Liban - 5 août 2006

Les despotes Arabes et non Israel, sont maintenant très menacés

Par Jonathan Steele

> j.steele@guardian.co.uk

À la différence des enfants sages, les drones israéliens sont entendus mais ne sont pas vus. Les avions sans pilotes appelés officiellement les "yeux du ciel" planent jour et nuit au-dessus du Sud Liban. Entre 2 et 4 mètres de long, ce ne sont rien de plus que des caméras et un moteur.
Ils volent habituellement trop haut pour être repèrés, mais ils font tellement de bruit que vous ne pouvez pas l'oublier, comme un essaim de guêpes un après-midi d'été.

Le Sud de Beyrouth anéanti
Leurs moteurs donnent l'impression d'être gonflés, comme un avertissement à tout lanceur de roquettes du Hizbullah que Big Brother l'a dans sa ligne de mire mais également comme un moyen d'intimidation et d'énervement pour une population entière – ce que les tortionnaires appellent un "bruit blanc".

Collés aux écrans qui montrent les images en direct de ces machines irritantes, les peltastes israéliens regardent des images effrayantes.

Qu'elles touchent leurs consciences, je n'en sais rien, mais ce qu'elles dévoilent, c'est un tableau de dévastation massive.
Oubliant, pendant un moment, les colonnes de voitures de réfugiés partant vers le Nord.
Ignorant, s'ils le peuvent, les cadavres en décomposition.
Concentrés seulement sur l'inventaire physique : les routes défigurées par des cratères de bombes, des villes rendues inhabitables, des étals de boutiques éventrés, des maisons effondrées comme soufflées par des explosions terribles.

Pendant deux jours cette semaine, Israël a offert une pause "humanitaire". Toute personne assez idiote pour ne pas avoir tenu compte des précédents avertissements de quitter le secteur aurait une dernière chance de le faire.

Tirant profit de cette trêve complaisante, les journalistes se sont déversés sur les villages alors que les gens choqués émergeaient des sous-sols pour rechercher frénétiquement des moyens de transport et quitter le secteur.

Le Sud Liban est un pays classique de Diaspora. Son économie ne dépend plus de l'agriculture locale. Plusieurs de ses maisons sont conçues pour impressionner, avec des balcons incurvés et fleuris et des piliers Grecs.
Un grand nombre d'entre elles étaient encore à moitié construites quand l'attaque israélienne les a touchées.
Elles représentent l'argent envoyé par les émigrés qui ont commencé à faire fortune en Afrique occidentale, il y a près de 100 ans.

La guerre civile du Liban qui a commencé en 1976 et a duré 14 ans, a envoyé des nouvelles vagues de population en Australie, en Europe de l'ouest et en Amérique du Nord, et ils ont investi dans ces maisons qui indiquaient leur réussite.

Pas besoin de se demander pourquoi beaucoup de Libanais étaient là cet été : les familles avaient amené leurs enfants pour qu'ils connaissent leurs cousins et leurs grand-pères.

Ils ont vraiment eu des vacances d'enfer : pas la version tabloïd, des bateaux de croisière avec des toilettes bloquées ou des villas de mauvaise qualité situées à côté des chantiers de construction.

Les familles de Montréal, de Malmö ou de Melbourne se sont soudainement retrouvées sous une pluie implacable de bombes, tremblant de terreur dans des abris souterrains et se demandant si leur santé mentale tiendrait aussi longtemps que leur nourriture.

Maintenant ces personnes sont mortes ou ont fui. Le secteur a été vidé. Plus il est proche de la frontière israélienne, plus les dégâts sont lourds.

Dans des villes et des villages comme Bint Jbeil, Ainata et Aitaroun presque aucun bâtiment n'est intact.

En Cisjordanie et à Gaza, Israël a été régulièrement critiqué pour la démolition des maisons des kamikazes en punition de leurs familles.

Au Sud Liban, il a effectué des démolitions de maisons et imposé une punition collective sur une échelle gargantuesque.

Que les forces israéliennes cherchent ou non à occuper une bande de ce territoire au nord de la frontière israélienne dans les prochains jours, elles y ont déjà rendu toute vie impossible pour les Libanais dans les années à venir.

Cela est plus que certain, bien que d'autres conséquences de cette invasion soient encore enveloppées dans le brouillard de la paix.

Hizbullah émergera plus fort dans l'équilibre des forces politiques Libanaises, mais pas de façon écrasante, et peut-être seulement pendant une courte période. Tyr, par exemple, est dirigé par le précurseur du Hizbullah, le parti Amal.

Lors des élections de 2004, le Hizbullah a obtenu 15% des votes en comparaison aux 75% d'Amal.

Son succès militaire dans l'obtention d'une fin de l'occupation israélienne en 2000 ne s'est pas concrétisé dans les urnes. Dans la région de Tyr, 39 villages ont été gagnés par Amal et 17 par le Hizbullah.

La résistance féroce du Hizbullah aux troupes terrestres israéliennes lui a fait obtenir de nouveaux admirateurs chez les Libanais, mais dans les villages, les civils voient peu de signe d'aide du Hizbullah aux personnes déplacées.

Cette semaine, pendant que les familles avec des enfants et des personnes âgées luttaient à travers les gravats pour fuir, les jeunes cadres du Hizbullah n'ont pas aidé à l'évacuation, bien qu'on pouvait les voir se tenir en groupes vigilants dans les villes les moins dégradées.


Dans le monde Arabe, c'est un détail non pertinent. Le Hizbullah est déjà le héros, une preuve de succès ardemment désirée depuis longtemps. Peu importe comme cette guerre finira, l'image de l'invincibilité d'Israël a disparue.

Bien sûr, la même chose a été dite en octobre 1973, quand les troupes égyptiennes ont traversé le canal de Suez, surprenant l'armée israélienne. Quelques jours plus tard, Israël prenait le dessus.

Un tel renversement ne se produira pas cette fois-ci. Même si Israël tuait ou capturait le chef de Hizbullah, Sheikh Hassan Nasrallah, et détruisait tous les stocks de roquettes du Hizbullah, le Hizbullah a gagné en tenant trois semaines et en infligeant de sérieures perturbations et la souffrance en Israël.

La victoire de Hizbullah au Liban peut-elle être le présage d'autres victoires arabes à venir ? Peu probable. Le Sud Liban est un pays de guérilleros, préparés aux embuscades. Rien à voir avec les inconfortables taudis urbains de Gaza.

La Cisjordanie ressemble plus au Liban, mais le contrôle par Israël de l'importation des armes ainsi que la présence de centaines de milliers de colons-occupants déterminés donne aux Palestiniens seulement une option militaire, une guerre d'usure lente et coûteuse. Les négociations sont un meilleur moyen.


La victoire du Hizbullah pourrait faire moins de dégâts à Israël qu'aux autres régimes arabes. Le succès d'une insurrection Shiite encouragera les autres Shiites de la région, y compris ceux vivant en Arabie Saoudite.

À la consternation de ses protecteurs américains, le Premier Ministre Shiite Irakien, Nuri al- Maliki, n'a pas condamné le Hizbullah.

Mais la question Sunnites/Shiites ne devrait pas être exagérée.

L'appel du Hizbullah dans le monde Arabe est une question plus large d'Islamisme et de lutte contre le despotisme corrompu.

L'Egypte et, à un moindre degré, la Jordanie - et même à moyen terme la Syrie, qui a soutenu et armé le Hizbullah - ressentiront les ondes de choc de la rue Arabe.

Ceux qui arguent depuis leurs pupitres dans les mosquées que la modernité laique signifie inévitablement la décadence et l'égoïsme auront gagné de nouveaux disciples.

Ceux qui disent que seul l'Islam peut procurer la fierté et la base nécéssaire à une confrontation avec les interventions culturelles et militaires occidentales seront plus forts.

L'aventure libanaise d'Israël, et la folie de Bush/Blair qui la soutiennent, ont fait des dommages dont l'Occident souffrira pendant de nombreuses, de très nombreuses années.

Source : http://www.guardian.co.uk/

Traduction : MG pour ISM