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Palestine - 5 décembre 2010
Par Mounir Shafiq
As-Sabil (Jordanie) 30 novembre 2010
Quiconque se trompe s’il ne lit pas le conflit en Palestine comme étant exceptionnel, en comparaison avec les différents conflits menés par les mouvements de libération nationale, bien que chacun de ces mouvements ait sa spécificité ou sa particularité. Toutefois, le sujet palestinien présente également une particularité et une spécificité incomparables, à cause de la nature de l’ennemi auquel fait face le peuple palestinien, et de son projet fondamentalement différent des projets de la domination coloniale et impériale, et même colonialiste connus par tous les peuples colonisés. Cet état se rapproche plutôt des cas qu’ont affrontés les peuples autochtones dans les deux Amériques, en Australie et Nouvelle-Zélande, même si le peuple palestinien n’a pas subi une extermination concrète comme ces peuples.
Quiconque se trompe s’il ne lit pas le conflit en Palestine comme étant exceptionnel, en comparaison avec les différents conflits menés par les mouvements de libération nationale, bien que chacun de ces mouvements ait sa spécificité ou sa particularité. Toutefois, le sujet palestinien présente également une particularité et une spécificité incomparables, à cause de la nature de l’ennemi auquel fait face le peuple palestinien, et de son projet fondamentalement différent des projets de la domination coloniale et impériale, et même colonialiste connus par tous les peuples colonisés. Cet état se rapproche plutôt des cas qu’ont affrontés les peuples autochtones dans les deux Amériques, en Australie et Nouvelle-Zélande, même si le peuple palestinien n’a pas subi une extermination concrète comme ces peuples.
La ressemblance concerne plutôt l’installation de groupes coloniaux à la place du peuple autochtone. La Palestine, cependant, ne fait pas non plus partie de cette catégorie, non seulement parce que la suppression par l’extermination n’a pas eu lieu, mais parce qu’il n’a pas été possible de trancher définitivement le conflit au profit de l’entité sioniste, comme cela a eu lieu en Amérique, Australie et Nouvelle-Zélande.
L’installation et la conversion de groupes de colons en un peuple à la place du peuple palestinien, dans sa patrie, ont été exécutées grâce à la domination colonialiste et impérialiste sur le rapport de forces international et avec le soutien et l’aide des Etats impérialistes qui ont même protégé et adopté le projet de la fondation de l’entité sioniste. Au départ, le colonialisme britannique en a été le père et le fer de lance. Il fut son protecteur et celui qui lui a permis d’arriver jusqu’en Palestine et de s’y implanter, puis de s’y renforcer militairement pour lui assurer une suprématie sur le peuple de Palestine, après avoir désarmé ce dernier et avoir coupé ses liens avec sa nation arabo-islamique, en procédant au morcellement et à la domination de ses Etats.
Par la suite, la protection, la sauvegarde, l’aide militaire et financière sont passées à l’impérialisme américain qui continue à diriger les Etats impérialistes et d’autres Etats, pour l’aider d’une part et pour mettre le plus possible d’Etats arabo-musulmans sous sa domination, et utiliser ce qui en est possible contre la résistance du peuple palestinien, pour faire des concessions sur le droit palestinien et arabe en Palestine.
Deux caractéristiques principales rendent la situation palestinienne particulière et spécifique :
La première : la nature du conflit qui consiste à installer un « peuple » à la place d’un autre, déraciné de son pays et expulsé par la force, avec des massacres, des actes terroristes et toutes formes de pression, ce qui s’est passé pendant la guerre de 1948, puis imposer des lignes de trêve qui protègent l’instauration de l’entité sioniste : armée, société et Etat, et imposer sa suprématie militaire sur toutes les armées arabes réunies. Le projet de cette installation s’est déroulé par étapes, au gré de l’évolution des rapports de force et les conditions, données et équations palestiniennes, arabes, islamiques, tiers-mondistes et internationales qui émergeaient. Mais ce parcours zigzaguant est resté dans le cadre de l’objectif principal.
La deuxième : l’ennemi qu’a affronté et que continue à affronter le peuple palestinien représente un large front international qui s’est ligué contre lui, ce qui est différent de ce qu’ont affronté les peuples des colonies lors de leurs luttes contre un seul ennemi colonialiste. Ce qui rend la confrontation menée par le peuple palestinien beaucoup plus large que toute autre confrontation connue par un mouvement de libération nationale. Il n’est pas exagéré de dire que le peuple palestinien n’a pas combattu le colonialisme britannique seul, au cours du mandat, ni combattu l’armée sioniste seule, pendant la guerre de 1948, mais qu’une ligue mondiale des grandes puissances s’est opposée à lui, et notamment après l’instauration de l’Etat de l’entité sioniste. L’Inde a combattu la Grande-Bretagne seule, l’Algérie a combattu la France seule, le Vietnam a combattu les Etats-Unis seuls, et l’Afrique du Sud a combattu les colons racistes qui étaient protégés par un seul Etat ou plusieurs de second rang, quant au rapport de forces, mais elle a pu, dans les étapes ultérieures, gagner la majorité des grandes puissances pour démanteler le régime raciste.
Mais en Palestine, il y a l’entité sioniste elle-même surarmée, et avec elle, de manière organique, les mouvements sionistes mondiaux qui sont devenus influents à l’intérieur des cercles de décision et des concepteurs de stratégies dans les Etats occidentaux, et notamment aux Etats-Unis. Ces Etats se sont engagés, et s’engagent, à protéger l’Etat de l’entité sioniste, à le soutenir, le renforcer pour mener le processus de l’occupation et du déracinement qui ont eu lieu, ou qui sont susceptibles de se poursuivre jusqu’au bout, si possible.
Il faut ajouter ici que la complicité de l’impérialisme mondial avec l’entité sioniste a joué et joue encore un rôle décisif, en paralysant les Etats arabo-musulmans et du tiers monde, en les empêchant de soutenir le peuple palestinien et en mobilisant l’opinion internationale en faveur de l’entité sioniste. Ainsi, le déséquilibre du rapport de forces dans ce conflit n’a jamais été aussi évident pour aucun peuple ni mouvement de libération nationale dans le monde.
C’est à partir de là qu’il faut comprendre la nature du conflit en Palestine, la nature de l’ennemi sioniste et des forces mondiales qui le soutiennent, mais aussi la paralysie des situations palestinienne et arabe, due au morcellement par pays et à la domination impérialiste qu’elles subissent, en général.
Cette équation complexe et très difficile, même si en fin de compte elle est susceptible d’être démantelée et changée (ce qui est un autre sujet), explique pourquoi le projet sioniste est parvenu à instaurer son entité et son Etat, pourquoi il poursuit son expansion et la judaïsation en Cisjordanie , et pourquoi il pose la condition de la reconnaissance de la judaïté de l’Etat en contrepartie de concessions sur des miettes où s’installerait un mini-Etat pour les Palestiniens.
Cette équation complexe et très difficile qui caractérise la question palestinienne et qui a donné naissance à une particularité et spécificité exceptionnelles, explique pourquoi existent deux Autorités, l’une à Ramallah qui agit en collaboration avec l’entité sioniste contre la résistance et poursuit les négociations, et l’autre dans la bande de Gaza, qui est une base militaire libérée mais encerclée de tous côtés et qui a mené la guerre de 2008-2009, qui a fait échec à l’attaque et qui vit l’expérience de la division entre la Cisjordanie et la bande de Gaza et entre deux stratégies.
Il faut ajouter l’expérience des Palestiniens restés dans le cadre de l’Etat de l’entité sioniste, qui ont enduré les pleins pouvoirs, le racisme et toutes formes de pression pour les expulser, mais qui ont résisté et lancé plusieurs formes de lutte pour maintenir leur présence dans leur pays.
Par ailleurs, la résistance a fait l’expérience en Jordanie, entre 1968 et 1970, puis au sud du Liban, entre 1971 et 1982, elle a mené deux grandes guerres en 1978 et 1982, tout comme elle a fait l’expérience de la première intifada entre 1978 et 1993 pendant que l’OLP se trouvait dans l’exil tunisien. Puis ce fut l’expérience de la résistance nationale puis de la résistance islamique au Liban qui furent couronnées par la libération du sud en 2000 puis la guerre de 2006 et la défaite de l’armée sioniste.
En d’autres termes, dans le conflit avec le projet sioniste depuis le début jusqu’à aujourd’hui, l’expérience palestinienne est passée par plusieurs formes principales de lutte armée, de guérilla au cours de 1936-1938, puis la guerre de « surface », puis la résistance de l’extérieur vers l’intérieur entre 1965 et 1982, puis de l’intérieur vers l’extérieur entre 1985 et 2006, puis les véritables guerres qui se caractérisent par la confrontation et l’affrontement, tout comme le peuple palestinien a expérimenté l’action dans les bases libérées, où se font les préparatifs militaires, y compris la consolidation et le développement de l’armement, le creusement des tunnels, la préparation à l’affrontement de l’armée ennemi (au sud Liban et actuellement dans la bande de Gaza).
De même, toutes les formes du refus politique et populaire, de boycott économique et de lutte contre l’impérialisme, et notamment contre les Etats-Unis et son alignement du côté de l’entité sioniste, ont été exercées de 1948 à 1967, et ensuite, même à toutes les étapes. Comment peut-on alors évaluer les résultats des stratégies de la résistance, de la protestation, de boycott, de l’intifada populaire et des guerres ?
Ceux qui ont condamné les diverses expériences de la résistance armée et celles de l’objection politique et populaire les ont jugées inutiles parce qu’elles n’ont pu empêcher l’instauration de l’Etat de l’entité sioniste ni les résultats de la guerre de 1967. Ils leur ont même fait porter la responsabilité des guerres et les atrocités et crimes de l’ennemi sioniste, mais ces condamnations ne sont pas justifiées, comme le fait de considérer la résistance armée comme ayant échoué parce qu’elle n’a pas pu empêcher la fondation de l’Etat de l’entité sioniste, ce qui n’était pas possible, à l’époque, avec toutes les conditions et circonstances, les données de l’équilibre des forces, la nature de l’entité sioniste, les politiques des grandes puissances et la faiblesse arabe due au morcellement et la domination. La résistance ne pouvait qu’empêcher l’effondrement et limiter la progression du projet, tout en maintenant l’état de confrontation avec lui et l’empêcher de tout avaler, de la manière la plus facile et la plus rapide.
De ce point de vue, limiter la vitesse de la progression du projet et lui mettre des entraves à telle ou telle étape, ou garder telle ou telle limite, tout comme le fait de garder attisée la flamme de la résistance et la passer de génération en génération, représente en soi un grand acquis, si l’on discute la question dans un cadre de relativité ; mieux, elle mérite tous les sacrifices qui ont été consentis.
Ces paroles s’appliquent à toutes les étapes précédentes, mais la résistance, et notamment après 2000, que ce soit au Liban ou en Palestine, a réalisé des acquis qui dépassent ceux d’empêcher l’effondrement et la dégringolade, pour entamer une phase de semi-équilibre stratégique, comme l’ont montré les guerres de 2006 au Liban et de 2008-2009 dans la bande de Gaza. Dans les deux cas, il est possible de parler de libération de terres et de formation de bases libérées ou semi-libérées, même si la bande de Gaza est encerclée. L’ennemi ne peut plus y entrer qu’au moyen de la guerre et de la confrontation armée, d’une rue à l’autre et d’une maison à l’autre.
C’est pourquoi il est possible de dire que la stratégie de la résistance et de la protestation peuvent, avec une mobilisation arabe, islamique et mondiale pour l’aider et isoler l’entité sioniste, imposer le retrait de Cisjordanie et le démantèlement des colonies, inconditionnels, comme cela a eu lieu au sud du Liban et dans la bande de Gaza. Mais ce qui les a corrompus est venu de la stratégie du processus politique et des négociations et d’avoir compté sur la supervision américaine, au niveau palestinien et arabe. C’est ce qui a transformé la Cisjordanie , avec l’Autorité de Ramallah et la coopération sécuritaire avec l’occupant, en une base contre la résistance, collaborant avec l’occupation et prisonnière financièrement des Etats donateurs.
Si l’état présent en Cisjordanie n’est pas brisé par la suppression de l’accord sécuritaire, et par l’annulation et l’anéantissement de la stratégie des négociations, il y a risque de liquider la cause palestinienne. Cette situation est arrivée au point de négocier pour un mini-Etat dont le prix serait l’échange de territoires de la Cisjordanie , l’acceptation de la colonisation, la concession sur les terres occupées et usurpées en 1948 et le droit au retour, mais aussi la reconnaissance de l’Etat de l’entité sioniste en tant qu’Etat juif, ce qui s’oppose au principe du droit sur la Palestine et la fin de la réclamation des droits historiques du peuple palestinien sur la Palestine : voir les déclarations de Abbas, de Abd Rabbo sur la reconnaissance de la judaïté de l’Etat et de Salam Fayyad sur son acceptation du récit biblique.
Atteindre ce stade dans ce parcours de concessions et d’insertion dans le processus de règlement ne laisse aucune possibilité de doute quant au fait que les formes de lutte, la résistance, l’intifada, le refus, le boycott, l’attachement aux constantes précises de la Charte de l’OLP de 1964 et 1968 sont les seules à pouvoir être caractérisées comme des formes de lutte efficaces et sérieuses. Quant aux autres formes de la gestion du conflit, les concessions sur les constantes et les droits, l’acceptation des résolutions des Nations-Unies, les conditions du processus de règlement et les négociations, ne sont en rien des formes de lutte. Elles n’ont rien sauvé du tout mais au contraire, elles ont dilapidé jusqu’à se trouver prêtes à accepter le prétendu « droit des juifs » historique et l’abandon du droit palestinien, arabe et islamique certain sur la Palestine, toute la Palestine.
Ce serait une falsification que de considérer les négociations et le processus de règlement dans la situation palestinienne comme étant semblables à d’autres expériences pratiquées par des mouvements de libération nationale et la résistance, ou de considérer la négociation comme une forme de lutte alors que c’est une voie pour corrompre la lutte et liquider la cause et les droits fondamentaux. Une telle assertion n’est plus basée seulement sur la spécificité de la cause palestinienne, la nature de l’ennemi et la nature du conflit mais elle a été démontrée par l’expérience réaliste et pratique, qui a le dernier mot et qui tranche la question.
Source : Al Sabeel
Traduction : Baladi
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