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ISM France - Archives 2001-2021

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USA -

Nous n’aurions pas du accepter que les meurtriers du 11 septembre changent notre monde

Par

Ainsi, trois ans après les crimes d’ampleur internationale contre l’humanité perpétrés à New York, à Washington et en Pennsylvanie, nous sommes en train de bombarder Fallujah. Pardon ? Vous avez dit : Fallujah ?
Levez-la main, ceux qui connaissaient ne serait-ce que de nom Fallujah, le 11 septembre 2001 ! Ou Samarra. Ou Ramadi. Ou la province d’Al-Anbar. Ou Al-Ammarah. Ou Tel Afar, dernière cible de notre « guerre contre la terreur », bien que la plupart d’entre nous aurait la plus grande difficulté à situer cette localité sur une carte (regardez, dans le nord de l’Irak, trouvez Mosoul, et allez trois centimètres vers la gauche…).

Oh, quelle toile d’araignée inextricable nous sommes capables de tisser, quand nous cherchons, avant tout, à tromper les gens…

Il y a trois ans, il n’était question que d’Oussama ben Laden et d’al-Qa’ida ; et puis, presque en même temps que le scandale Enron – et je remercie au passage cet universitaire de New York qui m’a fait remarquer cette coïncidence cruciale – il ne fut plus question que de Saddam, d’armes de destruction massive, de quarante-cinq minutes et d’abus des droits de l’homme en Irak et, bon, j’arrête là : le reste appartient déjà à l’Histoire.

Et aujourd’hui, enfin, les Américains admettent que de vastes zones de l’Irak échappent à tout contrôle gouvernemental. Nous allons devoir les « libérer » à nouveau, en reprenant tout à zéro…


Comme nous avons re-libéré Najaf et Kufa, « afin de tuer ou de capturer Muqtada Sadr », a dit le brigadier général Mark Kimmitt, et comme nous sommes en train de ré-assiéger Fallujah, comme en avril dernier, lorsque nous avions prétendu (ou tout du moins comme l’avaient prétendu les Marines américains) que nous allions éliminer le « terrorisme » dans cette ville.

En réalité, son commandant militaire local s’est fait décapiter, depuis lors, par les insurgés et Fallujah, à part au cours d’un sanglant bombardement aérien, de temps à autre, demeure extérieure à toute forme de contrôle gouvernemental.


Au cours de la quinzaine écoulée, j’ai appris beaucoup de choses au sujet de la haine que les Irakiens nous vouent.

En farfouillant dans mes carnets de notes, des années 1990, j’ai retrouvé, page après page, mes preuves manuscrites de la colère irakienne : fureur contre les sanctions qui ont tué un demi million d’enfants, indignation des médecins face à notre utilisation de projectiles à l’uranium appauvri durant la guerre du Golfe de 1991 (on les a utilisés à nouveau, l’an dernier, mais : chaque rage à son temps) et un ressentiment profond et persistant à notre égard, nous les Occidentaux.

Un article, que j’écrivis pour The Independent, en 1998, posait la question de savoir pourquoi les Irakiens ne nous dépeçaient-ils pas vivants ?

C’est ce que certains d’entre eux firent à des mercenaires américains, à Falluja, en avril dernier.


Mais nous nous attendions à être aimés, bienvenus, fêtés, adulés, embrassés par ces gens…


Tout d’abord, nous avons ramené l’Afghanistan à l’âge de la pierre, à coup de bombes, et nous l’avons proclamé « libéré ».

Puis nous avons envahi l’Irak pour « libérer » les Irakiens aussi (il n’y a pas de raison…) Les shiites n’allaient-ils pas nous adorer ?

N’avions-nous pas viré Saddam Hussein ?

Eh bien, voyez-vous, l’Histoire raconte l’histoire différemment. Nous avons imposé le roi sunnite Fayçal sur le dos des musulmans chiites, dans les années 20. Puis nous les avons encouragés à se révolter contre Saddam, en 1991, et nous les avons abandonnés dans les chambres de torture du même Saddam. Et maintenant, nous rameutons les vieux briscards de Saddam – leurs bourreaux – et nous les réinstallons au pouvoir afin de « combattre la terreur », et nous assiégeons Muqtada Sadr à Najaf.


Nous avons tous un souvenir personnel du 11 septembre 2001. En ce qui me concerne, j’étais dans un avion, en vol pour l’Amérique. Et je me souviens, tandis que le bureau de l’étranger de la rédaction de l’Independent m’apprenait par le téléphone satellitaire de l’avion chacun des nouveaux massacres aux Etats-Unis, avoir prévenu le capitaine, et comment l’équipage et moi-même avons examiné l’avion, afin de rechercher d’éventuels pilotes kamikazes. Je pense que j’en repérai treize, environ ; hélas – bien entendu – ils étaient tous Arabes et totalement innocents. Mais cela me donna une indication de nouveau monde dans lequel j’étais désormais supposé devoir vivre. Le monde du « Eux » et « Nous ».


Assis à ma place, dans l’avion, je me mis à écrire mon article pour l’édition de ce soir-là. Puis je me suis arrêté, et j’ai demandé au bureau « étranger », à Londres – à ce moment-là, l’avion était en train de relâcher son kérosène au large de l’Irlande, parce que nous faisions demi-tour avant de venir nous reposer en Europe – de me mettre en ligne avec la dactylo du journal, parce que ce n’était qu’en lui « racontant » mon histoire, plutôt qu’en l’écrivant, que je serais capable de trouver les mots dont j’avais besoin.

Ainsi, je « racontai » mon reportage. Mon reportage de folie, de trahison et de mensonges au Moyen-Orient, d’injustice, de cruauté et de guerre. C’était écrit : il fallait que l’on en arrive à : çà…


Et, durant les jours suivants, j’en suis venu à expérimenter, moi aussi, ce que cela signifiait : le simple fait de poser la question de savoir pourquoi les assassins du 11 septembre avaient commis leurs forfaits sanglants, c’était sympathiser avec le « terrorisme » ; le simple fait de se demander ce que les tueurs avaient bien pu avoir à l’esprit, c’était les soutenir. Tout flic, confronté à n’importe quel crime, cherche un mobile. Mais, confrontés à un crime international contre l’humanité, nous n’étions pas autorisés à rechercher de mobile. Les relations de l’Amérique avec le Moyen-Orient, et en particulier la nature de ses relations avec Israël, devaient demeurer un sujet tabou. Un sujet dont on ne parle pas, et au sujet duquel tout questionnement est exclu.

Durant les trois années écoulées depuis lors, j’ai fini par comprendre ce que cela signifie. Cela tient en trois mots : « Ne posez pas de questions ! ». Même lorsque j’ai failli être tué par une foule d’Afghans, en décembre 2001 – furieux que leurs proches aient été massacrés par les bombardements des B-52 – le Wall Street Journal annonça en gros titre que j’avais eu « ce que je méritais », parce que j’étais un « multiculturaliste ». Je continue à recevoir des lettres affirmant que ma mère, Peggy, était la fille d’Adolf Eichmann.

Ma mère, Peggy, était dans la R.A.F., en 1940. Elle réparait les avions Spitfires endommagés, comme je l’ai rappelé lors de ses funérailles, en 1998.

Mais je me souviens aussi, que lors de la cérémonie, dans le choeur d’une petite église en pierres du Kent, avoir suggéré, avec colère, que si le président Clinton avait dépensé autant d’argent à la recherche sur la maladie de Parkinson qu’il venait d’en bousiller en balançant des missiles de croisière sur l’Afghanistan et Oussama ben Laden (ce fut sans doute la première fois que le nom de ben Laden fut prononcé dans l’enceinte de l’Eglise anglicane), ma mère ne se serait sans doute pas trouvé dans cette boîte en bois, là, à côté de moi.

Ma mère a raté le 11 septembre 2001, de trois ans et un jour. Mais il y a une chose, c’est du moins mon intime conviction, dont elle aurait convenu avec moi. Cette chose, c’est que nous ne devions, à aucun prix, permettre à dix-neuf criminels de changer notre monde.

George Bush et Tony Blair font tout leur possible, au contraire, pour s’assurer que les assassins CHANGENT BIEN notre monde.

Notre présence en Irak n’a pas d’autre explication.

Source : www.truthout.org/

Traduction : Marcel Charbonnier

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