Gaza - 10 février 2008

Levez le Siège de Gaza !

Par Mahmoud El-Yousseph

Supposons un instant que c’est Israël et non la Bande de Gaza qui est assiégé par ses voisins arabes. Les Arabes empêchent toute livraison aux Israéliens de nourriture, de médicaments et de carburant pour les affamer. La raison invoquée : le refus d'Israël d'accepter l'Initiative de Paix arabe (la terre contre la paix).

Supposons un instant que c’est Israël et non la Bande de Gaza qui est assiégé par ses voisins arabes. Les Arabes empêchent toute livraison aux Israéliens de nourriture, de médicaments et de carburant pour les affamer.
La raison invoquée : le refus d'Israël d'accepter l'Initiative de Paix arabe (la terre contre la paix).

Que feraient l'Amérique et le reste du monde? Vous pouvez parier que le ciel s’écroulerait et que l'Amérique mènerait un enfer.

D’abord, le président Bush mettrait en alerte toutes nos forces armées dans le monde, enverrait des porte-avions dans la région, et donnerait un ultimatum de 24 heures pour la levée du siège. Les députés américains se battraient pour prendre le micro et condamner l'action en tant que crime de guerre contre l'humanité.

Cela ferait la Une de tous les grands médias, avec des éditoriaux qualifiant les Arabes de sauvages sanguinaires qui n'ont aucun respect envers la vie humaine et lançant des appels à sauver Israël avant qu'il ne soit trop tard.

Les télévisions interrompraient régulièrement leurs programmes pour diffuser des actualités constantes et des analyses. Le sujet serait sur chaque radio avec des appels à "Envoyer les Marines" et à commencer un "pont aérien vers Tel-Aviv."

La crise pourrait dominer le débat à la présidence, et tous les candidats seraient tentés de surpasser les autres ainsi que ceux qui se soucient le plus d’Israël. Et oui, on demanderait aux communautés arabo-musulmanes si elles tolèrent ou condamnent le siège.

C'est un scénario hypothétique - la vérité est que le siège est réellement en place depuis juin 2007, et que les victimes ne sont pas des Israéliens, mais 1,5 million de Palestiniens vivant à Gaza (plus de la moitié de la population a moins de 18 ans).

Les raisons invoquées par Israël pour le siège : le gouvernement Hamas ne reconnaît pas l'occupation israélienne comme étant légitime et il tire des roquettes artisanales de l’autre côté de la frontière.

Cependant, «S elon le groupe israélien des droits de l'homme B'Tselem, entre le 1er septembre 2005 et le 25 juillet 2007, 668 Palestiniens ont été tués dans la Bande de Gaza par les forces de sécurité israéliennes. Plus de la moitié n’étaient pas des combattants et 126 étaient des Enfants.

Durant la même période, des roquettes Qassam et des obus de mortier ont tué huit Israéliens, dont la moitié était des civils.

Alors, pourquoi n’y-a-t’il pas de scandale, malgré le fait que des fonctionnaires de l'ONU et des groupes israéliens des droits de l'homme dénoncent le siège et le qualifient de punition collective et de crime de guerre contre l'humanité?

En imposant un blocus étrangleur, Israël inflige des blessures, un confinement injuste, une intimidation, et une punition à l’ensemble de la population civile. Il s'agit d'une punition collective qui cause la mort, des dégâts physiques, la douleur et la souffrance mentale.

Il ne s'agit pas d'auto-défense. Si c'est en réponse aux roquettes Qassam tirées sur la colonie de Sedrot, alors comment Israël peut-il expliquer ses incursions quotidiennes dans les villes et villages de Cisjordanie , où il n'y a pas de présence du Hamas ou d’où aucune roquette n’est tirée de l’autre côté de la frontière?

L'ONU déclare qu'Israël refuse l’entrée des médicaments et des équipements hospitaliers dans Gaza, et qu’il n’accorde qu’à 1 malade sur 7 l'accès à un traitement d'urgence à l’extérieur de la bande de Gaza.

Suite à la cruauté d'Israël, plus de 90 malades palestiniens non soignés ont perdu la vie.

Refuser de la nourriture et des médicaments à des personnes malades et à des mourants est un crime, et non de l’auto-défense. Le siège de Gaza ne porte pas atteinte aux combattants ou au gouvernement du Hamas. Il ne nuit qu’aux civils, dont la moitié sont des enfants.

Prétendre qu’Israël n'a pas d'autre choix est absurde. Israël a le choix.

Son choix est de faire la distinction entre les combattants et la population civile, et entre les objectifs militaires et infrastructures civiles, pendant le conflit. Israël a également l'obligation morale et légale en vertu du droit international de s’assurer que la nourriture, les médicaments et autres produits de base parviennent aux civils sous occupation en temps de guerre.

Par son siège étrangleur, Israël a transformé Gaza en la plus grande prison au monde. Les Palestiniens sont comme des animaux enfermés dans des cages.

J'ai vu des images de mères palestiniennes avec une angoisse silencieuse dans les yeux incapables de trouver de la nourriture pour leurs enfants.

Les hôpitaux sont obligés d'opérer à la chandelle, et les enfants nés prématurément sont en train de mourir dans les incubateurs.

Malgré tout cela, Gaza ne lèvera pas le drapeau blanc, elle ne baissera pas la tête et ne s’agenouillera pas. Elle continuera à lutter pour la liberté et l'indépendance de l'occupation militaire brutale comme l'Amérique l’a fait en 1776.

La défense impitoyable de la cruauté d'Israël par le gouvernement américain est ce qui perturbe le dispositif. Notre gouvernement donne à Israël 3,2 milliards de dollars d'impôts (dont le mien) chaque année. J’ai l’impression d’aider à tuer les Palestiniens.

Mon représentant et les états-majors de deux sénateurs dans notre capitale avec qui j'ai parlé de la crise dans la bande de Gaza ont montré une absence totale d'intérêt et ne pouvaient cacher leur partialité.

Seulement deux jours après que les Palestiniens aient fait tomber le mur-frontière avec l’Égypte, le Congrès américain a suspendu son aide de 100 millions de dollars à l'Egypte à titre de représailles pour ne pas avoir contrôlé la frontière.
12 jours plus tard, le président égyptien était forcé de se conformer à la demande d'Israël et des États-Unis. Les frontières sont à nouveau fermées.

Il fait maintenant noir et froid dans la bande de Gaza. Les gens sont sans électricité, sans chauffage, sans nourriture et sans médicaments. La plupart des gens vont se coucher le ventre creux. Les parents prient pour une intervention divine.

Une brave organisation juive américaine, Jewish Voice for Peace, a fait preuve de courage et d'intégrité, en condamnant le siège et en le qualifiant de crime horrible.

Ayant lu la Torah qui enseigne que «le monde est basé sur trois choses : la justice, la vérité et la paix", je me demande pourquoi les principales organisations juives continuent à se taire au sujet du siège?

Je dois féliciter les onze politiciens américains avec à leur tête la députée Barbara Lee (D-CA) et le député Dennis Kucinich (D-OH) qui n’ont pas eu peur de prendre position au sujet du siège israélien, en adressant une lettre à la secrétaire Rice pour demander à notre gouvernement de faire usage de son influence sur Israël pour lever le siège illégal imposé à Gaza afin d’éviter une crise humanitaire.

Enfin, nous disons que nous sommes bénis de vivre en Amérique, que le reste du monde envie pour sa liberté, sa démocratie et sa primauté du droit. Nous voudrions que d'autres pays vivent et appliquent ces mêmes principes.

En décembre dernier, le Président Bush a ordonné au président pakistanais "d’enlever son uniforme militaire." Alors, pour l'amour de Dieu, pourquoi ne pas dire à Israël : "Levez le siège de Gaza!"

Source : http://mrzine.monthlyreview.org/

Traduction : MG pour ISM