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Palestine -

Palestine 2016 : Une vision optimiste

Par

Alaa Tartir est directeur de programme d'al-Shabaka : Le réseau politique palestinien, et chercheur post-doctorat à l'Institut universitaire des Hautes Etudes internationales et du développement, Genève.

16.02.2016 - 2015 ne fut pas une bonne année pour la Palestine. Selon le bilan de l'IMEU (1), les Israéliens ont tué au moins 170 Palestiniens et blessé 15.377 en 2015 ; Israël a détruit ou démantelé 539 maisons et autres structures palestiniennes en Cisjordanie occupée et à Jérusalem Est (avec plus de 11.000 ordres de démolition en cours contre des structures palestiniennes dans la "Zone C" de la Cisjordanie occupée) ; il y eut 6.800 Palestiniens emprisonnés par Israël à décembre 2015, et environ 650.000 colons juifs vivent dans les territoires occupés.

Palestine 2016 : Une vision optimiste

Fresque sur le mur à Bethléem, Palestine Occupée. Photo Anne Paq du 16 janvier 2012
La Palestine ira-t-elle mieux en 2016 ? Y a-t-il des raisons d'être optimiste et d'espérer, au milieu des ces faits sombres et des événements qui se déroulent actuellement ? Contre toute attente, j'affirme que oui.

Un coup d’œil rapide aux analyses existantes prévoit une année pire encore pour les Palestiniens en 2016. Ces analyses prédisent une escalade de la violence, l'effondrement possible de l'Autorité palestinienne (AP) avec des conséquences négatives sur le peuple palestinien, une plus grande fragmentation avec la course à la succession d'Abbas, des conflits violents, voire sanglants au sein du Fatah, un enracinement de la division Fatah-Hamas, la poursuite de l'occupation militaire israélienne et l'échec persistant américain et européen à mettre fin à l'injustice et à l'oppression.

Pour empirer encore plus la situation, des observateurs préviennent que 2016 pourrait être "le moment opportun" pour l'arrivée de l'ISIS en Palestine, surtout si un "vide sécuritaire" est créé par les suites de l'effondrement de l'AP.

Certaines de ces prédictions sont plausibles, mais d'autres, en particulier celles provenant de différents appareils sécuritaires et services de renseignements locaux ou internationaux sont de simples spéculations ou des prédictions sans fondement. Les prédictions axées sur la sécurité posent problème car elles donnent la priorité aux besoins et phobies israéliens en matière de sécurité, elles négligent les droits palestiniens fondamentaux et elles soutiennent plutôt les tendances et transformations autoritaires. Par conséquent, j'ai soutenu qu'au lieu d'assimiler le "vide sécuritaire" à l'émergence d'ISIS ou au chaos, c'est le bon moment pour commencer à aborder la vraie question concernant les questions de sécurité : comment mettre immédiatement fin à l'occupation militaire israélienne ?

Le problème fondamental de toutes les prédictions dominantes mentionnées ci-dessus est qu'elles ignorent les bonnes nouvelles qui viennent de Palestine. Voici une courte liste de quelques "sources d'espoir et d'optimisme" à surveiller en 2016.

D'abord et surtout, une nouvelle et différente génération palestinienne est en train d'émerger. Cette génération apporte des visions, objectifs et outils neufs. Pendant qu'une partie de cette génération se révolte dans les rues de Palestine, une autre partie (bien que moins visible que la jeunesse en révolte) élabore des stratégies pour la lutte et les met en œuvre, localement et internationalement.

Cette nouvelle génération transnationale est aussi en train de former son propre leadership intellectuel, indispensable pour tout processus de changement positif. L'année 2016 pourrait assister à la renaissance tant attendue de la pensée politique palestinienne, bien que ce soit un objectif ambitieux. Une nouvelle direction est sans aucun doute en devenir et émergera de cette génération qui est capable de s'atteler aux causes profondes de la misère, de la faiblesse et de la fragmentation palestiniennes. Ce n'est pas un résultat inatteignable ni un objectif irréaliste.

Cette génération en a non seulement marre de l'occupation israélienne et de sa politique coloniale, mais elle en a marre de cette direction palestinienne existante illégitime et non représentative. Ils en ont par-dessus la tête des échecs continuels, et ils pensent et agissent pour faire en sorte que leurs droits se réalisent.

Si cette génération est "invisible" pour beaucoup d'observateurs et responsables politiques, il est urgent qu'ils changent de lunettes simplement parce que ces dernières années, de nouveaux dirigeants palestiniens ont émergé en Israël et parmi la société civile palestinienne, par exemple.

L'unité de la direction palestinienne en Israël est une autre source d'optimisme, malgré les mises en garde. Le "coup" (3) pendant les élections parlementaires israéliennes de 2015 a transformé la menace de l'existence palestinienne dans la politique israélienne en une nouvelle opportunité politique.

L'émergence de nouveaux leaders comme Ayman Odeh (2) ne sera pas sans conséquence sur les droits politiques et civils palestiniens et la dynamique globale de la lutte palestinienne, si elle est utilisée à bon escient.

En effet, des observateurs ont fait valoir qu' "au lieu d'essayer frénétiquement de relancer l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) pour représenter tous les Palestiniens (...), les Palestiniens peuvent simplement regarder vers l'ouest, vers les partis politiques palestiniens à l'intérieur d'Israël et déjà représentés à la Knesset." Une telle démarche, en dépit de ses limites potentielles, pourrait signifier de nouvelles configurations et des hypothèses différentes pour le "conflit israélo-palestinien".

Photo
Les députés palestiniens de la Liste Unifiée, de gauche à droite : Osama Saadi, Ahmed Tibi, Ayman Odeh, Masud Ganaim et Haneen Zoabi, devant le Dôme du Rocher à Al-Quds (photo Reuters)


Le "nouveau" leadership de la société civile palestinienne qui a émergé au cours de la dernière décennie est le troisième élément de la vision optimiste et pleine d'espoir pour la justice en 2016. Les succès irrépressibles du mouvement sous direction palestinienne Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) sont le premier exemple. Le rôle influent du BDS et les succès qu'il a obtenus découlent non seulement de la formation organique de la direction du mouvement ou de ses principes et objectifs unifiés et globaux, mais aussi du sentiment d'appartenance à l'un des outils pour la lutte d'auto-détermination, la preuve historique existant de l'efficacité de cet outil pour parvenir à la justice, et à des changements et transformations de l'opinion publique mondiale sur le conflit palestino-israélien.

La croissance du mouvement international de solidarité qui agit de pair avec les priorités et les appels de la société civile palestinienne est un exemple inspirant de collaboration mondiale pour la réalisation des droits universels.

De plus, les Palestiniens ont beaucoup plus d'outils juridiques qu'auparavant pour faire respecter leurs droits. L'adoption d'une approche fondée sur les droits en harmonie avec le droit international comme partie intégrante d'une nouvelle stratégie et vision palestinienne est une clé de tout programme politique alternatif.

Alors qu'il est vrai que ce programme politique alternatif n'existe pas intégralement, il est cependant faux de dire que des voix politiques palestiniennes nouvelles et critiques n'existent pas. Ces opinions politiques, régulièrement marginalisées - en particulier si elles sont indépendantes - dans le mouvement de libération nationale palestinienne, sont un élément crucial de la perspective optimiste à cause de leur contribution aux processus d'élaboration et de mise en œuvre de la politique en interne, en exil et dans les instances internationales.

Ces voix politiques mettent la créativité, la résilience et la pratique de résistance du peuple palestinien en tant que façon de vivre sous occupation, au cœur de leur pensée et de leur analyse, une pratique qui a été omise pendant un certain temps. Ce "choix méthodologique" a des implications directes sur les résultats à court terme et à long terme, et sur la légitimité de la future direction et ses choix et ses décisions stratégiques.

La matérialisation de ces sources d'espoir et d'optimisme, ou certaines d'entre elles, en 2016, peut en faire une année différente de ce que les prédictions dominantes attendent. Une question reste cependant sans réponse : y a-t-il de bonnes nouvelles en provenance d'Israël ?


(1) "Palestine: 2015 in review", January 14, 2016, Institute for Middle East Understanding

(2) Ayman Odeh, né le 1er janvier 1975 à Haïfa, est un avocat et homme politique palestinien vivant en Palestine occupée en 1948. Il dirige le parti politique communiste Hadash et il est président de la coalition Liste unifiée.

(3) Lors des élections législatives israéliennes de 2015, Ayman Odeh a été désigné tête de la Liste unifiée, rassemblant, en plus du Hadash communiste, divers partis arabes israéliens. Sa liste a créé la surprise en arrivant en troisième position avec 10.54% et 13 sièges, soit deux de plus que les sièges cumulés des partis la composant pris isolément.

Source : The World Post

Traduction : MR pour ISM

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