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Palestine - 16 janvier 2010
Par Yousef Munayyer
Yousef Munayyer est le directeur exécutif du Palestine Center.
En 1988, lors d’un voyage en Yougoslavie, un journaliste demandait à Yasser Arafat, président de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), s’il croyait qu’il y aurait un Etat palestinien dans cinq ans. Sa réponse fut : « Si Dieu le veut, ce sera dans deux ans. » Vingt-deux ans plus tard, Arafat est mort depuis cinq ans, le bureau ovale a vu quatre nouveaux présidents, les Israéliens ont eu sept nouveaux premiers ministres, la Yougoslavie s’est désintégrée en six républiques, Pluton n’est plus une planète et pourtant, selon l’envoyé spécial de l’administration Obama, George Mitchell, nous en sommes toujours à deux ans de la création d’un Etat palestinien.
La paix semble s’être perdue dans le processus. Après les Accords d’Oslo, un échéancier a été établi, et jamais atteint. Après la feuille de route, un échéancier a été établi, et jamais atteint. En diverses occasions, des dirigeants ont répété un échéancier à un, deux, trois ou quatre ans, comme si cela faisait partie des instructions au dos d’une boîte d’un mélange d’Insta-Etat. Nous avons entendu ça en 2002 dans le Jardin des Roses, avec la Feuille de Route en 2003, après Arafat en 2004, après Annapolis en 2007 et après le plan Fayyad à la mi-2009.
Veuillez pardonner au monde arabe, aux Israéliens et à quiconque autre sur la terre s’ils ne prennent plus ces initiatives au sérieux. Tandis que les Etats-Unis continuent à crier au loup, Israël n’a fait que perpétuer sa colonisation de la terre palestinienne. Les échéanciers ont été remis à zéro, l’oasis d’un Etat palestinien s’est éloigné encore plus loin et une autre génération est née sous occupation.
Ce qui manque, c’est l’utilisation d’un réel levier étasunien sur Israël. N’oublions pas que les Etats-Unis sont une superpuissance, et il n’est pas irréaliste de penser qu’il pourrait utiliser son poids sur Israël pour l’obliger à se conformer au droit international et à mettre fin à son occupation. Si les Etats Unis essayaient de peser sur n’importe quel pays comparable pour qu’il suive une certaine voie, cela ne prendrait pas deux décennies.
Au cœur du problème réside la réticence des Etats-Unis à tirer les leviers à sa disposition pour influencer les Israéliens à mettre fin à l’occupation. Récemment, le ministre des affaires étrangères saoudien a dit qu’Israël était traité comme un enfant gâté.
Il a raison, sauf qu’il devrait ajouter que cet enfant gâté est quelque chose comme Chucky (1), dans le film Jeu d’Enfants. Israël est une puissance dotée de l’arme nucléaire, sans menaces dissuasives, maintenant une occupation sur 4 à 5 millions de Palestiniens. Les Etats-Unis ont continuellement fourni des fonds à Israël pour l’achat d’armes états-uniennes et la construction de toujours plus de colonies, au mépris de la politique étasunienne déclarée, en plus de son veto omniprésent contre toute tentative de contenir le comportement d’Israël sur la scène internationale.
Si on veut que le processus de paix soit pris au sérieux, un changement immédiat et radical du cours de ce processus hypnotique est nécessaire. Tout le monde est enfermé dans un cycle perpétuel d’échéanciers repoussés et de négociations et d’échecs sans fin. Les Etats-Unis ont toujours eu deux options pour faire parvenir aux Israéliens le message qu’il ne veut pas entendre. La première est de mettre fin aux ventes d’armes à Israël. La deuxième est la menace de reconnaître unilatéralement un Etat palestinien dans les frontières de 1967 à une date donnée, indépendamment de ce qui se passe avant cette date.
La « relation spéciale » des Etats-Unis avec Israël s’est toujours trouvée en travers de la prise de ces démarches nécessaires, ce qui laisse les Palestiniens avec une seule conclusion : le processus de paix est une façade.
Après le 11 Septembre, il est devenu clair que le ressentiment du soutien états-unien à l’occupation israélienne a motivé certains dans le monde arabe et musulman à se radicaliser et à convaincre quelques décideurs que la paix israélo-palestinienne est dans l’intérêt des USA. Mais si Washington pense qu’il peut apaiser l’opinion publique du monde arabe et musulman en s’engageant à moitié dans un interminable processus un pas en avant un pas en arrière, tout en fournissant à Israël les armes qui en fin de compte tuent les civils palestiniens, il se trompe tragiquement.
Très peu de gens croient encore en ce processus, et beaucoup n’y ont jamais cru. Les peuples arabes sont de plus en plus fatigués, non seulement du soutien des Etats-Unis pour ce qu’ils considèrent comme son rejeton détraqué et gâté, mais ils sont aussi fatigués de leurs propres dirigeants, dont ils pensent que la plupart sont plus loyaux à leurs soutiens étasuniens qu’aux peuples qu’ils gouvernent.
Je vais prendre des risques. En me basant sur l’histoire récente, je ne parierai pas sur un Etat palestinien en 2012.
(1) Chucky est le nom d'une poupée possédée par l'esprit du tueur en série Charles Lee Ray et personnage principal d'une série de films d'horreur. Le nom « Charles Lee Ray » fait référence à trois criminels américains : Charles Manson, Lee Harvey Oswald et James Earl Ray. (Wikipédia)
Source : The Palestine Center
Traduction : MR pour ISM
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Yousef Munayyer
16 janvier 2010