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ISM France - Archives 2001-2021

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Hébron -

Notre règne de la terreur, par l’armée israélienne

Par

Le jeune homme brun de 22 ans en T-shirt noir, jeans bleu et chaussures Crocs rouges est, ce qui se comprend parfaitement, hésitant alors qu’il s'assoit à une table de pique-nique dan un cadre incongru d'un joli site quelque part en Israël. Nous connaissons son nom et si on l’utilisait, il ferait l'objet d'une enquête criminelle et probablement d’une peine de prison.

Notre règne de la terreur, par l’armée israélienne


Photo : Nayef Hashlamoun/Reuters/Corbis : Un jeune Palestinien d'Hébron est arrêté par l'armée israélienne en 2005

Les oiseaux chantent alors qu’il décrit en détail une partie de ce qu'il a fait et ce que d'autres ont fait lorsqu’il servait comme soldat à Hébron.

Et ce sont certainement des actes criminels : des incidents au cours desquels les véhicules palestiniens sont arrêtés sans raison, les vitres sont cassées et les occupants sont passés à tabac pour avoir répondu : par exemple, pour avoir dit qu’ils se rendaient à l'hôpital, le vol de tabac chez un commerçant palestinien qui est ensuite «réduit en bouillie» quand il se plaint, le lancement de grenades par les fenêtres des mosquées quand les gens prient. Et pire.

Le jeune homme a quitté l'armée à la fin de l'année dernière, et sa décision de parler s'inscrit dans le cadre d'un effort concerté visant à exposer le prix moral payé par les jeunes conscrits israéliens dans ce qui est probablement le plus problématique détachement qui existe dans les territoires occupés.

Notamment parce que Hébron est la seule ville palestinienne dont le centre est directement contrôlé par l’armée, notamment pour protéger les colons juifs qui y vivent.

Il déclare avec fermeté qu'il regrette maintenant ce qui s’est passé à maintes reprises pendant qu’il faisait son service.

Mais ses fréquents sourires et rires nerveux montrent seulement un soupçon de bravade, qu’il aurait peut-être affiché s’il était en train de se vanter de ses exploits à ses potes dans un bar. À maintes reprises, il se tourne vers l’ancien soldat le plus âgé qui l’a persuadé de nous parler et il dit comme s’il cherchait à se rassurer: «Vous savez comment cela se passe à Hébron."

L’ex-soldat plus âgé est Yehuda Shaul, qui effectivement «sait comment ça se passe à Hébron», après avoir servi dans la ville dans une unité de combat au plus fort de l'intifada, et il est l’un des fondateurs de Shovrim Shtika ou Briser le Silence, qui publiera demain les témoignages troublants de 39 Israéliens - dont celui de ce jeune homme - qui ont servi dans l'armée à Hébron entre 2005 et 2007.

Ils abordent un large éventail d'expériences, de la colère et de l'impuissance face aux mauvais traitements souvent violents des Arabes par les colons juifs extrémistes, en passant par des harcèlements mineurs de la part des soldats, aux soldats qui passent à tabac les habitants palestiniens sans avoir été provoqués, pillent des maisons et des magasins et ouvrent le feu sur des manifestants désarmés.

Le fait de maltraiter des civils sous occupation est commun à de nombreuses armées dans le monde - y compris à l’armée britannique que ce soit en Irlande du Nord ou en Irak

Mais, paradoxalement, peu ou pas de pays, à l'exception d'Israël ont une ONG comme Briser le Silence, qui cherche - à travers les expériences des soldats eux-mêmes - comme le dit son site internet "à forcer la société israélienne à faire face à la réalité qu’elle a créé" dans les Territoires occupés.

L'opinion publique israélienne a eu un aperçu peu flatteur de la vie militaire à Hébron cette année, quand un jeune lieutenant de la Brigade Kfir, Yaakov Gigi, a été condamné à 15 mois de prison avec sursis pour avoir emmené avec lui cinq soldats s'emparer d'un taxi palestinien, effectuer ce que les médias israéliens ont qualifié de "déchaînement de violence" dans lequel l'un des soldats a blessé par balle un civil palestinien qui se trouvait seulement au mauvais endroit, et a ensuite tenté de s’en sortir en mentant.

Dans une interview accordé à l’émission d’enquête Uvda de la chaine israélienne Channel 2, Gigi, qui avait précédemment été à bien des égards un modèle de soldat, a parlé d’une "perte la condition humaine", à Hébron. Interrogé sur ce qu'il voulait dire, il a répondu : "Perdre la condition humaine, c’est devenir un animal."

L'armée israélienne n'a pas poursuivi le soldat qui a tiré sur le Palestinien mais seulement Gigi. Pourtant l'armée insiste : "Les événements qui se sont produits au sein de la Brigade Kfir sont très inhabituels».

Mais, comme le confirme dans son témoignage à Briser le Silence, le soldat de 22 ans, également dans la Brigade Kfir, il semble que l'événement pourrait ne pas être exceptionnel. Dans son interview, il dit qu’il s’est retrouvé «plusieurs fois» dans ses groupes qui réquisitionnaient des taxis, asseyaient le conducteur à l'arrière, et lui disaient de les diriger vers des endroits "où ils détestent les Juifs" afin de "faire un balagan" – en hébreu une «grosse pagaille».

Ensuite, il y a la lutte entre clans palestiniens : «On nous a dit d'aller là-bas et de découvrir ce qui se passait. Le commandant de notre [peloton] était un peu dingue. Donc, de toute façon, nous devions localiser des maisons, et il nous avait dit : «OK, si vous voyez quelqu'un armé de pierres ou de quoi que ce soit, peu importe : tirez."

Tout le monde pensera que c'est un combat entre clans... " Est-ce que le commandant de la compagnie l’a su ?" Personne ne l’a su. Ces actions étaient des initiatives privées du commandant de notre unité."

Les avez-vous frappés? "Bien sûr, et pas seulement eux. Tous ceux qui s’approchaient ... Surtout dans les jambes et les bras. Pour d’autres, on les frappait au ventre ... Je pense qu’à un certain moment ils se sont rendu compte que c’était des soldats, mais ils n'en étaient pas sûrs. Comment pourraient-ils penser que des soldats puissent faire ça, vous savez."

Ou en utilisant un enfant de 10 ans pour retrouver et punir un lanceur de pierres de 15 ans : «Alors, nous mettions la main sur un gamin palestinien dans les parages dont nous savions qu'il savait qui il était. Disons que nous l’avons frappé un peu, c'est le moins que l’on puisse dire, jusqu'à ce qu'il nous donne son nom. Vous savez, la façon dont ça se passe quand vous êtes dingues et vous n'avez pas plus de patience pour Hébron, pour les Arabes et pour les Juifs d’ici.

"Le gamin a eu vraiment peur quand il a réalisé que nous en avions après lui. Nous avions avec nous un commandant qui était un peu fanatique. Nous avons donné le garçon à ce commandant et il lui a vraiment cassé la gueule... Il lui a montré tous les trous dans le sol le long du chemin, en lui demandant: "Est-ce ici que tu veux mourir? Ou ici?" L'adolescent répondait : 'Non, non! "

"Le gamin était mis debout et il ne pouvait pas rester debout sur ses pieds. Il pleurait déjà ... Et le commandant continuait : 'Ne fais pas semblant' en lui donnant d’autres coups de pied. Et puis [X] qui vit toujours mal ce genre de choses est arrivé, a attrapé le commandant d'escadron et lui a dit: «C’est bon, arrête".
Le commandant lui a dit : « Tu es devenu un Gauchiste ou quoi?"
Et il a répondu : «Non, je n'ai pas envie de voir ce genre de choses."


"Nous étions juste à côté mais nous n’avons rien fait. Nous étions indifférents, vous savez. OK. Ce n'est qu'après que vous commencez à penser. Pas tout de suite. Nous faisions ce genre de choses tous les jours ... C’était devenu une habitude.

"Et les parents l’ont vu. Le commandant a ordonné à la mère : «Ne t’approche pas». Il a levé son arme déjà chargée. Elle a eu peur. Il a mis son arme littéralement dans la bouche de l’enfant. "Si quelqu’un s’approche, je le tue. Ne m’énervez pas. Je tue. Je n'ai pas de pitié."
Donc, le père ... a pris la mère et il a dit : "Du calme, laisse-les faire, et ils l’ont laissé tout seul."

Tous les soldats qui servent à Hébron ne deviennent pas des "animaux".

Iftach Arbel, 23 ans, issu de classe moyenne, du Centre Gauche vivant à Herzylia, a servi à Hébron en tant que commandant juste avant le retrait de Gaza, quand il pensait que l'armée voulait se montrer dure avec les colons, aussi. Et beaucoup de témoignages, dont ceux de M. Arbel, décrivent la manière dont les colons apprennent aux enfants dès l'âge de 4 ans à jeter des pierres sur les Palestiniens, à attaquer leurs maisons et même à les voler. (voir la video de Btselem)

Pour M. Arbel, les colons d'Hébron sont des "véritables plaies» et la seule solution est «de retirer les colons".
Il pense que même avec ces contraintes, il serait possible de mieux traiter les Palestiniens.

Il ajoute : «Nous effectuions des opérations de nuit. Nous choisissions une maison au hasard, sur la photo aérienne, de manière à pratiquer le combat de routine et tout ce qui est instructif pour les soldats, je veux dire, je suis entièrement d'accord pour cela. Mais alors, à minuit vous réveillez quelqu’un et vous mettez sa maison sens dessus dessous avec tout le monde qui dort sur les matelas, etc.…."

Mais M. Arbel précise que la plupart des soldats sont quelque part entre son propre extrémisme et l’extrémisme des plus violents. D’après seulement les témoignages de deux de ses collègues, on peut comprendre ce qu'il veut dire.

L’un dit : «Nous avons fait toutes sortes d'expériences pour voir qui pouvait faire le meilleur grand écart à Abou Snena. Nous mettions les Palestiniens contre le mur, nous simulions un contrôle et nous leur demandions d’écarter les jambes. Ecarte, écarte, écarte, c'était un jeu pour voir qui pourrait le faire le mieux. Ou nous vérifions qui pouvait retenir son souffle le plus longtemps.

«Etranglez-les. Un gars venait, faisait comme s’il les contrôlait et soudain il commençait à crier comme s’ils avaient dit quelque chose et ils les prenaient à la gorge... Pour bloquer leurs voies respiratoires, vous devez appuyer sur la pomme d’Adam. Ce n'est pas agréable. Regarder votre montre pendant que vous êtes en train de le faire, jusqu'à ce qu'il s’évanouisse. Celui qui met le plus longtemps avant de s’évanouir gagne. "

Et en plus de la violence, il y a aussi le vol. «Il y a cette boutique d'accessoires automobiles. Chaque fois, les soldats prenaient un lecteur de disques et de cassettes et d'autres choses. Ce gars, si vous allez lui demander, il vous racontera plein de choses sur ce que les soldats lui ont fait.

"Enormément de choses ... Ils faisaient régulièrement des descentes dans son magasin."

«Ecoute, si tu dis quelque chose sur nous, nous confisquerons l'ensemble de ton magasin, nous allons tout casser."

Vous savez, il avait peur de dire quoi que ce soit. Il négociait déjà : «Écoutez les gars, vous me posez des problèmes financiers."
Moi, je n'ai jamais rien pris, mais je vous dis que les gens avaient l'habitude de lui prendre des haut-parleurs, des systèmes de sonorisation complets.

"Il disait : "S’il vous plaît, donnez-moi 500 shekels, je perds de l’argent ici."
"Ecoute, si tu continues, on va prendre tout ce qu’il y a dans ta boutique."
"OK, OK, prenez-le, mais écoutez, ne prenez pas plus de 10 systèmes par mois." Quelque chose comme ça.

« Je suis déjà en faillite."
Il était si misérable. Des gars de notre unité avaient l’habitude de vendre ces choses quand ils rentraient, ils faisaient des affaires avec les gens. Les gens sont tellement stupides. "

L’armée dit que les soldats des Forces de Défense Israéliennes agissent selon "un ensemble de directives morales strictes", et que leur adhésion à ces directives "ne font qu’augmenter là et quand des soldats israéliens sont en contact avec des civils".

Elle ajoute que «si des preuves soutenant ces accusations sont découvertes, des mesures seront prises en vue de présenter ceux qui ont été impliqués devant la plus haute instance judiciaire".

Elle dit également : «L'avocat général militaire a publié un certain nombre d'actes d'accusation contre des soldats en raison d'accusations de comportement criminel ... Les soldats reconnus coupables ont été sévèrement punis par la Cour militaire, en fonction de l'infraction commise".
Jusqu’à la nuit dernière, elle n’a pas donné les chiffres de ces actes d'accusation.

Dans son introduction aux témoignages, Briser le silence dit : «La détermination des soldats à remplir leur mission donne des résultats tragiques: la norme devient l’ignoble, l’inconcevable devient la routine ... Les témoignages sont destinés à illustrer la manière dont ils sont plongés dans la réalité brutale qui règne sur le terrain, une réalité dans laquelle des milliers de familles palestiniennes se retrouvent à la merci douteuse des jeunes.

Hébron devient un microscope évident et concentré de la réalité dans laquelle des jeunes représentants d’Israël sont constamment envoyés."


Une force pour la justice

Briser le Silence a été créé il y a quatre ans par un groupe d'ex-soldats, dont la plupart avaient servi dans des unités de combat des Forces de défense israéliennes à Hébron. Beaucoup de soldats font leur devoir de réserve dans l'armée chaque année.

Briser le Silence a recueilli les témoignages d’environ 500 anciens soldats qui ont servi en Cisjordanie et à Gaza.

Sa première exposition du public a été avec une exposition de photographies de soldats à Hébron et l'organisation organise également régulièrement des visites d'Hébron pour les étudiants israéliens et des diplomates.

Elle reçoit des fonds de groupes aussi divers que les juifs philanthropiques Moriah Fund, le New Israël Fund, l'Ambassade britannique à Tel-Aviv et l'Union Européenne.

Source : www.independent.co.uk/

Traduction : MG pour ISM

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