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ISM France - Archives 2001-2021

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Ramallah -

Le remède Gandhi

Par

Vendredi dernier, Laser et Hassan marchaient côte à côte dans la rue principale de Bilin.
Laser Peles (qui est né à Kfar Chabad, a abandonné la religion, fut porte-parole de la faction gay-lesbienne du Meretz et est l'un des activistes les plus dévoués des Anarchistes Contre la Barrière) a fait de Bilin, un petit village palestinien à côté de la colonie d'Upper Modi'in, sa résidence secondaire.
Cheik Hassan Yusuf, qui vient également d'un milieu Ultra-Orthodoxe, mais contrairement à Laser a maintenu un lien étroit avec la religion, a été expulsé au Liban, a passé six ans dans une prison israélienne et encore six mois dans une prison palestinienne, est aujourd'hui considéré comme le chef du Hamas en Cisjordanie.

"Je suis heureux que vous soyez ici, les Israéliens," dit l'Ultra-Orthodoxe de Ramallah à l'ancien Haredi (Ultra-Orthodoxe Juif) de Kfar Chabad, et les deux, rejoints par environ 500 autres Palestiniens et environ 100 Israéliens, poursuivent leur chemin dans la manifestation hebdomadaire contre la Barrière de Séparation à Bilin.


Peles n'est pas représentatif des Israéliens qui ont manifesté à Bilin la semaine dernière - la plupart d'entre eux viennent d'un milieu d'activistes bien plus solide.
Yusuf n'est pas représentatif des Palestiniens qui ont manifesté ici - la plupart d'entre eux sont du Fatah et des rivaux politiques du Hamas.

Malgré tout, l'étrange lien entre les deux hommes est indicatif de ce qui s'est produit ces dernières semaines à Bilin et ailleurs le long du tracé actuel de la barrière qui est en construction en Cisjordanie . Il y a des manifestations presque quotidiennes des Palestiniens mêlés aux Israéliens mêlés aux appareils-photo.

Lors des réunions des comités populaires à Bilin ou Budrus ou Beit Lakia, les activistes palestiniens - pas les intellectuels qui obtiennent des donations de l'Europe - parlent sérieusement de la doctrine du Mahatma Gandhi, du modèle des manifestations non-violentes qui est censé se répandre de village en village dans l'ensemble de la Cisjordanie .


Non-sens - il n'y a aucune chose de ce type dans les manifestations non-violentes palestiniennes, disent les officiers des Forces de la Défense israélienne, dont les soldats ont déjà développé une rituel de confrontation avec les manifestants palestiniens et israéliens, et montrent même un penchant pour certains de ceux impliqués.

"Où est Laser?" a demandé l'un des soldats alors qu'il regardait avecdes jumelles depuis la crête de la colline dominante la manifestation qui se rassemblait à Bilin il y a deux semaines.
"Sans lui, la manifestation ne vaut le coup."


Une semaine plus tard, vendredi dernier, l'IDF a reçu la preuve que quand les commandants de terrain disent aux soldats avant les manifestations que "une pierre peut tuer," ils savent que de quoi ils parlent.
Michael Schwarzman, un soldat des corps blindés, a perdu un oeil quand il a été touché par une pierre lançée par un Palestinien à Bilin.


"Comment pouvez vous parler de manifestations non-violentes quand un soldat perd un oeil dans une manifestation comme celle-ci?" a demandé Yarom Tamim, un vice-commandant de bataillon de l'unité Schwarzman, sur un programme radio de Tel Aviv au début de la semaine.


La vérité est plus complexe. Il est difficile d'obtenir des données précises au sujet du nombre de Palestiniens qui sont blessés dans les manifestations contre la Barrière, parce que beaucoup de blessés sont traités sur place et pas emmené vers un hôpital.

Cependant, seulement à Bilin, avec une population d'un peu plus de 1.500 personnes, environ 150 habitants ont été blessés dans les manifestations au cours des trois derniers mois.
Selon les données partielles de l'organisation des Droits de l'Homme, B'Tselem, sept Palestiniens ont été tués l'année dernière dans les événements le long de la barrière dans les régions de Jérusalem et de Modi'in.
180 autres Palestiniens ont été blessés à des degrés variables de gravité, dont au moins 16 qui ont été touchés par des balles réelles.


Il y a juste un mois, début mai, les soldats de l'IDF ont tué deux jeunes à Beit Lakia à plus d'un kilomètre du tracé de la barrière.

L'avocat Shlomo Laker possède les noms d'au moins 30 Palestiniens qui ont été blessés ces derniers mois. Des blessures assez graves pour permettre de déposer des demandes d'indemnités. Il est difficile d'échapper à l'impression que l'IDF utilise une main de fer dans ces manifestations.


Cette impression est renforcée si nous tenons compte des centaines de manifestations tenues depuis que les protestations contre la barrière de séparation ont commencé il y a environ deux ans, dans la région de Qalqilyah, les manifestants n'ont jamais eu recours aux armes à feu.



Justifier la force

Il est clair que les ordres de l'armée sont d'utiliser des méthodes de dispersion de foule.

En mars de cette année, par exemple, un commandant de compagnie d'un bataillon des Corps Blindés a été muté pour n'avoir pas usé de tels moyens contre les Palestiniens qui ont attaqué la barrière dans la région de Budrus et l'ont abattue sur environ 150 mètres.
L'officier, le lieutenant M., a dit à ses supérieurs qu'il n'avait pas employé les moyens à sa disposition parce qu'il y avait des femmes et des enfants parmi les manifestants et qu'il avait eu peur de les blesser.

Le chef du Commandement Central a décidé d'évincer l'officier. "Nous attendons d'un officier qu'il empêche la destruction de la propriété et nous n'attendons pas de lui qu'il dise : "Nous concéderons la barrière et nous reculerons." a déclaré le porte-parole du Commandement Central. "Il aurait dû être plus agressif et se servir des moyens qui lui ont été donnés."

Le Lieutenant Colonel Tzachi Segev, commandant du 25ème bataillon des Corps Blindés, est devenu une star de la télévision malgré lui.

Presque chaque semaine, il commande la force qui est responsable de disperser les manifestations à Bilin. Les appareils-photos des réseaux de télévision arabes, pour ne pas mentionner les appareils-photo des Anarchistes Contre la Barrière, documentent ses traits quelque peu enfantins, incongrus sous le casque duquel il délivre des ordres à ses soldats.

Il est né à Givatayim, lit Haaretz et même "comprend à titre personnel les Palestiniens " quant à leur colère face à la perte de leurs terres. Pour réduire les frictions avec les Palestiniens, il a même ordonné une pause du travail sur la barrière le vendredi, pour empêcher la possibilité que les manifestants s'approchent du matériel de construction.

Le résultat est celui de vendredi dernier, les manifestations se sont déroulées face à une route de terre, sans barrière et sans matériel de construction : seulement contre un symbole.

Cependant, Segev n'a aucune hésitation au sujet de la tâche dont il a été chargé. "L'Etat a le droit de se protéger à l'aide d'une barrière, même si ce droit nuit à ces personnes," dit-il.

"En général," explique Segev, il donne l'ordre d'utiliser les moyens de dispersion d'émeute après que les Palestiniens aient commencé à jeter des pierres, parce que les "pierres peuvent tuer."

Sa définition de la violence dans les manifestations palestiniennes - perturbations, les appelle-t'il - est tout à fait large. Des soldats poussés est également considéré comme de la violence qui justifie l'utilisation des grenades paralysantes ou des bombes de gaz.
Il en est de même si les manifestants viennent tout près du tracé de la barrière ou même dépassent la ligne imaginaire que l'armée délimite pour eux au début de chaque manifestation.

Du point de vue de Segev, l'action contre un village qui manifeste contre la barrière ne se termine pas avec la dispersion des manifestants et des lanceurs de pierre.

"Si aucune action terroriste et aucune intervention sur les travaux de barrière ne viennent du village, nous n'interviendrons pas," indique Segev. "S'ils entravent la barrière, nous les harcèlerons dans leur vie quotidienne."


Quelle forme ce harcèlement prend-il?

"Peut-être que harcèlement n'est pas le bon mot. Plus les actions contre la barrière seront fortes, plus nos opérations le seront. Nous nous réservons le droit d'entrer dans le village à n'importe quelle heure... Parfois, il n'y a aucun moyen d'échapper à la punition collective, même si elle a un impact négatif. La punition collective est le bouclage, l'interdiction aux gens d'entrer dans un village, en bloquant la route Bilin-Safa (en faisant référence au village voisin) comme moyen de pression si le village ne se comporte pas correctement."

Mais il y a également des cas dans lesquels les organisateurs des manifestations se sont battus contre les lanceurs de pierre et les ont viré des lieux.
Quel message envoyez-vous aux Palestiniens qui ont empêché les jets de pierres sur les soldats?
Qu'ils sont stupides?

"C'est vrai que ces cas ont existés, et la question de la punition collective est un sujet difficile. Mais la punition n'est pas quelque chose d'abstrait. Cela veut dire : Les mecs, nous avons des moyens qui peuvent vous blesser." ("Le bouclage n'est pas punition collective, c'est une action opérationnelle," dira ensuite le colonel Yoni Gedj, le commandant de Brigade, en le corrigeant.)

Comme tous les commandants de l'IDF dans la région, Segev pense que les principaux coupables dans les manifestations sont les Israéliens. Les Israéliens "amènent les Palestiniens" aux manifestations et en sont "le principal moteur ".

Là où il n'y a aucun Israélien, il n'y a aucune manifestation.
Pire, Segev et d'autres hauts officiers dans la région expliquent que les Israéliens rendent le travail très dur pour les soldats. Ils se permettent d'approcher très près les soldats, de sorte que les Palestiniens et les soldats se trouvent dans des positions très proches les uns des autres, "et au moment vous avez un Palestinien à côté d'un soldat, il y a danger."

Ce sont également les Israéliens qui attirent les soldats sur le côté et leur parlent, permettant de ce fait aux Palestiniens de jeter des pierres.

De la perspective de l'armée, il y a une nette différence entre l'attitude envers les Israéliens et l'attitude envers les Palestiniens. "Vous devez faire la différence entre les Israéliens et les Palestiniens," a dit Segev à ses commandants d'unité dans un briefing, vendredi il y a deux semaines. "Là où sont les Israéliens, vous ne tirez pas du caoutchouc (balles en métal recouvert)."

La manifestation commence à sortir du village. Nous nous tenons sur la colline où se situe le chemin poussiéreux de la barrière - une bande exposée de terre cuite sous le soleil, les arbres qui étaient ici par le passé ont été déracinés.

D'abord, il semble qu'il n'y a que des Palestiniens, que l'armée et la police ont réussi à arrêter les Israéliens au checkpoint de Ni'lin à côté de Modi'in Ilit.
Alors le poste d'observation informe Segev qu'il y a "20 Israéliens" parmi les manifestants.
"On revient au plan original," crie Segev.

Il y a deux semaines, la manifestation s'était déroulée dans un ordre presque exemplaire. Les manifestants - environ 50 ou 60 Palestiniens et environ 20 Israéliens – sont arrivés à une distance d'une centaine de mètres du tracé de la barrière et ont été arrêtés par l'armée.
Ils ont mis un étrange accoutrement de cordes de bourreaux attachées à des gens qui étaient vêtus de longues robes blanches et portaient des affiches où l'on pouvait lire : "Paix," "Les terres" et d'autres dans le genre, et puis ils sont retournés en direction du village. Les soldats sont restés sur la route pendant quelques minutes de plus.

"Repartez, vous n'avez rien à faire ici, vous invitez seulement les lanceurs de pierre," ont crié les manifestants aux soldats en reculant. "Je ne veux pas d'une situation dans laquelle on a l'impression qu'ils sont dans notre dos," me dit Segev, en expliquant pourquoi les soldats attendent.
Il donne alors l'ordre de battre en retraite et bien que quelques pierres touchent les soldats, il donne l'ordre de se maitriser et la manifestation se termine sans heurts. Un événement peu commun, me disent les soldats; un événement peu commun, me disent les Palestiniens.

Le calme était une réussite du comité populaire de Bilin. De la colline, les membres du comité pouvaient voir courir les jeunes qui s'étaient cachés sous les oliviers, pierres à la main, et les ramener au village. Dans certains cas, cela a impliqué des bagarres. Pas tous les jeunes avaient l'intention de profiter de l'occasion.

"Nous ne sommes pas des officiers de l'armée et nous n'avons aucune autorité sur la population," dit le membre du comité, Mahmoud Hatib.
"Nous ne pouvons pas les inciter à rentrer au village, nous pouvons seulement les persuader."

Quelques jours plus tôt, quand j'ai visité le village, Hatib a expliqué les principes qui guident leurs manifestations.

Il ne doit y avoir aucun jet de pierres, et cette règle est généralement observée.
Mais quand la manifestation est terminée, ou à partir du moment où l'armée commence à tirer du gaz ou du caoutchouc, et en particulier si l'armée entre dans le village, les organisateurs n'ont aucune moyen de contrôler les lanceurs de pierres.
Et des pierres sont jetées, comme les événements de vendredi dernier l'ont montré.


Les manifestations à Bilin ont commencé en février de cette année, quand le travail sur la barrière a commencé ici.

Les habitants de Bilin possèdent environ 4.000 dunums de terres agricoles; selon les calculs du comité du village, 2.300 dunums resteront de l'autre côté de la barrière. (L'armée dit que 1.700 dunams seront du côté israélien de la barrière, soit presque la moitié des terres du village.)
Les Israéliens ont commencé à venir presque dès le début.

Un groupe d'environ 40 ou 50 Israéliens qui sont en contact constant avec les villageois est prêt à venir ici même au milieu de la nuit par la route sinueuse et défoncée qui traverse les villages palestiniens pour affronter les soldats qui entrent dans le village.

Dans la maison d'Abdullah Abu Rahma, un des chefs du comité, j'ai trouvé Laser qui dormait pour la nuit.
Un autre Israélien a tout d'un coup révélé qu'il avait trouvé un monte-charge à Beit Lakia.
Un groupe d'Israéliens qui se tiennent au centre du village et discutent en hébreu est une vision totalement habituelle.

"Il y avait des débats dans le village sur la façon dont les femmes israéliennes s'habillent, parce que nous sommes un village musulman," remarque Hatib.
"Mais tout le monde dit que les Israéliens sont biens."


Hatib et Abu Rahma nient énergiquement que les Israéliens sont derrière les manifestations, ce dont est convaincu l'IDF.
Yonatan Pollack et Einat Podhorny, deux des Israéliens qui font beaucoup de déplacements entre Tel Aviv et Bilin, indiquent également que de telles déclarations sont absurdes.

Les Palestiniens nous disent quand et quelle action ils prévoient de faire et ils nous invitent à venir, mais nous n'en sommes jamais les initiateurs.

Cependant, les Palestiniens et les Israéliens concèdent que le fait de savoir que les Israéliens seront présents à une manifestation rend plus facile la décision pour les Palestiniens d'affronter les soldats, car il est probable que les troupes utilisent moins de forces quand elles voient des Israéliens parmi les manifestants.

Les actions du Comité de Bilin tendent vers l'art de l'exécution. Avec la manifestation hebdomadaire du vendredi, les membres du Comité Populaire aiment diversifier. Ils peuvent s'attacher aux oliviers ou entrer dans des barils ou organiser une marche d'enfants - cette semaine, une manifestation pour les personnes handicapées a été planifiée.

La semaine dernière, ils ont même distribué des tracts en Hébreu aux soldats qui sont arrivés pour les évacuer du chemin de la barrière.

"Soldat, attends une minute avant d'armer ton arme," peut-on lire. "Toi et tes amis êtes sur notre terre. Si vous étiez venus comme invités, nous vous montrerions les arbres que nos grands-mères [ sic ] ont planté ici... Mais vous avez été envoyés ici comme représentants d'une armée et d'un état d'occupation... C'est pourquoi nous manifestons ici, sans armes, face à toutes vos armes."

"C'est une révolution", dit une source palestinienne. "Par le passé, aucun Palestinien n'aurait osé s'adresser aux soldats de cette façon directe."



Mystérieux lanceurs de pierres

Le but, explique Hatib, est de montrer au monde la "bonne image" : les Palestiniens en tant que victimes, Israël en tant qu'armée d'occupation.

Par conséquent, de son point de vue, il n'y a aucun besoin de jeter des pierres aux soldats, pas même s'ils tirent du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc.

Hatib est également très heureux que les médias Arabes et Palestiniens aient surnommés les habitants de Bilin, "les nouveaux Gandhis." C'est très honorable, à ses yeux.

Méritent-ils ce titre?

L'armée dit qu'il n'y a aucune manifestation qui se termine sans jet de pierres et que toute distinction entre la partie non-violente d'une manifestation et la partie violente, avec les pierres, est complètement artificielle. Hatib admet qu'ils sont toujours très loin de persuader tous les jeunes du village de ne pas jeter des pierres, mais indique également qu'il y a eu des manifestations sans pierres - et en général, il ajoute, l'armée a un intérêt en échauffer l'atmosphère.


Un exemple de l'escalade délibérée de la situation, disent les Palestiniens, est lors d'une manifestation qui s'est tenue à Bilin le 28 avril, la démonstration du mistarvim (les unités secrètes de l'armée qui sont déguisées en Arabes).

En dépit du grand nombre de participants, les organisateurs pouvaient confirmer la décision d'avoir une manifestation non-violente, sans pierres. "Soudain, j'ai vu six ou sept personnes que je ne connaissais pas lancer des pierres", raconte Hatib.

"J'ai couru vers eux et je leur ai demandé qui ils étaient et pourquoi ils jetaient des pierres en dépit de la décision que la manifestation soit non-violente.
L'un d'eux a répondu, en bon arabe, qu'il était de Safa et qu'ils étaient venues pour nous aider. Je lui ai dit d'aller jeter des pierres à Safa, pas ici."



Ce fut seulement après, quand un des lanceurs de pierres a sorti un pistolet et a tiré en l'air, qu'Hatib a réalisé que le groupe était le mistarvim. Pour lui, c'est une preuve que l'armée a voulu envenimer les choses pour ensuite casser la manifestation en utilisant de la force.

Le commandant de la Brigade Maccabim, le colonel Gedj, admet que le mistarvim - de l'unité Masada du Service des Prisons - a en effet jeté des pierres, mais nie fermement qu'ils furent les premiers à le faire. "Ils ont rejoint d'autres Palestiniens qui jetaient des pierres. Les allégations des Palestiniens n'ont pas de sens. J'ai enquêté et je suis 100 pour cent convaincus de ça."

Pourtant, un juge du tribunal militaire de Judée, le Major Yair Tirosh, qui a entendu une demande de libération de deux habitants de Bilin en détention préventive - ils étaient accusés d'avoir attaqué un des hommes du Mistarvim - a écrit dans son jugement: "Il n'y a aucun témoignage parmi tous ceux des soldats que des pierres lui ont été jetées."

(dans sa décision pour libérer sous caution les deux hommes, le vice-président de la Cour d'Appels militaire, le lieutenant colonel Yoram Haniel, a noté qu'il était très douteux que le mistarvim ait eu l'autorité d'agir dans la manifestation, puisque leur autorité est confinée aux prisons.)



Rôle de la victime

"Les pierres sont entrées dans la vie des Palestiniens au cours du premier Intifada et il est difficile de les enlever de notre culture," dit Ahed Murad, du village de Budrus, qui se situe à l'ouest de Bilin, sur la Ligne Verte.

Budrus est un exemple de lutte réussie, et c'est peut être pourquoi Bilin essaye d'imiter ici les actions.
Selon le tracé original de la barrière, explique Murad, 1.200 dunams des terres du village auraient dû rester du côté israélien de la barrière.

Après les manifestations, qui ont commencé en décembre 2003, le tracé a été changé et maintenant seulement 100 dunams demeureront de l'autre côté.

Budrus fut le premier endroit où les Israéliens sont devenus un élément permanent dans les manifestations.

"Notre Comité Populaire a décidé de ne pas utiliser les pierres, parce que nous avions besoin de l'aide des volontaires internationaux et des Israéliens, et nous savions que si nous utilisions des pierres, nous ne pourrions pas obtenir l'aide," dit Murad. "Nous voulions que les bulldozers arrêtent le travail et nous savions que si nous jetions des pierres nous ne pourrions pas arriver jusqu'à eux."

Dans la vision de Murad, les pierres ne sont pas une mesure violente, mais "Je n'y crois pas. Si le but est de blesser des soldats, vous pouvez le faire bien mieux en tirant. Mais si le message est que vous n'acceptez pas l'occupation, je ne pense pas que le jet de pierres envoie ce message. Nous sommes des victimes et nous ne devons pas nous placer en dehors du rôle de victimes."


Murad essaye de vendre cette formule également dans d'autres endroits. Dans les villages à côté de la barrière, le message des manifestations non-violentes gagne le soutien, dit-il.

C'est bien plus difficile dans les grandes villes.
"Les gens nous ont dit qu'ils n'obtiendraient de cette façon" dit Murad.

L'Autorité Palestinienne ne coopère pas non plus. Néanmoins, il ressent un soutien croissant à ses idées, de la part des chefs locaux et en prison. Quand il était retenu en détention administrative (arrestation sans procès), les chefs de toutes les factions lui ont dit que la "méthode de Budrus est bonne" et qu'ils devaient reconsidérer leurs méthodes.

Mohammed Elias, le coordinateur des Comités Populaires en Cisjordanie au nom de l'Autorité Palestinienne, admet que la route pour entrer dans la lutte non-violente parmi la majorité de l'opinion palestinienne est encore longue.

"C'est une nouvelle manière, et le fait que dans cette forme de lutte, il n'y ait aucune image de shaheeds (martyrs) sur les murs affaiblit son soutien" explique-t'il dans son bureau de Ramallah.
"Nous sommes un peuple sentimental et les slogans puissants au sujet du sang et du feu touchent bien plus le coeur."

De plus, même si la direction est celle de Gandhi, elle ne peut être atteinte que graduellement.
"Si vous voyez les soldats utiliser du gaz lacrymogène, il est difficile de persuader les jeunes de s'asseoir sur le sol, de chanter et de ne pas réagir."


Néanmoins, Elias est convaincu que c'est la direction vers laquelle les Palestiniens se dirigent. Il a cru lui-même dans la lutte armée et a passé beaucoup d'années en prison, mais maintenant il a changé d'avis et pense que le public palestinien suivra le mouvement.

"Par le passé, tout le monde a soutenu la lutte armée, mais maintenant il y a une grande lassitude à son sujet." La présence des Israéliens dans les manifestations a une grande influence dans le changement d'avis des gens.
"Il y a un proverbe arabe : Vous pouvez oublier ceux avec qui vous avez ri, mais vous ne pouvez pas oublier que ceux avec qui vous avez pleuré, " di-il. Les gens n'oublieront pas les Israéliens qui ont été blessés à côté d'eux dans les manifestations.


Ce n'est pas non plus un processus simple. Elias raconte une manifestation à Qalqilyah dans laquelle la majorité des manifestants étaient des Israéliens.
Pendant la manifestation, une prière a eu lieu et l'ecclésiastique qui la menait a fait un sermon contre les Juifs.
"Je sui allé vers lui et je lui ai demandé : "Comment pouvez vous parler comme ça? N'avez-vous pas remarqué que la moitié des personnes ici sont des Israéliens?'
Il a répondu : "J'ai voulu dire les autres Israéliens.'"

Murad note qu'avant que les Israéliens commencent à se montrer dans les manifestations, beaucoup de gens à Budrus ne connaissaient les Juifs que sous l'uniforme des soldats. "Maintenant, même les enfants ne crient plus des slogans contre les Juifs, seulement contre le l'Occupation."

Une manifestante israélienne raconte qu'elle a entendu un Palestinien dire fièrement que "les Israéliens" – en voulant dire les manifestanrs - les avaient protégés contre "les Juifs," en voulant dire les soldats.


"Il est clair que le fait que nous affrontions le danger ensemble influence les Palestiniens au niveau de leur confiance en nous," dit Einat Podhorny de Ta'ayush, une organisation de coopération Israélo-Palestinienne, et un activiste contre la Barrière.

La chose absurde est que la manifestation de vendredi dernier, dans laquelle Michael Schwarzman a perdu un oeil, était une preuve de la popularité croissante de la lutte dans le modèle de Budrus et de Bilin.


C'est vrai, Hassan Yusuf du Hamas n'est pas désireux d'adopter la lutte non-violente comme seule voie.
"Nous avons tout essayé, et nous essayerons cette manière aussi," dit-il.
"Si l'occupation cesse de façon pacifique, nous sommes en faveur des mesures de paix, mais il ne semble pas que ce soit ce que veut l'occupation."


Pourtant le fait même que Yusuf, et avec lui des représentants de tous les partis – y compris le Front Populaire, qui s'était opposé à des actions communes avec des Israéliens - aient participé à la manifestation à côté des manifestants israéliens montre que les politiciens palestiniens sentent que ça vaut la de prendre cette vague, que la vague est populaire.



Qui gagne ?

Ces détails ne font aucune impression sur l'IDF. "Pendant un mois et demi, nous avons rencontré un rituel quotidien de perturbations," dit le colonel Gedj.
"Les soldats se trouvent en danger de mort, les machines sont endommagées, les ouvriers sont attaqués. Cela retarde le travail et entraîne la perte de beaucoup d'argent. C'est une situation que nous ne pouvons pas accepter."


Ne serait-il pas préférable de permettre aux Palestiniens de manifester au lieu de les affronter?

"Toutes les manifestations sont illégales et nous sommes donc obligés de les disperser. La jeunesse palestinienne exploitent les manifestations pour jeter des pierres et pour attaquer des soldats de l'IDF. Quand les manifestants poussent des soldats ou dépassent une certaine ligne, cela rend la manifestation violente. Je ne prêterai également pas la main pour exposer mes soldats aux cris de "Nazis" et de "Traitre".'
Mais nous employons les moyens que nous avons de façon progressive. Il n'y a aucune situation dans laquelle nous fonçons sur les manifestants."


Quel est le rôle des Israéliens dans les manifestations?

"Pendant toute la semaine, rien ne se passe, et à la fin de la semaine, quand les Israéliens arrivent, il y a des perturbations de centaines de personnes. Le lien est simple. C'est apparemment les Israéliens qui attisent les passions. Je ne peux pas dire cela avec certitude, mais là où il n'y a pas d'Israélien, rien ne se passe."


Et la présence israélienne dérange l'armée?

"Elle rend l'action beaucoup plus longue et nous oblige à investir des forces bien plus grandes. Les Israéliens restent sur la route et les Palestiniens partent, mais il est difficile pour moi de dire si cette présence aggrave les confrontations ou les affaiblit."

Ce que les Palestiniens disent, c'est que la présence même des Israéliens dans les manifestations est le meilleur remède contre les attaques-suicides à l'avenir, que leur présence diminue la haine.

"C'est une direction qui fait réflécir, mais je suis un homme d'armée et ma tâche est de voir que la mission est menée à bien, et ma mission est de permettre la construction de la barrière."

Un officier haut gradé du Commandement Central adopte une position quelque peu différente. Il admet que les manifestations le long de la barrière sont actuellement les points principaux de friction entre l'IDF et les Palestiniens.

Mais "c'est un type classique de perturbations et l'armée n'a aucun problème à les gérer. Nous devons seulement intérioriser la transition du combat contre des individus armés en gestion des perturbations.

Cela me rappelle le premier intifada, et dans le premier intifada nous avons été victorieux au niveau opérationnel sans aucun doute.
La plupart des individus recherchés ont été liquidés ou pris : c'était un succès extraordinaire.

Mais dans ces luttes, il est très difficile de déterminer qui gagne face à l'histoire."

Source : www.haaretz.com/

Traduction : MG pour ISM

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