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Palestine - 27 avril 2008
Par Aya Kaniuk
Le blog d'Aya Kaniuk, en hébreu et en anglais : Mahsan Milim, http://www.mahsanmilim.com/notchildren.htm
Selon des instructions et des normes, avec facilité et avec une vigueur toute juvénile, les soldats tirent sur les enfants, intentionnellement ou non, parce que c'est ça qu'on les a envoyé faire, parce que c'est permis. Parce que les vies des Palestiniens ne valent rien, et parce que les enfants palestiniens sont "seulement" palestiniens.
- "Les soldats israéliens ne tirent pas sur les enfants", me dit la patronne du magasin où je travaille.
- "Mais je l'ai vu", lui dis-je. "Une fois, ils ont assassiné un enfant juste sous mes yeux, ils lui ont tiré une balle dans le cou."
- "Non", me répond-elle. "Ne dis pas qu'ils l'ont assassiné". Et elle n'était pas d'accord et elle ne pouvait pas accepter ça, parce qu'elle savait. Parce que ses fils avaient été dans l'armée, et une de ses belles-filles. Parce que les Israéliens ne tirent pas sur les enfants
Mais ils l'ont fait. Omar Matar, 14 ans, du camp de réfugiés de Qalandiya. J'étais là et j'ai vu les soldats poursuivre les enfants qui s'enfuyaient, et ils ont tiré sur eux comme des chasseurs sur leurs proies. Et j'ai vu comment il est tombé, en sang.
On dit que le diable lui-même ne peut trouver de vengeance convenable pour le sang d'un petit enfant. Un dicton déchirant, car il est vrai. Le visage d'un enfant, l'âge d'un enfant, l'essence d'un enfant sont les seules choses qui transcendent tous les conflits et les frontières et les races. On ne tue pas les enfants. Il n'y a rien de plus normatif. Un enfant est sans reproche. Un enfant est un enfant.
Pas en Israël.
En Israël, la race fait la différence sur les routes, la race fait la différence au point de vue de la loi pénale, la race fait la différence vis-à-vis du droit à vivre, et elle fait même la différence pour le terme d'enfant.
La plupart des violations ne sont pas perpétrées par des psychopathes au code moral déficient – c'est tout à fait le contraire. Mais alors leurs violations sont nommées différemment, "blanchies". C'est ainsi que les pères qui abusent de leurs filles appellent ça amour, et la violence contre les enfants est appelée éducation, la démolition de maison est appelée "dénudage" de la terre et une exécution extrajudiciaire est appelée meurtre préventif ciblé.
Si les auteurs devaient nommer leurs crimes par les mots justes, ils ne pourraient pas les commettre. Pour pouvoir le faire, ils les renomment.
Après que l'armée israélienne ait envahi Jenine en 2002, certains ont qualifié le carnage de "massacre". La plupart des Israéliens juifs étaient horrifiés par le terme de "massacre" et quiconque l'utilisait était diffamé et ostracisé. La société était secouée, non pas par la question de savoir si "nous" avions vraiment fait ça, mais comment pouvait-on dire une chose pareille sur "nous" ? C'est ça qui est étonnant. Que les choses, dans le monde réel, ne soient pas nécessairement des entités aux valeurs permanentes, pas le fait – mais l'appellation le renvoie à ce que c'est dans l'œil des auteurs et de leur société. Se sentir justifiés est un besoin plus profond que d'être juste, et donc on n'a pas forcément besoin d'être juste, il suffit de changer ce qui est considéré comme bon, et mauvais. Simplement changer de vocabulaire.
Utiliser un vocabulaire par lequel une terre pleine d'Arabes est qualifiée de vide. Et les êtres humains qui résistent aux occupants de leur terre sont des "terroristes". Un vocabulaire par lequel le Juif et sa victime sont synonymes, toujours. Par lequel les violations commises aux checkpoints et les routes pour Israéliens seulement et le bombardement d'une ville depuis le ciel et la démolition des maisons avec leurs habitants à l'intérieur et leur tirer dessus lorsqu'ils tentent de s'échapper – signifient guerre contre la terreur.
Et que l'armée israélienne est la plus morale du monde, si on ne tient pas compte de sa pratique. Et que la terreur est seulement quelque chose que les autres font. Ainsi va le vocabulaire local.
Mais dans le cas des enfants, les manipulations verbales surpassent les habituelles distorsions de langage. Les enfants palestiniens ne sont apparemment pas des enfants. Dans les réglementations des tirs comme dans celles du système judiciaire.
Tous les soldats savent qu'on ne doit pas tuer d'enfants. Parce qu'Israël proclame qu'il est un Etat qui se revendique des valeurs universelles. Alors, comment tuer des enfants sans tuer d'enfants ? Comment peut-on prendre la vie "quand il faut" sans faire couler le sang ? Sans franchir les limites acceptées ? C'est très simple. Par exemple, dans les réglementations des tirs (qui ne sont plus remises aux soldats par écrit, mais seulement oralement), un individu de plus de 12 ans n'est pas un enfant.
Un enfant n'est pas un enfant.
Pareil pour le système judiciaire militaire, où le terme "enfant" est différent lorsqu'il s'agit d'un Palestinien. Un enfant palestinien – pour ce qui est de l'âge – est différent d'un enfant juif, et en conséquence, ses droits inhérents en tant qu'enfant sont différents.
Les prisons sont pleines d'enfants, puisqu'ils ne sont pas qualifiés d'enfants, et les cimetières sont pleins d'enfants qui ne sont pas des enfants. Et ainsi, avec une facilité stupéfiante et suffisante, les enfants palestiniens sont assassinés et tués comme des signes de ponctuation, sans un battement de cils, sans aucune réflexion morale, sans aucun complexe.
Le fait que les soldats tirent si facilement sur les enfants parce qu'un enfant palestinien n'est pas un enfant, selon les instructions qu'ils ont reçues, ou parce que c'est l'ouverture de la chasse aux Palestiniens et que le prix de leur vie n'est rien de plus que le bruit léger de l'aile d'un bombardier, ne change pas le fait que c'est ce qui se passe. Prendre les vies d' Omar Matar, 14 ans, de Yassar Kusbah, 10 ans et d' Ahmad Abu Latifa, 13 ans, et de toutes les centaines d'autres était facile, volontaire et légal.
Parce que les soldats, chère patronne du magasin, tirent sur les enfants. Ils lèvent leurs fusils et visent et tirent. Appelle ça comme tu voudras. Appelle un adolescent de 14 ans un militant âgé, ou un terroriste, ou bien dis que c'était "accidentel", et qu'ils l'ont bien cherché. Mais c'est un fait.
Selon des instructions et des normes, avec facilité et avec une vigueur juvénile, les soldats tirent sur les enfants, intentionnellement ou non, parce que c'est ça qu'on les a envoyé faire, parce que c'est ça qui est permis. Parce que les vies des Palestiniens ne valent rien, et parce que les enfants palestiniens sont "seulement" palestiniens.
Source : Palestine Monitor
Traduction : MR pour ISM
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