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ONU - 7 octobre 2009
Par Gilles Devers
Au milieu du fracas politique, la défense des droits des victimes palestiniennes progresse. Je reconnais les plus grands mérites à la politique, mais chacun sait que face au crime la justice est plus apte à répondre que la politique. Ce n’est pas la première fois que la justice est freinée par la politique, avant de rejaillir et de s’imposer.
En ce mois d’octobre 2009, rien n’est fait. De nombreux obstacles sont là mais nous pouvons dire que jamais nous ne sommes allés si loin dans la défense des droits des palestiniens.
La procédure devant la Cour Pénale Internationale repose sur deux actes :
Ø La déclaration du Ministre de la justice de Palestine du 21 janvier 2009 donnant compétence à la Cour pour enquêter sur les crimes commis à Gaza
Ø La plainte des 350 ONG du 22 janvier 2009 demandant au Procureur d’ouvrir une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Cette procédure posait la question de la structure étatique de la Palestine. Nous savons que la structure est inachevée, et c’est l’objet même des négociations que d’obtenir ce statut complet. Mais dans le cadre de la justice pénale, l’analyse est totalement différente. Ce que la Palestine demande en justice c’est ce que son agresseur lui usurpe, à savoir les attributs de la souveraineté qui lui permettent de commettre des crimes et d’organiser son impunité. Contester à la Palestine la recevabilité, serait donner un permis à l’agresseur de poursuivre.
Comme l’a dit lui-même le Procureur près de la Cour Pénale Internationale, ce n’est pas parce que la structure juridique est incomplète que le peuple palestinien, qui n’est revendiqué par aucun autre Etat, peut être privé de la protection de la Cour.
Après les travaux de nombreux avocats, de juristes et d’ONG, deux rapports de dimension internationale, rédigés par des équipes de juristes renommés, renforcent cette analyse. Il s’agit du rapport No Safe Place rédigé au nom de la Ligue arabe sous la signature de John Dugard, professeur de droit, ancien rapporteur de l’ONU sur la Palestine. Il conclut à la réalité des crimes, à la nécessité d’une enquête et à la compétence de la Cour Pénale Internationale.
Il s’agit ensuite du rapport de Richard Goldstone, ancien Procureur près du Tribunal Pénal pour l’ex-Yougoslavie, désigné pour une enquête de recherche des faits par le Conseil des Droits de l’Homme.
Son rapport déposé le 15 septembre 2009 confirme la réalité des faits connus depuis l’origine, notamment à travers le Centre palestinien des Droits de l’Homme, légitime les actions entreprises et la plainte déposée par la Palestine le 21 janvier 2009 ; elle encourage instamment le Procureur à ouvrir l’enquête compte tenu de tous les éléments qui sont réunis.
L’ISESCO s’est prononcé publiquement ce 3 octobre 2009 et porte plainte à propos de la destruction systématique des biens culturels et cultuels.
Alors où en sommes-nous ?
Dans la mesure où aucun Etat n’a porté plainte et que le Conseil de sécurité ne le fera jamais, le Procureur ne peut pas ouvrir l’enquête lui-même. Il doit saisir la chambre préliminaire et c’est cette chambre qui dira s’il existe une base raisonnable aux poursuites. Mais ce n’est pas à elle de statuer sur la recevabilité et la compétence. Ces questions sont traitées beaucoup plus tard et relèvent des attributions de la Cour (Article 15.4 du statut).
La procédure a également avancé sur l’autre moyen à savoir la double nationalité de responsables militaires israéliens.
La Cour peut enquêter à partir de la nationalité, lorsque les auteurs relèvent d’un Etat ayant ratifié le Traité de la Cour Pénale Internationale. Nombre de responsables militaires et politiques israéliens ont une double nationalité, dont l’une peut relever d’un Etat ayant signé le Traité. Un dossier est très avancé concernant un responsable militaire israélien et sud-africain, et c’est vraisemblablement le premier d’une longue liste.
C’est dans ce contexte, qui établit l’avancée objective de la procédure, qu’intervient le report du vote devant le Conseil des Droits de l’Homme. Le Conseil des Droits de l’Homme ayant désigné le rapport Goldstone, il était normal qu’un débat ait lieu. Il aurait été très souhaitable que ce débat soit l’occasion de marquer un consensus autour de la volonté de renforcer la justice internationale. La décision prise est inverse, chacun en analysera les causes. Mais il faut souligner que ce débat devant le Conseil des Droits de l’Homme est déconnecté des besoins de la procédure devant la Cour Pénale Internationale. Le Conseil des Droits de l’Homme n’a pas de place dans la procédure. La Cour est une juridiction indépendante qui repose sur l’adhésion de 110 Etats, et aucun d’eux n’a jamais dénoncé la plainte déposée par la Palestine en janvier 2009.
La procédure continuera, en s’appuyant sur le rapport Goldstone et sans être freiné en rien par les délibérations du Conseil des Droits de l’Homme.
On en évoque déjà le Conseil de Sécurité. A supposer que la question soit mise à l’ordre du jour, on sait qu’il y aura le veto américain. Quel en est l’intérêt politique ? Ce n’est pas mon sujet. En revanche, il ne faudrait pas accréditer qu’un échec devant le Conseil de sécurité, serait un nouvel échec pour les victimes palestiniennes, qui n’attendent rien de cette structure et tout de la Cour Pénale Internationale. La procédure doit se poursuivre sur la base de la déclaration du 21 janvier, sans tutelle de qui que ce soit.
La politique peut aider ou nuire, mais elle ne peut pas changer les bases juridiques de l’action qui se développera pour reconnaissance des droits des victimes.
Gilles Devers, porte parole du collectif d’avocats aux ONG.
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Gilles Devers
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