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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Pêcheur à Rafah

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Afin de mettre en lumière l’impact du siège de la bande de Gaza sur la population, le P.C.H.R a décidé de publier une série de petits articles basés sur des témoignages individuels faisant état des pratiques quotidiennes de survie dans la Bande de Gaza. Le P.C.H.R espère que ces témoignages contribueront à mettre en évidence les restrictions et les violations imposées à la population. Celui-ci est daté du 4 février 2008

« Je suis pêcheur depuis 36 ans et j’ai commencé le métier à l’âge de 15 ans. Je suis natif de Al Jura, à 2 kms au sud de Ashkelon, localité réputée pour ses pêcheurs. Quand mon père a été chassé en 1948, il est venu ici avec son bateau »

Pêcheur à Rafah


Jamal Mohammed Bassalla est le porte-parole du Syndicat des pêcheurs de Rafah. Ce syndicat compte environ 450 pêcheurs locaux et son siège est sur la plage juste à la sortie de Rafah. Cependant ce matin, Jamal et son équipage sont assis sous une bâche en train de boire le thé autour d’un brasero. Aujourd’hui la mer est traîtresse et il est préférable d’attendre que le temps s’améliore.

« Il faut deux ou trois heures pour préparer les bateaux à prendre la mer, mais tous les jours on est en stand by, dit Jamal, on vérifie les filets, le niveau de gasoil, la charge des batteries, les vivres, le GPS.. en un mot tout ce qui est nécessaire pour aller pêcher. Et dès que le temps s’améliore, on est prêts à appareiller ».

En été, Jamal a 18 hommes d’équipage et ils restent en pêche pendant 24 heures d’affilée. Mais, en hiver, ils ne sont que 6 ou 7. Ils travaillent ensemble depuis des années et se comprennent au moindre signe. Ils sont 3.500 pêcheurs professionnels répartis le long des 40 kilomètres de côte que compte la bande de gaza. A eux tous, ils soutiennent économiquement quelques 40.000 personnes entre les mécaniciens, les mareyeurs et les milliers de familles vivant de la pêche locale.

Mais cette activité a été décimée, en particulier depuis ces 5 dernières années, à cause des restrictions sans cesse croissantes de l’occupant imposées comme une punition collective –notamment la distance à laquelle les pêcheurs peuvent s’éloigner du rivage sans être l’objet d’arraisonnements et ou bombardements.

Les accords intérimaires pour Gaza et la Cisjordanie , signés entre Israël et l’O.L.P. et 1944-5 ne s’étaient déjà pas conformés aux standards internationaux relatifs notamment au “droit de pêche” dans ses eaux territoriales. Toutefois ces accords stipulent que les pêcheurs de la bande de Gaza peuvent s’éloigner à 20 miles nautiques du rivage (environ 37 kilomètres). Mais aujourd’hui, Jamal et ses collègues font savoir qu’ils ne peuvent plus pêcher au delà de 2.500 mètres du rivage sans risquer de prendre des projectiles : « Si nous allons plus loin en mer les Israéliens peuvent nous tirer dessus, détruire nos filets et nos bateaux ou nous obliger à regagner le rivage. Nous souffrons de ces mesures restrictives depuis 2003 et depuis peu ils utilisent des roquettes et des hélicoptères contre nous. »

Le syndicat des pêcheurs de Rafah dit que les garde-côtes israéliens équipés de lance-missiles patrouillent 24h sur 24, 7 jours sur 7, et que les pêcheurs n’ont aucune chance de s’éloigner du rivage sans être pris pour cibles.

Israël proclame que ces restrictions en matière de pêche font parties de la stratégie militaire globale pour combattre la contrebande d’armes et les attentats suicides. Mais Khalil Shahin, directeur de l’Unité des Droits Sociaux et Economiques au PCHR, fait ressortir qu’Israël n’a jamais honoré les accords intérimaires.

« Israël n’a jamais autorisé les pêcheurs à aller jusqu’à 20.000 miles nautiques, le plus loin qu’ils aient été autorisés a été 12.000, c’était au cours des années 90 quand les pêcheurs ramenaient quelques 3.000 tonnes de poissons par an. Mais la production a plongé depuis 2002 à cause de ces restrictions toujours croissantes. Aujourd’hui les pêcheurs ne ramènent plus jamais plus de 500 tonnes par an, c’est la conséquence inévitable de la violation permanente par Israël des accords intérimaires. »

Non seulement bateaux, filets, et autres matériels de pêche sont endommagés ou détruits, mais encore 70 pêcheurs ont été arrêtés l’année dernière. Jamal Bassalla et ses collègues sont en colère et se considèrent frustrés de ne plus pouvoir gagner honorablement leur vie sans risquer leur vie. Un autre syndicaliste, Abdoullah, déclare qu’il prend à chaque fois des risques : «Je mène mon bateau à 4 ou 5kms du rivage mais que puis-je dans ces hauts fonds ? Quelquefois je m’en sors, mais la plupart du temps, alors que nous sommes en pêche, ils se mettent à nous tirer dessus et nous obligent à rejoindre le rivage, du coup on est obligé d’abandonner toute la pêche. »

Les pêcheurs de Rafah insistent sur le fait que toutes ces restrictions ont affecté le type de poisson devenu habitué aux eaux peu profondes, comme la sardine. Ils ont eu recours à des filets dont les mailles étaient plus petites afin d’attraper des poissons plus jeunes et plus petits. Et Djamal s’en défend, disant qu’il n’avait pas le choix face au blocus israélien. Et pourtant les pêcheurs ont été sérieusement critiqués pour ce genre de pêche qui a épuisé les stocks marins. Ironie du sort : le nombre de pêcheurs a augmenté depuis le milieu des années 90 et cela parce que des milliers d’hommes qui travaillaient auparavant en Israël se sont reconvertis pour survivre.

Le plus grande ressource naturelle de Gaza, c’est la mer, et pourtant, pour tous ces hommes du syndicat des pêcheurs de Rafah, la solution à leurs problèmes est d’une simplicité radicale : ils n’accepteront rien moins que leurs droits tels qu’ils sont définis dans les accords intérimaires.

« Nous avons besoin de la mer, dit Djamal. Je suis un pêcheur instruit et compétent, j’ai une licence de géographie, mais si je suis revenu à la pêche, c’est parce que j’aime la mer, j’ai 2 frères et 6 fils. Ils sont tous pêcheurs, nous avons nos bateaux et nos filets, nous sommes prêts à tout instant à retourner pêcher. »

Source : PCHR

Traduction : Jacques Salles

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