Envoyer cet article
Gaza - 13 janvier 2004
Par Laila al-Haddad
A Gaza, dans les rues principales et aux carrefours animés, on peut voir de larges affiches savamment illustrées ornées du logo de l´UNICEF.
Elles montrent les photos de bombes et de mines israéliennes et portent un message qui saute aux yeux : "Les mines terrestres et les objets suspects sont un danger qui nous menace tous !! Ne vous en approchez pas !"
Alors que les mines terrestres évoquent habituellement des endroits comme l´Angola récemment déchiré par la guerre ou l´Afghanistan, la question devient d´une importance grandissante dans les territoires occupés palestiniens.
Selon les responsables de l´UNICEF, la Cisjordanie et la bande de Gaza occupées sont truffées de mines terrestres datant de l´invasion de 1967.
La plupart des champs de mines déclarés s´étendent le long de la frontière qui sépare la Cisjordanie de la Jordanie ainsi que dans la vallée du Jourdain, des zones considérées par Israël comme des lignes de défense stratégiques.
Aucun champ de mines n´a été officiellement déclaré dans la bande de Gaza mais Ayed Abu Qtaish, chargé de la coordination du programme de sensibilisation aux mines de la section palestinienne de l´association Defence for Children International (DCI), ne doute pas un seul instant que cette bande de terre surpeuplée en est pleine. "S´il y a des champs de mines sur la frontière entre la Jordanie et la Cisjordanie par mesure de défense, alors il doit y en avoir logiquement entre l´Egypte et la bande de Gaza et dans la bande de Gaza."
Un danger grandissant
Les mines terrestres n´ont été perçues comme une menace sérieuse que récemment en Cisjordanie et à Gaza, quand le personnel médical et humanitaire a commencé à remarquer une soudaine recrudescence des accidents parfois mortels causés par des mines et des pièces d´artillerie non explosées.
Vingt-trois enfants au moins ont été tués par des mines terrestres ou des engins non explosés placés par les militaires israéliens dans les territoires occupés palestiniens depuis le début de l´Intifada en septembre 2000.
En 2002, Defence for Children International (DCI) a répertorié 57 accidents causés par des mines terrestres et des engins non explosés, dont treize mortels, parmi lesquels onze enfants. Trente et un de ces accidents se sont déroulés pendant et après les opérations militaires israéliennes dans le camp de réfugiés de Jénine en avril 2002.
Une estimation de l´UNICEF a conclu que les zones géographiques les plus touchées n´étaient pas correctement indiquées ou pas indiquées du tout. Elles incluent des terrains d´entraînement militaire israéliens situés pour la plupart près de zones urbaines peuplées.
Cependant, selon Monica Awad, porte-parole de l´UNICEF, le problème s´étend au-delà de ces zones militaires et des sites déclarés. "(Cela) touche des endroits de confrontation entre les Palestiniens et les soldats israéliens, où beaucoup d´objets explosifs sont abandonnés. Des endroits de confrontation comme Jénine sont jonchés de pièces d´artillerie non explosées et d´engins explosifs improvisés israéliens et palestiniens."
En mars 2002, une femme palestinienne et quatre enfants sont morts dans une explosion près du camp de réfugiés d´al-Buraij à Gaza. La charrette tirée par un âne sur laquelle ils étaient installés a sauté sur une mine laissée là par les forces d´occupation israéliennes lors de leur retrait.
En Cisjordanie , les Palestiniens vivant aux abords des points de contrôle de Dair Abu Dayyaf et de Zurdah à al-Birah ont découvert plusieurs mines. Des centaines de Palestiniens transitent chaque jour par ces deux points de passage.
Des victimes innocentes
Les enfants sont les plus touchés par les mines terrestres et les pièces d´artillerie non explosées. Souvent ils ne sont pas conscients des dangers qu´elles recèlent et ils sont tués lorsqu´ils s´en approchent ou jouent avec. Selon Defence for Children International (DCI), les objets suspects sont souvent des obus non explosés et des bombes larguées par les forces israéliennes.
Au début de l´année dernière dans la bande de Gaza, cinq enfants palestiniens ont été tués en marchant sur une mine terrestre piégée. Ils allaient à l´école dans le camp de réfugiés de Khan Yunis. Les responsables israéliens ont déclaré que les objets piégés étaient destinés à empêcher les Palestiniens de s´infiltrer dans une colonie israélienne avoisinante.
"Le problème va en s´aggravant. A présent les mines sont non seulement présentes dans les zones militaires mais également dans toutes les localités palestiniennes. Jamais nous n´aurions imaginé qu´il y avait des munitions non explosées à Ramallah", dit Abu Qtaish, faisant référence à un accident survenu près de l´école Bir al-Jadida à Ramallah, au cours duquel trois enfants furent tués et cinq autres blessés en marchant sur un obus non explosé.
Les mines terrestres interdites
L´utilisation de mines terrestres comme arme a été globalement abandonnée car elles tuent sans discrimination. Selon le Comité International d´Interdiction des Mines, "les mines antipersonnel ne peuvent faire de distinction entre les pas d´un soldat et ceux d´un enfant. Elles ne tiennent pas compte des cessez-le-feu et longtemps après l´arrêt des combats, elles continuent d´estropier ou de tuer"
Chaque année depuis 1996 Israël s´abstient de voter la résolution de l´Assemblée Générale des Nations Unies pour l´interdiction des mines et n´a pas ratifié le traité d´interdiction des mines, qui abolit l´utilisation des mines antipersonnel mais également des objets piégés explosifs et d´autres engins explosifs improvisés qui tuent lorsqu´on les touche.
Au ministère des Affaires étrangères, des responsables affirment que l´Etat n´est pas en mesure de séparer la politique menée sur la question des mines terrestres des considérations de sécurité régionales annexes.
Cependant, beaucoup, comme Abu Qtaish, ne sont pas convaincus. "Les mines terrestres qu´ils ont posées n´ont absolument aucune nécessité militaire ou sécuritaire. C´est pour des raisons de sûreté et non de sécurité qu´ils les laissent là. La plupart sont vieilles et les enlever est dangereux", dit-il.
Obstacles
Trois méthodes différentes sont communément employées pour traiter le problème des mines terrestres dans le monde : déminage, secours médical, sensibilisation aux risques. Habituellement, l´association de ces trois méthodes est utilisée pour combattre le problème.
Cependant, en Palestine, la situation politique ne permet l´utilisation que d´une seule méthode. "Le meilleur choix pour nous en Palestine, c´est la sensibilisation, à cause des restrictions israéliennes sur le déminage", dit Abu Qtaish.
Une initiative canadienne de déminage du village de Husan près de Bethlehem a par exemple été interrompue à cause d´un embargo israélien sur l´importation du matériel de nettoyage des mines et des restrictions sur les méthodes de déminage.
En février 2003, Israël s´est exprimé pour la première fois sur son effort de destruction des stocks, affirmant que douze tonnes de mines avaient été détruites par l´armée en 2002.
Selon Abu Qtaish ce n´est cependant pas suffisant. "En pratique, il n´y a pas eu de déminage. Il y a une grande différence entre déminer des champs pour des motifs d´ordre militaire et les déminer pour des motifs humanitaires. Dans le dernier cas, le nombre de mines doit être nul", dit-il.
Selon lui, l´armée israélienne a déclaré le village de Husan en Cisjordanie zone sans mines au début de l´année dernière. A la suite de cette annonce, trois habitants du village sont morts, tués dans l´explosion d´une mine, ce qui a poussé DCI et d´autres à poursuivre l´effort de déminage.
Campagne de sensibilisation
Août 2002 a vu la création d´un Comité National d´Action contre les Mines composé de l´UNICEF, de l´UNRWA, de la Société du Croissant Rouge Palestinien, de Defence for Children International (section Palestine) et des ministères palestiniens de l´Education, de la Jeunesse et des Sports, de l´Intérieur et de la Santé.
En l´absence d´autres alternatives, telles que discuter avec les forces israéliennes du déminage des zones habitées par des civils, les organisations font ce qu´elles peuvent pour que le problème n´échappe pas à tout contrôle.
Leur action principale est d´instruire la population des risques que présentent les mines. Les enfants sont particulièrement ciblés.
Jusqu´à présent, selon l´UNICEF, l´initiative a été couronnée de succès. Les enfants réagissent bien et commencent à comprendre les dangers que comportent les jeux avec les mines ou les objets non explosés.
"Nous avons été à même d´atteindre au moins un million d´enfants palestiniens à l´aide de messages clés sur la prévention des objets non explosés et des mines terrestres", dit Awad.
"Nous devons trouver des alternatives pour les gamins", ajoute Mahmud al-Kurdi de la Société du Croissant Rouge Palestinien à Gaza. "En ce moment même ils jouent dans les rues, voient un objet intéressant avec lequel jouer, le prennent ou le touchent, jettent des pierres dessus et ça explose."
«Il ne s´agit pas seulement de mettre des affiches dans les rues.»
Source : http://la.indymedia.org/
Traduction : Ibtissem Almi
Afin d'assurer sa mission d'information, ISM-France fait appel à votre soutien.
L'ISM a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient. Les auteurs du site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui leur seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'ISM ne saurait être tenu responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont il n'a pas la gestion, l'ISM n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
9 novembre 2021
Le fait d'être désigné comme "terroristes" par Israël illustre le bon travail des ONG en Palestine9 novembre 2021
L’Art de la guerre - Les nouvelles armes financières de l’Occident5 novembre 2021
Israa Jaabis : De victime à criminelle, du jour au lendemain3 novembre 2021
La normalisation est le dernier projet pour éradiquer la cause palestinienne1 novembre 2021
Kafr Qasem reste une plaie béante tandis que les Palestiniens continuent de résister à l'occupation30 octobre 2021
Voler et tuer en toute impunité ne suffit plus, il faut aussi le silence14 octobre 2021
Tsunami géopolitique à venir : fin de la colonie d’apartheid nommée ’’Israël’’12 octobre 2021
La présentation high-tech d'Israël à l'exposition de Dubaï cache la brutalité de l'occupation9 octobre 2021
Pourquoi le discours d'Abbas fait pâle figure en comparaison du fusil d'Arafat à l'ONU6 octobre 2021
Comment la propagande israélienne s'insinue dans votre divertissement quotidien sur Netflix : La déshumanisation et la désinformation de FaudaGaza
Enfants
Laila al-Haddad
13 janvier 2004