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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Pourquoi l’accalmie s’est écrasée à Gaza

Par

Alastair Crooke est un ancien médiateur de l’Union Européenne avec le Hamas ; il est actuellement directeur de Conflicts Forum, basé à Beyrouth

La thèse selon laquelle, littéralement, ‘tout’ doit être fait soit pour installer ‘les modérés’ au pouvoir soit les empêcher de perdre le pouvoir – appelée par euphémisme ‘soutien à la modération’ – est au cœur de la crise de Gaza.

Pourquoi l’accalmie s’est écrasée à Gaza


Photo Fady Adwan pour PalestineFreeVoice

Beaucoup se sont demandés, à la suite de l’attaque d’Israël sur Gaza, comment le Hamas, s’il a vu les conséquences de la fin du cessez-le-feu – et le Hamas a bien sûr prévu la probabilité d’une action militaire disproportionnée – a pu néanmoins accepté l’inévitable bain de sang - effusions de sang qu’une armée israélienne, faisant une fixation sur la restauration de la dissuasion après l’échec de sa guerre de 2006 contre le Hezbollah, infligerait aux citoyens de Gaza.

Certains peuvent lire dans cette décision le cynisme d’un mouvement qui fait de la résistance sa priorité ; mais le faire serait une lecture erronée de la façon dont le Hamas analyse la situation et comprend la nature de la résistance.

Les six mois de cessez-le-feu n’ont pas réussi à satisfaire deux tests décisifs : les conditions de vie du peuple palestinien se sont continuellement détériorées, et le cessez-le-feu n’a pas semblé le rapprocher le moins du monde d’une solution politique. Au contraire, le Hamas a vu toute possibilité de règlement disparaître encore davantage dans le lointain.

En bref, Israël – encouragé par les Etats Unis et l’Europe – a utilisé les six mois de « cessez-le-feu » non pas pour s’engager dans des décisions sérieuses et une réelle négociation, mais pour pressurer le peuple de Gaza dans l’espoir qu’une population désespérée se retournerait contre ses propres représentants, laissant le Hamas discrédité et marginalisé. Aucun Israélien n’est mort pendant le cessez-le-feu, mais au lieu d’améliorer les conditions de vie à Gaza, comme convenu au départ, Israël les a progressivement aggravées. Sans surprise, l’accalmie s’est érodée – et finalement s’est défaite – à la suite de l’incursion militaire israélienne à Gaza le 5 novembre et de la violation du cessez-le-feu, attaque au cours de laquelle six membres du Hamas ont été tués.

L’objectif israélien de démanteler le mouvement qui a très largement remporté les élections parlementaires de 2006 en Palestine est dévoilé dans l’aveu explicite des responsables israéliens qu’Israël avait commencé à préparer les attaques en cours sur Gaza (cité dans le Ha’aretz du 28.12.2008) - alors même que le dernier cessez-le-feu avait été agréé. Le Hamas devait être soit étripé par un ‘cessez-le-feu à la mort lente’, ou bien éliminé par une action militaire massive.

Les dirigeants européens ont gobé cette stratégie, dans l’espoir de décrocher, vite fait et en douce, avec le protégé de l’Occident, le Président Abbas, un arrangement qui pourrait être imposé aux Palestiniens par une force de ‘maintien de la paix’ multinationale. Cet objectif devait être réalisé avec la collaboration des gouvernements d’Egypte et d’Arabie Saoudite, qui sont de plus en plus effrayés de la contestation grandissante de leurs propres légitimités dans la région, et qui ne sont pas hostiles à ce que le Hamas soit acculé à Gaza et ‘puni’ par les Israéliens.

N’importe quel psychologue aurait cependant pu informer l’Union européenne et les décideurs politiques US que mettre un million et demi de Palestiniens ‘au régime”, comme l’avait dit un précédent chef d’Etat major au Premier ministre israélien, et mettre en pièces tout projet ou espoir qu’ils auraient pu avoir pour leur avenir, ne rendent pas les humains plus dociles ou plus modérés. Après un laps de temps, la colère et le désespoir ont fait bouillir la cocotte-minute de Gaza : Gaza devait en fin de compte exploser – d’une manière ou d’une autre.

Si les décideurs occidentaux ne l’ont pas discerné, le Hamas, lui, l’a bien compris. En d’autres termes, ce qui se passe à Gaza n’était que trop prévisible. Quelques Israéliens l’ont perçu également, mais leur ‘grande narration’ sur la lutte globale entre ‘les modérés’ et ‘les extrémistes’ l’ont emporté sur leurs instincts en regard du conflit palestinien local.

La thèse selon laquelle, littéralement, ‘tout’ doit être fait soit pour installer ‘les modérés’ au pouvoir soit les empêcher de perdre le pouvoir – appelé par euphémisme ‘soutenir la modération’ – est au cœur de la crise de Gaza.

C’est un récit qui a servi les intérêts israéliens plus larges pour recueillir une légitimité pour la politique envers l’Iran, et pour dichotomiser la région entre ‘modérés’ et ‘extrémistes’. Le prosélytisme de l’envoyé du Quartet, Tony Blair, autour du monde sur ce thème a été un atout énorme ; mais son adhésion, et celle d’autres membres du Quartet, à cette doctrine, dans la pratique, n’a fait que pousser la perspective d’une solution politique au conflit israélien-Palestine hors d’atteinte – en collant à un mouvement de libération nationale palestinienne aussi important que le Hamas l’étiquette d' ‘extrémiste’ – bien qu’il ait gagné les élections nationales et locales.

La Grande-Bretagne et les USA se sont plutôt affairés à entraîner une milice ‘de forces spéciales’ palestiniennes autour de Mahmoud Abbas, qui a servi à réprimer l’activité politique du Hamas et à boucler les organisations d’aide sociale qui ne sont pas directement alignées à Abbas. Une politique de ‘nettoyage’ politique de la Cisjordanie , masquée sous la rhétorique de ‘la construction d’institutions de sécurité’, a été accueillie par une contre-réaction équivalente à Gaza.

La conséquence paradoxale de ceci a été de créer un tel schisme au sein du corps politique palestinien qu’aucun dirigeant palestinien ne jouit maintenant plus de la légitimité nécessaire à la présentation d’une solution politique devant le peuple : l’Occident a sacrifié son souhait d’une solution politique à son idéologie de la ‘modération’ contre ‘l’extrémisme’.

Les responsables de la sécurité ont dit clairement qu’Israël ne permettrait pas de nouvelles élections en Palestine – de crainte que le Hamas ne les gagne ; et tandis que l’Occident continuera probablement à conférer à Mahmoud Abbas les attributs de la légitimité après l’expiration de son mandat le 9 janvier 2009, il ne bénéficiera pas d’une telle légitimité parmi les Palestiniens. Et le fait même de mettre à profit une légitimité aussi spécieuse ne le discréditera que davantage.

Voici donc la toile de fond contre laquelle le Hamas a choisi de refuser le renouvellement d’un cessez-le-feu : rester passif et acculé pendant que les Palestiniens de Gaza étaient poussés à la misère et au désespoir dans un cessez-le-feu prolongé et regarder – consentant – tandis que le nettoyage politique anglo-américain en Cisjordanie continuait, ce n’était tout simplement pas faisable. Une explosion, à un certain moment, était inévitable.

La seule option était de briser le moule d’une Gaza laissée ‘mijotante’ dans son malheur isolé, et une Cisjordanie gelée dans un système de contrôle israélien total, mais pourvoyant l’illusion ô combien importante d’un ‘processus politique’ dont les dirigeants occidentaux pourrait faire l’éloge de retour à la maison.

Cela représentait une formule qu’Israël pourrait soutenir avec bonheur pour les années à venir, selon l’opinion du Hamas. La campagne électorale israélienne semblait confirmer une rechute de l’électorat dans le mode ‘sécurité’ – ayant interprété le ‘processus’ d’Annapolis comme la manifestation d’un durcissement des positions négociatrices palestiniennes : à nouveau, il y avait un consensus israélien qu’il n’y avait ‘aucun partenaire pour la paix’.

En prenant une telle décision, Hamas savait qu’il ne pourrait pas vaincre la force militaire d’Israël ; mais la ‘guerre’ est déjà en train de battre les cartes des politiques tant palestiniennes que régionales. Si elle s’étend, et si la résistance est perçue comme s’en acquittant bien par les Palestiniens et les Musulmans, alors la structure de la direction palestinienne pourrait être mûre pour une restructuration majeure.

De même, la colère régionale générée par toutes les images des morts à Gaza est un potentiel pour que le conflit s’élargisse géographiquement et elle est en train de coaliser la résistance arabe et islamique contre certains dirigeants arabes. Sayyed Hassan Nasrallah du Hesballah a souligné cette perspective dans deux récents discours clés : si un tel élargissement du conflit se produisait, il aurait des conséquences importantes. Ce sont des grands et importants ‘si’.

Mais la décision du Hamas doit être replacée contre cet arrière-plan – plutôt que d’être décrite comme le mépris cynique des vies palestiniennes.

Source : Conflicts Forum

Traduction : MR pour ISM

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