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Jérusalem -

Les fouilles archéologiques, outil politique des colons de Jérusalem

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Il y a d'abord eu des lézardes en plein milieu de la route principale. Puis quelques fissures dans les plafonds des maisons adjacentes. Et enfin une grosse craquelure dans l'un des murs de la crèche. En reliant ces indices les uns aux autres, les habitants de Silwan, un quartier arabe de Jérusalem, ont compris, fin janvier, que les colons juifs installés parmi eux avaient une nouvelle fois entrepris de creuser sous leurs pieds.

Les fouilles archéologiques, outil politique des colons de Jérusalem


"Ces travaux d'excavation menacent directement nos maisons, affirme Fakhri Abou Diab, le chef du comité de défense de Silwan. Comme d'habitude, personne n'a jugé bon de nous prévenir et de nous présenter les permis adéquats. Les colons agissent comme si nous n'existions pas. Seules les vieilles pierres les intéressent."

De fait, Silwan n'en manque pas. Considéré par les historiens israéliens comme le site de la cité de David, berceau de la Jérusalem biblique, ce quartier situé juste en contrebas des remparts de la vieille ville est truffé de vestiges antiques et notamment de tunnels. Leur mise en valeur dans les années 1980, sous la forme d'un parcours archéologique, a accompagné et favorisé l'intrusion de familles juives dans cette zone jusqu'alors peuplée exclusivement de Palestiniens.

A la tête de cette double entreprise, l'association Elad, un groupe de colons radicaux à qui le service des Antiquités israéliennes a concédé le terrain et qui, depuis, est passée maître dans l'art d'instrumentaliser le sous-sol de Jérusalem à des fins politiques. En l'espace d'une vingtaine d'années, moyennant harcèlement juridique, falsification de documents et recrutement de collaborateurs, Elad a réussi à s'emparer de plus de cinquante habitations en plein coeur de Silwan.

Du coup, pour les habitants, la reprise des fouilles n'augure rien de bon. Selon le Comité israélien contre les démolitions de maison, une organisation qui vient en aide aux Palestiniens de Jérusalem-Est, ce nouveau projet est même potentiellement explosif. D'après Meïr Margalit, l'un de ces responsables, Elad ambitionne de relier le tunnel de Hezekia, l'un des sites du parc archéologique, à un autre tunnel antique, actuellement muré, qui mène juste en dessous de la mosquée Al-Aksa, troisième lieu saint de l'islam, distante d'environ 500 mètres.

"Ces gens sont animés par une idéologie messianique d'autant plus dangereuse que le gouvernement ne les contrôle quasiment pas, dit Meïr Margalit. Ils imaginent que le Troisième temple juif va descendre du ciel et détruire la mosquée. Il suffirait que les Palestiniens aient le sentiment qu'Al-Aksa est en danger pour déclencher une explosion."

En 1996, l'ouverture d'un tunnel à proximité de l'Esplanade des Mosquées, le Mont du Temple pour les juifs, par le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, premier ministre de l'époque, avait provoqué des émeutes au cours desquelles 70 Palestiniens et 17 Israéliens avaient été tués.

Pour l'instant, les protestations des habitants de Silwan ont buté sur les complicités dont Elad jouit au sein des services de sécurité. Le 10 février, juste après avoir déposé un recours devant la Cour suprême, quatre Palestiniens ont ainsi été arrêtés par la police au motif qu'ils auraient "endommagé" le chantier. Un peu plus tôt, à la suite d'un précédent dépôt de plainte au commissariat, deux autres Palestiniens de Silwan avaient été appréhendés pour des actes de "violence". Le député du parti Meretz (gauche sioniste) Yossi Beilin, qui désirait inspecter le site, s'en est vu refuser l'accès par le service des Antiquités israéliennes.

Contactés par Le Monde, le porte-parole de ce département, ainsi que celui des Parcs nationaux et celui de l'organisation Elad ont tous refusé de faire le moindre commentaire, rejetant sur les autres la responsabilité des travaux. Un silence gêné qui n'étonne pas Meïr Margalit, du Comité contre les démolitions de maison. "C'est toujours la même histoire. Les colons font le sale boulot. Le gouvernement ferme les yeux. Et tout le monde se tait."

Benjamin Barthe - Le Monde du 21 février 2008

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Source : Le Monde

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