout du moins, les survivants… ndt) d’éviter que l’Allemagne n’imposât sa domination à l’Europe, au risque de concurrencer la puissance maritime américaine.

Finalement, ce ne furent pas les intérêts du lobby brit – aussi importants aient-ils pu être – qui motivèrent les deux interventions américaines dans les deux guerres américaines (oups : mondiales, s’cusez ! ndt) du vingtième siècle, mais bien une banale nécessité géopolitique.


La seconde question, dès lors, doit être reformulée ainsi :

Le lobby sioniste a-t-il contraint les Etats-Unis à agir d’une manière qui aurait contrevenu aux intérêts américains ?

Par exemple, en obtenant que les Etats-Unis soutinssent Israël, ce lobby a-t-il dressé le monde arabe contre les Américains ?

Ce lobby a-t-il soutenu la répression israélienne contre les Palestiniens [nôôôôn… ndt], et, par conséquent, a-t-il généré un radicalisme islamique qui a abouti aux attentats du 11 septembre ?

A-t-il manipulé la politique américaine sur la question de l’Irak de telle manière que les Etats-Unis envahissent et occupassent ce pays dans l’intérêt d’Israël ?

Ces allégations ont, toutes, été formulées. Si elles sont avérées, ce sont là des accusations particulièrement graves…

Il est important de se rappeler le fait que les relations américano-israéliennes n’étaient pas extraordinairement cordiales, avant 1967.

Le président Harry Truman avait, certes, reconnu Israël, mais les Etats-Unis ne lui avaient, avant cette date, apporté aucune aide militaire déterminante. Israël, un pays en permanence en manque de fournitures militaires étrangères, dépendait, tout d’abord, de l’Union soviétique, qui expédiait des armes vers Israël via la Tchécoslovaquie.

Les Soviétiques ayant pris conscience que les socialistes israéliens étaient tout autant antisoviétiques que ‘socialistes’, ils laissèrent choir Israël.

Le nouveau parrain d’Israël fut la France. La France était en guerre pour maintenir sa domination sur l’Algérie, et pour garder son influence au Liban et en Syrie, tous deux anciens protectorats français. Dans Israël, les Français virent un allié naturel.
C’est la France qui a, de fait, créé l’aviation de guerre israélienne, et qui a offert à Israël la technologie qui lui a permis de produire ses bombinettes atomiques.

Les Etats-Unis furent activement hostiles à Israël durant toute cette période.

En 1956, après la prise du pouvoir, en Egypte, par Gamal Abdul Nasser, le Caire nationalisa le Canal de Suez. Sans ce canal, l’Empire britannique était fichu, et finalement l’Empire français l’était aussi.

Le Royaume-Uni et la France ourdirent un plan secret avec Israël, et Israël envahit le Sinaï. Puis, afin de protéger le Canal de Suez contre le danger qu’aurait représenté une guerre israélo-égyptienne, une force franco-britannique fut parachutée afin de s’emparer du Canal.

Le président Dwight Eisenhower contraignit les armées britannique et française à se retirer d’Egypte, ainsi que les Israéliens. Les relations américano-israéliennes en restèrent glaciales pendant un bon bout de temps.

Pour Israël, le point de rupture avec la France se produisit en 1967. Les Israéliens, face à des pressions égyptiennes, décidèrent d’envahir l’Egypte, la Jordanie et la Syrie – ignorant la demande expresse du président français Charles de Gaulle qu’ils n’en fissent rien. Résultat : la France mit un terme à son alignement sur Israël.

Ce fut un moment critique dans les relations américano-israéliennes. Israël avait besoin de fournitures de flingues, étant donné que sa sécurité nationale en exigeait bien plus que n’en pouvait fournir son tissu industriel.

Ce fut alors que le lobby sioniste aux Etats-Unis commença à exercer une pression terrible, donnant d’Israël l’image d’Epinal d’une démocratie héroïque et assiégée, cernée par des voisins assoiffés de sang, à laquelle les Etats-Unis se devaient d’apporter de l’aide en toute hâte.
Le président Lyndon B. Johnson, enlisé au Vietnam et désireux de se refaire un peu, vit en Israël une cause populaire, et il craqua littéralement, succomba à son charme.

Mais il y avait aussi d’autres questions stratégiques cruciales.
La Syrie et l’Irak étaient tombés, tous les deux, dans le camp soviétique, à la suite de l’Egypte. D’aucuns ont argué du fait que n’eussent les Etats-Unis soutenu Israël, cela ne se serait pas produit. Cela, toutefois, contredit l’Histoire.

Cela avait été les Etats-Unis, qui avaient sorti les Israéliens du Sinaï, en 1956, mais cela n’avait pas empêché les Egyptiens de rejoindre le camp soviétique. L’argument selon lequel ce serait un soutien aveugle à Israël qui aurait causé l’antiaméricanisme carabiné dans le monde arabe ne tient pas la route.

Les Egyptiens sont devenus anti-américains, en dépit d’une position américaine fondamentalement anti-israélienne en 1956. Or, en 1957, l’Egypte avait opté : elle était un pays allié des Soviétiques.

En fin de compte, c’est à cause de cela que les Américains ont basculé du côté d’Israël : ça n’est pas l’inverse… Non seulement l’Egypte fournissait aux Soviétiques des bases navales et aériennes, mais elle menait des opérations clandestines dans la Péninsule arabe afin de faire chuter les royaumes conservateurs qui y régnaient, dont celui de l’Arabie saoudite.

Les Soviétiques étaient considérés utiliser l’Egypte comme une base d’opérations contre les Etats-Unis. La Syrie fut perçue alors comme un autre régime extrémiste dangereux, ainsi que l’Irak.

La défense de la Péninsule arabique contre des mouvements radicaux prosoviétiques, ainsi que celle de la Jordanie, devinrent d’un intérêt primordial pour les Etats-Unis.

Les Américains considérèrent alors qu’Israël contribuait à leur effort, en menaçant la sécurité tant de l’Egypte que de la Syrie.

La peur que l’OLP inspirait aux Saoudiens était palpable. Riyad voyait dans les mouvements de libérations inspirés par les Soviétiques des menaces pour la survie de l’Arabie saoudite. Israël était engagé dans une guerre larvée contre l’OLP et d’autres organisations connexes, et c’était là ce que les Saoudiens pouvaient rêver de mieux, de la fin des années 1960 au début des années1980.

La supériorité d’Israël dans la guerre secrète contre l’OLP, couplée à son énorme supériorité militaire sur l’Egypte et la Syrie, était tout à fait dans l’intérêt des Etats-Unis, ainsi que dans celui de leurs alliés arabes.

C’était là une solution à prix discount à certains problèmes stratégiques particulièrement ardus, en des temps où les Etats-Unis étaient soit empêtrés dans la guerre au Vietnam, soit en train de s’en remettre péniblement.

L’occupation du Sinaï, celle de la Cisjordanie , ni celle des hauts plateaux du Golan, en juin 1967, ne servaient en rien les intérêts américains.

Les Etats-Unis voulaient certes qu’Israël fasse leur boulot contre les paramilitaires soutenus par les Soviétiques, et qu’il passe les menottes à l’Egypte et à la Syrie, mais l’occupation n’a pas été considérée par eux comme faisant partie de cette mission-là.

Les Israéliens, au début, espérèrent pouvoir convertir leur occupation des territoires en un traité de paix, mais cela n’advint que bien plus tard, avec l’Egypte.

Au sommet de Khartoum, en 1967, les Arabes prononcèrent leur célèbre triple ‘non’ : Non aux négociations ! Non à la reconnaissance d’Israël ! Non à la paix !
Israël devint une puissance occupante ; c’est un pays qui n’a jamais trouvé son point d’équilibre.

Il a été affirmé que si les Etats-Unis contraignaient Israël à se retirer de Cisjordanie et de Gaza, alors ce pays bénéficierait d’une reconnaissance, et la paix s’ensuivrait.
Il y a trois problèmes, dans cette théorie.
• Primo, les Israéliens n’occupaient pas ces régions, avant 1967, et il n’y avait pourtant pas de paix.
• Deuxio, des formations telles que le Hamas et le Hezbollah ont dit qu’un retrait israélien ne mettrait pas un terme à l’état de guerre avec Israël.
• Et, par conséquent, tertio, un tel retrait génèrerait des frictions avec [et en] Israël, sans aucun retour d’ascenseur de la part des Arabes.


Il faut rappeler, à ce point, que l’Egypte et la Jordanie ont tout deux signé des traités de paix avec Israël, et que ces deux pays semblent se foutre comme de l’an quarante [quand on pense qu’à l’origine, cette expression était "se foutre de l’Alcoran" (c’est-à-dire du Coran) !! ndt] des Palestiniens.

Les Saoudiens n’ont jamais parié un seul riyal pour les Palestiniens, idem en ce qui concerne les Iraniens.
Les Syriens, eux, l’ont fait, mais ils sont bien plus intéressés à investir dans les hôtels de Beyrouth qu’à envahir Israël. Aucun pays arabe n’en a quoi que ce soit à cirer des Palestiniens, mis à part le fait qu’ils sont activement hostiles.

Il y a l’opinion arabe et musulmane, ainsi que des ONG, mais aucun de ces pays, officiellement, ne verrait particulièrement d’un bon œil un retrait israélien des TO. Ce qu’ils veulent, c’est qu’Israël soit détruit.

Mais même si les Etats-Unis supprimaient tout soutien à Israël, Israël ne serait pas détruit. Les arabes radicaux ne veulent pas d’un retrait ; ce qu’ils veulent, c’est la destruction d’Israël. Quant aux Arabes modérés, au-delà de la rhétorique, ils n’en ont rien à cirer, non plus, des Palestiniens.

Et là, ça se corse : nous entrons dans le vif du sujet. Si les Etats-Unis rompaient leurs liens ombilicaux avec Israël, la position géopolitique des Etats-Unis en ressortirait-elle renforcée ?

Autrement dit : si les Etats-Unis rompaient avec Israël, l’Iran ou Al-Qa’ida en viendraient-ils à voir les Etats-Unis sous un autre jour ?.

Les contempteurs du lobby sioniste arguent du fait qu’en l’absence de soutien américain à Israël, les Etats-Unis auraient de meilleures relations avec le monde musulman, et qu’ils ne seraient pas, de ce fait, pris pour cible par Al-Qa’ida, ni menacés par l’Iran. En d’autres termes, sans l’influence du lobby sioniste, les Etats-Unis seraient beaucoup plus en sécurité.

Al-Qa’ida ne voit pas en Israël per se son problème central. Son objectif, c’est la restauration du califat – et cette organisation voit dans le soutien apporté par les Etats-Unis à certains régimes musulmans la question centrale.
Si les Etats-Unis abandonnaient Israël, Al-Qa’ida n’en continuerait non moins à s’opposer au soutien américain à des pays comme l’Egypte, l’Arabie saoudite et le Pakistan.

Pour Al-Qa’ida, Israël est certes un problème important, mais les Etats-Unis, s’ils voulaient apaiser Al-Qa’ida, devraient laisser tomber non seulement Israël, mais aussi ses alliés musulmans au Moyen-Orient.

Quant à l’Iran, sa rhétorique, nous l’avons déjà dit, n’a jamais été suivie d’actes.
Durant la guerre irano-irakienne, l’armée iranienne achetait des armes et des pièces de rechange à Israël. L’Iran fut plus ravi que quiconque quant Israël détruisit le réacteur nucléaire irakien (français, ndt), en 1981.
Le problème qu’a l’Iran avec les Etats-Unis, c’est leur présence en Irak, c’est leur présence navale dans le Golfe persique (aussi : Golfe arabique, ndt), et c’est leur soutien aux Kurdes.
Si Israël disparaissait de la surface du globe, les problèmes de l’Iran resteraient rigoureusement les mêmes qu’aujourd’hui.

Il a été dit que les Israéliens auraient inspiré aux Etats-Unis d’aller envahir l’Irak. Il ne fait pas de doute qu’Israël s’est fortement réjoui, lorsqu’à la suite des attentats du 11 septembre, les Etats-Unis se virent en puissance essentiellement anti-islamique.

Rappelons à nos lecteurs les plus imaginatifs, toutefois, que le fait de bénéficier de quelque chose ne signifie pas nécessairement que c’est vous qui avez créé l’aubaine. Toutefois, il n’a jamais été totalement évident que les Israéliens fussent en quoi que ce soit enthousiastes à l’idée d’envahir l’Irak.

Enthousiastes, des juifs néoconservateurs, tel Paul Wolfowitz, l’étaient, au moins autant que pouvaient l’être des néoconservateurs non-juifs comme un Dick Cheney. Mais la vision que ce faisait Israël d’une invasion américaine de l’Irak était à tout le moins mitigée, et même dubitative, dans une certaine mesure.

Les Israéliens aimaient l’équilibre des forces Iran/Irak, et ils étaient étroitement alliés à la Turquie, un pays (certes dirigé en douce par une armée franc-maçonne laïcarde et sensible aux sirènes sionistes) mais qui, à n’en pas douter, était tout à fait opposé à l’invasion (car le peuple turc était contre à 99,95 % ! ndt).

Affirmer qu’Israël aurait été en faveur de cette invasion provient de ceux qui confondent les néoconservateurs, dont beaucoup sont des juifs partisans d’Israël, avec la politique extérieure israélienne, qui était beaucoup plus nuancée à ce sujet que les néocons.

Les Israéliens n’étaient pas du tout fixés sur ce que les Américains étaient en train de faire en Irak, mais ils n’étaient pas en position de pouvoir geindre.

Les relations israélo-américaines sont passées par trois phases successives.

De 1948 à 1967, les Etats-Unis ont soutenu le droit à l’existence d’Israël, sans en être le patron.

Durant la période 1967-1991, les Israéliens représentaient un atout maître américain dans la guerre froide.

De 1991 jusqu’à aujourd’hui, la relation israélo-américaine est restée étroite, mais elle n’est pas axiale, en comparaison avec d’autres pays. Washington ne peut rien faire pour Israël face au Hezbollah ou au Hamas.
Quant aux Israéliens, ils ne peuvent rien faire pour les Américains en Irak ou en Afghanistan (ce n’est pas faute d’essayer ! ndt).

Si la relation israélo-américaine était coupée, cela aurait un impact remarquablement minime sur le pays partenaire – bien qu’il soit toujours préférable de conserver une relation, et d’éviter de la couper.


Résumons : il y a un lobby juif sioniste à Washington, mais ce lobby n’a pas connu un succès fou, durant les vingt première années de l’histoire israélienne.
Quand la politique américaine vis-à-vis d’Israël a fait son virage à 90°, en 1967, cela était dû beaucoup plus aux intérêts géopolitiques des Etats-Unis qu’à un quelconque lobbying.
Les Etats-Unis avaient besoin d’aide, face à la Syrie et à l’Egypte, et Israël pouvait apporter cette aide. Le lobbying a pu sembler la clé, mais ce n’était pas le cas : c’est la nécessité géopolitique qui prévalait.
L’Egypte était anti-américaine, même à l’époque où les Etats-Unis étaient anti-israéliens. Mise à part la rhétorique, l’Iran n’a jamais rien entrepris directement contre Israël, et il a bien d’autres chats, autrement plus préoccupants, à fouetter.

Donner du lobby sioniste l’impression qu’il est surpuissant, voilà qui convient à deux groupes : les détracteurs de la politique moyen-orientale des Etats-Unis, et le lobby pro-israélien lui-même.

Ses détracteurs vont jusqu’à dire que la relation américano-israélienne serait le résultat de manipulations et de la corruption. Aussi en viennent-ils à éluder la véritable histoire d’Israël, des Etats-Unis et du Moyen-Orient.

Le lobby bénéficie d’une influence et d’un pouvoir indéniables du fait qu’une de ses missions soit de collecter des fonds – et l’image d’un lobby ‘de tueurs’ (au sens ‘économique’ du terme, ndt) fait bailler bien plus de chéquiers et de portefeuilles que l’idée que tant les Etats-Unis qu’Israël ne feraient que poursuivre leurs intérêts géopolitiques respectifs, et que les choses iraient tout aussi bien, même en l’absence de ce lobbying madré.

La grosse ironie, c’est que tant les détracteurs de la politique américaine que ceux du lobby sioniste veulent croire, les uns et les autres, au même mythe : à savoir que des grandes puissances seraient susceptibles d’être manipulées et entraînées à se porter du tort à elles-mêmes par d’habiles politiciens.

Non : ce n’est pas les Britanniques qui ont réussi à entraîner les Etats-Unis dans deux guerres mondiales, et non : ce ne sont pas les Israéliens qui seraient en train de manœuvrer les Etats-Unis afin qu’ils soient pro-israéliens.

Au-delà de sa capacité de s’exercer sur de petits détails, le lobby sioniste n’est puissant que dans la mesure où il influencerait Washington à faire ce qu’il fait de toute manière déjà.

Ce qui va se passer en Irak ne dépend nullement du lobby sioniste – même si celui-ci et l’ambassade d’Arabie saoudite voient les choses différemment.


Source : http://www.stratfor.com/

Traduction : Marcel Charbonnier

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