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Gaza -

Les Gazaouis ont besoin de bien plus qu'un cessez-le-feu

Par

Saree Makdisi est professeur de littérature anglaise et comparée à l'UCLA. Il est l'auteur de "Palestine Inside Out: An Everyday Occupation".

Les bombardements ont peut-être cessé, mais la vie à Gaza est loin d'être revenue à ce que chacun d'entre nous considèrerait comme une vie normale. Car à Gaza, l'alternance entre bombardement et cessez-le-feu ne marque pas la différence entre la guerre et la paix, mais plutôt l'oscillation entre un type de violence et un autre. Pour le comprendre, il faut reconnaître le fait que Gaza et Israël ne sont pas deux Etats engagés dans une querelle frontalière temporaire, ou dans la protection de leur souveraineté, ou dans l'exercice de leur droit à l'auto-défense.

Les Gazaouis ont besoin de bien plus qu'un cessez-le-feu

Gaza n'est pas un Etat ; comme le Conseil de Sécurité de l'ONU l'a affirmé à maintes fois, c'est un territoire sous occupation militaire - et il reste sous contrôle israélien. En bombardant Gaza, donc, Israël ne frappe pas le territoire d'un autre Etat. Il bombarde des gens dont il est légalement responsable en tant que seule puissance souveraine qui exerce le contrôle sur leurs vies - de la détermination de comment leurs noms figurent sur les cartes d'identité et dans le registre officiel de la population, jusqu'à la quantité d'électricité qu'ils reçoivent et la quantité de nourriture qu'ils sont autorisés à manger.

Les bombes et les roquettes font facilement les titres et attirent l'attention mondiale, mais elles nous détournent de la réalité plus silencieuse, plus durable et, à long terme - beaucoup plus destructrice qui broie la vie quotidienne à Gaza, et qui la broie depuis si longtemps que les bombardements et les cessez-le-feu sporadiques sont presque hors sujet. Même quand ils ont lieu, des actes flagrants de violence comme une bombe ou le tir d'une roquette sont de simples extensions des conditions de violence sous-jacentes et continuelles d'où elles émergent - des conditions déterminées par la nature et l'ampleur du contrôle d'Israël sur Gaza.

Pour avoir une idée de ce contrôle, il faut s'écarter des proclamations officielles passées et des titres racoleurs des journaux ou des télévisions et entrer dans les processus bureaucratiques silencieux et pratiquement invisibles qui définissent la vie quotidienne à Gaza.

Considérons, par exemple, le fait qu'il y a quelques années, des responsables israéliens ont peaufiné une série de calculs servant à déterminer exactement combien de calories par jour seraient nécessaires pour maintenir les 1,7 millions de personnes de Gaza juste au-dessus de la famine : ni consommation suffisante pour prospérer, ni franchissement de la ligne de la famine pure et simple. Ils sont arrivés au chiffre magique de 2.279 calories par personne et par jour. Les Israéliens ont multiplié ce chiffre par la population totale, puis ont traduit le résultat en nombre de camions de calories par jour - moins le chiffre de la nourriture produite à Gaza - qu'ils autoriseraient à entrer dans le territoire. Israël a même établi des listes précisant les types de nourriture autorisés à entrer (les pâtes n'ont pas été sur la liste jusqu'en 2009, par exemple).

Ce comptage obsessionnel de calories n'est qu'un aspect d'une stratégie plus large qui vise à "maintenir l'économie des Gazaouis au bord de l'effondrement sans la faire basculer", comme l'a expliqué l'Ambassade US à Tel Aviv dans un câble fuité de 2008. Et la catastrophe induite s'est déroulée exactement selon les calculs israéliens : les organisations internationales pour les droits de l'homme et les agences des Nations Unies ont à plusieurs reprises mis en garde contre l'effet des contrôles draconiens d'Israël sur la vie à Gaza, comme en témoignent un large éventail de conséquences allant de l'insécurité alimentaire rampante au retard de croissance des enfants et des adolescents.

Dans l'optique israélienne sur Gaza (et sur les Palestiniens en général), la vie humaine, loin d'être quelque chose de précieux, est une force à contrôler, à canaliser, à bloquer et à couper si nécessaire.

Pourquoi ? Parce que la population de Gaza est majoritairement constituée de réfugiés, ou de descendants de réfugiés chassés de leurs foyers, quelque part en Palestine, en 1948, pour faire place à la création d'un Etat juif. Les hommes politiques israéliens de tous horizons (ainsi que l'actuel ambassadeur d'Israël aux Etats-Unis dans un article pour le magazine Commentary il n'y a pas si longtemps) parlent ouvertement de la "menace démographique" que les Palestiniens font peser sur Israël. Selon cette logique politique, les Palestiniens devaient être déplacés en 1948 - et ils doivent restés déplacés aujourd'hui, à Gaza entre autres - parce que leur nombre modifierait la composition démographique de l'Etat s'ils étaient autorisés à rentrer chez eux, dans leurs villes et villages ancestraux à l'intérieur de ce qui est maintenant Israël.

La menace que Gaza fait peser sur Israël, en d'autres termes, ce n'est pas simplement les roquettes, mais le foisonnement de la vie humaine elle-même. Car réduire un peuple à une "menace démographique", c'est en premier lieu ne pas les voir en tant que personnes. Ils deviennent alors une simple force vivante, comme une mauvaise herbe ou un cancer (termes rhétoriques qui, ce n'est pas un hasard, abondent dans le langage politique israélien), dont la croissance doit être tenue en échec, sinon cautérisée ou totalement éliminée. Parfois, cette vérification implique des bombardements ou des tirs ; le plus souvent, elle implique d'écraser, de restreindre, d'étouffer.

Les habitants de Gaza ne sont cependant pas juste une forme de protoplasme auto-reproducteur. Ce sont des hommes, des femmes et (surtout) des enfants avec, comme le grand essayiste anglais William Hazlitt l'a dit dans des circonstances similaires, des pensées et des sentiments, des intérêts et des passions, des projets et des affections, un droit et une volonté à être libres. Ces gens ont besoin de bien plus qu'un cessez-le-feu : ils ont besoin d'une paix juste.



Source : Al Jazeera

Traduction : MR pour ISM

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