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Palestine - 3 mai 2006
Par Adri Nieuwhof
Adri Nieuwhof est psychologue et un avocat des Droits de l'Homme basé en Hollande.
Afin d'avoir une meilleure compréhension de la souffrance sociale des Palestiniens vivant sous occupation, une étude sur la qualité de vie a été entreprise par l Organisation Mondiale de la Santé - Cisjordanie et Gaza, l'Institut de la Communauté et de la Santé Publique de Bir Zeit en coopération avec le Bureau Central des Statistiques palestinien.
L'enquête a été achevée un mois avant les élections du Conseil Législatif Palestinien le 25 janvier 2006.
Elle peut donc être considérée comme une étude de base pour mesurer l'impact de la réponse négative d'Israël et de l'Occident à la victoire démocratique du Hamas.
Qualité de Vie
Les mesures de la qualité de vie sont de plus en plus utilisées pour évaluer les résultats de santé dans le monde entier. Ces mesures aident à mieux comprendre l'impact du conflit continu sur la santé de la population.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a développé un outil sur la qualité de vie et l'a testé dans 23 pays : le WHO-QOL-Bref.(1)
Depuis le second Intifada, les Palestiniens des Territoires Palestiniens Occupés ont été confrontés au comportement de plus en plus brutal des Forces Militaires Israéliennes.
Jusqu'ici l'accent a été mis sur le comptage des morts et des blessés, sur la morbidité et l'accès à la santé et à d'autres problèmes de services.
Cependant, aucune tentative n'avait été faite pour évaluer les conséquences de l'intensification du conflit, des bouclages et du siège rigoureux, et de la spirale du chêmage sur la qualité de la vie, ni de documenter les opinions, les inquiétudes, les besoins, et la souffrance des Palestiniens vivant en Cisjordanie et à Gaza.
Ce manque a incité l'étude pilote sur la qualité de vie dans les Territoires Palestiniens Occupés.
Un groupe de 1.008 Palestiniens a été tiré de l'ensemble de la population et un ensemble d'éléments appropriés au contexte ont été ajoutés à l'outil de la Qualité de Vie sans en affecter sa cohérence et sa validité.
Résultats
Des entretiens ont eu lieu avec 1.008 Palestiniens habitant en Cisjordanie et à Gaza.
Sur les Palestiniens interviewés, 25,6% considèrent leur qualité de vie comme 'médiocre' ou 'très médiocre', et plus de 21,2% souffrent 'beaucoup' ou 'énormément' des problèmes de santé physiques/corporels qui influencent négativement leur capacité Ã agir, ainsi que leur qualité de vie.
Concernant la vie quotidienne, environ 38,2% n'apprécient pas 'du tout' ou apprécient 'juste un peu' leur vie quotidienne; Ã peu près le même nombre se sentent frustrés, anxieux, las de la vie, et près d'un sur deux s'ennuient.
De façon générale, environ un Palestinien sur quatre dit souffrir 'beaucoup' ou 'énormément' de la contrainte psychologique.
Les raisons de cette souffrance sont plus qu'évidentes :
28,5% indiquent qu'un parent proche a été tué ou est emprisonné;
52,5% doivent traverser des checkpoints de l'armée israélienne pour exercer des activités de la vie quotidienne, telles qu'aller au travail, Ã l'école, Ã l'université ou accéder aux services;
26,5% des Palestiniens de Cisjordanie vivent près d'une colonie israélienne, et 80,8% d'entre eux disent qu'elles les affectent de façon négative.
Près de 19,8% vivent près du Mur dont 87,2% disent qu'il les affecte de façon négative.
Une très forte proportion des personnes interrogées (72,6%) n'ont pas accès 'du tout' ou 'seulement un peu' aux activités de loisirs et 42,8% considèrent leur environnement physique pas sain 'du tout' ou 'seulement un peu''. Près d'un Palestinien sur deux est 'beaucoup' ou 'énormément' peu satisfait de son environnement.
Un Palestinien sur trois souffrent beaucoup ou énormément de problèmes financiers.
Les résultats montrent que 42,6% n'ont pas d'argent 'du tout' ou 'seulement un peu' pour subvenir à leurs besoins individuels ou familiaux; deux sur dix doivent 'emprunter de l'argent pour joindre les deux bouts; la même proportion est sérieusement endettée; quatre sur dix repoussent le paiement des factures pour s'en sortir.
De plus, 49,7% ne peuvent pas faire face à des dépenses médicales soudaines.
Près de la moitié des personnes interrogées craignent sérieusement de perdre leur maison (45,5%), leur terre (46,1%), ou d'être déplacés ou déracinés (44,5%).
68% des Palestiniens interviewés sont très inquiets au sujet du futur et 70,5% craignent le chaos dans la société palestinienne. De plus, prà s de la moitié ne sont pas satisfaits des responsables politiques de leur communauté.
D'autres résultats concluent que 65,8% sont 'toujours' ou 'très souvent' en colère contre ce que leur fait subir l'occupation militaire israélienne et 63,4% sont 'toujours' ou 'très souvent' humiliés par les actions des militaires Israéliens.
Près de huit personnes sur dix sont sérieusement affectés de façon négative par la poursuite du conflit et l'occupation militaire israélienne, 78,5% le sont par les bouclages et les sièges, et 62,7% le sont par le Mur.
Comparaison entre la qualité de vie des Palestiniens et celle dans les autres pays dans le monde.
Les résultats du WHO-QOL-Bref, études de terrain pilotes sur la Qualité de Vie de l'Organisation Mondiale de la Santé effectuées dans 23 pays (2) sur un panel tiré de l'ensemble de la population comprenant des personnes malades et bien portantes interrogées dans les hêpitaux et dans les centres de premiers soins, ont été comparés aux résultats de la Cisjordanie et de Gaza où les personnes interrogées viennent de l'ensemble de la population.
Nous nous référerons aux résultats de la recherche effectuée dans les 23 pays sous le nom du Pilote.
La population palestinienne a déclaré avoir une qualité de vie bien pire qu'ailleurs avec 18,7% des Palestiniens affirmant avoir une qualité de vie médiocre comparés aux 9,1% de la population du Pilote, et 6,9% des Palestiniens indiquant avoir une qualité de vie très médiocre comparés aux 2,3% de la population Pilote.
Malgré le fait que l'échantillon de population en Cisjordanie et à Gaza ne visait pas spécifiquement des personnes malades et qu'il était tiré de l'ensemble de la population, les personnes interrogées ont parlé de souffrance et de malaise; de problèmes d'énergie et de fatigue; de problèmes de sommeil (31,7% dans les Territoires Palestiniens Occupés (TPO) comparés aux 21,4% pour le Pilote); des problèmes concernant les activités de la vie quotidienne, et une capacité à travailler réduite (66% dans les Territoires Palestiniens Occupés comparés aux 20,3% pour le Pilote).
Les Palestiniens interrogés font part de sentiments sensiblement moins positifs, de sentiments plus négatifs, moins d'estime de soi, moins de capacité à réfléchir et à se concentrer, et moins de satisfaction que ceux du Pilote.
Cependant, les Palestiniens interrogés indiquent largement une meilleure satisfaction dans leurs rapports personnels comparés au Pilote.
En outre, c'est le seul domaine où les membres du panel des Territoires Palestiniens Occupés font part d'une meilleure qualité de vie que ceux du Pilote.
Ces résultats ne sont pas surprenants puisque la culture palestinienne est basée sur la collectivité, que le soutien social et la cohésion sociale sont forts, et que l'histoire et les réalités économiques et politiques qu'affrontent ce peuple et qu'ils continuent de supporter exigent un niveau élevé de cohésion communautaire pour une survie communale.
42,1% des Palestiniens interrogés ont indiqué avoir peu de satisfaction concernant les ressources financières comparés aux 27,2% du Pilote;
75,8% n'ont pas accès 'du tout 'ou 'seulement un peu' aux divertissements et aux loisirs dans les Territoires Palestiniens Occupés comparés aux 28,5% pour le Pilote;
45,4% sont peu satisfaits de la sécurité physique dans les Territoires Palestiniens Occupés comparés aux 13,7% du Pilote,
et 42,8% sont peu satisfaits de l'environnement physique comparés aux 13,5% du Pilote.
Sombre perspective
En mars 2006, la Banque Mondiale a rédigé un rapport sur les perspectives économiques potentielles en Cisjordanie et à Gaza.(3)
Plusieurs scénarios ont été élaborés par le personnel de la Banque Mondiale.
Le scénario le plus préjudiciable est celui basé sur le refus d'Israël à transférer le revenu des taxes palestiniennes et d'autres restrictions concernant le commerce et le travail. L'afflux des aides sera réduit en raison de la réponse négative de l'Europe et des Etats-Unis au vote pour le Hamas.
Selon la Banque Mondiale, le PIB par personne diminuera de 27% en 2006, et les revenus personnels de 30%.
En 2008, les pertes cumulées du PIB par personne depuis 1999 auront atteint 55%.
Le taux de chêmage atteindra 47% et la pauvreté sera de 74% en 2008.
Si en 2008, une enquête sur la qualité de vie des Palestiniens vivant en Cisjordanie et à Gaza était renouvelée, il n'est pas difficile de prévoir qu'elle reflétera les conséquences des mesures d'étranglement prises par Israël et l'Union Européenne.
Allons-nous attendre cela en silence?
NOTES :
[1] Le WHO-QOL Bref est une liste d'indicateurs testés dans les pays suivants : Argentine, Australie, Brézil, Bulgarie, Chine, Croatie, Allemagne, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Indie: Madras et New Delhi, Japon, Malaysie, Hollande, Nigéria, Norvège, Roumanie, Russie, Espagne, Turquie, Grande Bretagne et Etats-Unis.
(2) Voir note 1
(3) Cisjordanie et Gaza : Perspectives Economiques potentielles –Banque Mondiale – 15 lars 2006
Source : The Electronic Intifada
Traduction : MG pour ISM
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Rapports
Adri Nieuwhof
3 mai 2006