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Israël - 26 janvier 2005
Par Avigail Abarbanel
Avigail Abarbanel est un ancien sergent-chef israélien de l’armée israélienne. Elle est un psychotherapeute/conseiller dans un cabinet privé à Canberra en Australie et une activiste pour les droits des Palestiniens. Cet article a été édité la première fois sur Peacepalestine blog.
Il y a deux mois je suis revenue d'une visite de deux semaines dans ma famille en Israel.
Bien que je sois une activiste pour les droits des Palestiniens, j'ai décidé que cette visite serait entièrement privée.
Ces deux semaines passées avec mon frère, son épouse et leurs deux petites filles dans leur appartement minuscule d’une banlieue nord de Tel-Aviv, m'ont donnée l'occasion d'observer et de voir comment, à l'heure actuelle, se passe la vie au quotidien pour les Israéliens.
Je n'ai fait rien de particulièrement remarquable. J'ai fait de longues promenades dans les rues de Tel-Aviv etj' ai visité plusieurs des endroits que je connaissais auparavant. J'ai fait des emplettes au supermarché local et j'ai pris le café dans le centre commercial voisin.
J'ai regardé la télévision locale et je suis même allée à la gymnastique.
Pendant deux semaines j'ai eu une vie ordinaire à Tel-Aviv. Plutôt que de parler, j'ai beaucoup écouter. Je parle couramment l'Hébreu, naturellement, aussi il était facile de m'intégrer et les gens autour de moi ont parlé librement.
Les médias australiens aiment souligner à quel point la vie est dure pour les Israéliens, et j'ai voulu voir par moi-même.
La chose la plus évidente concernant la société israélienne, c'est à quel point les Israéliens se sentent peu en sécurité. Ils sont nerveux et agités et vivent à un fort niveau d'anxiété. Non pas que cela soit nouveau pour moi mais là ça m'a semblé avoir pris une nouvelle forme.
Quand une bombe a éclaté sur le marché Ha'carmel dans le centre de Tel-Aviv, j'étais à la gymnastique.
J'ai regardé autour de moi et en quelques instants, tout le monde était au téléphone à raconter, ou à vérifier ses proches. Un jeune femme juste à côté de moi soupira avec angoisse en disant : "pas encore".
Depuis mon adolescence, j'avais l'habitude de faire vérifier mes sacs chaque fois que j'entrais dans un bâtiment public comme un cinéma ou un supermarché partout en Israël.
En dépit de mes 13 années en Australie, le réflexe d'ouvrir mes sacs était toujours là.
Ce qui était différent cette fois-ci, c'était que maintenant les gardes de sécurité ont également un détecteur électronique pour scanner votre corps.
De nos jours, même les petites entreprises comme les restaurants et les café restaurants ont leurs propres gardes de sécurité à l’entrée. Il y a un petit 'niveau de sécurité 'de 2 NIS ajoutés à votre note pour aider l'entreprise à payer le garde de sécurité, mais vous n'êtes pas obligés de le payer.
Les Israéliens ont toujours parlé de la paix, l’ont chanté, fait de l'art et de la poésie à son sujet comme si c'était quelque chose de presque super naturel, une certaine sorte de paradis à laquelle ils aspirent mais qui n'a rien à voir avec leur réalité quotidienne, et ils n'ont aucune idée de comment l'obtenir.
Mais que signifie réellement la paix pour ces Israéliens épuisés et inquiets.
C'est triste et perturbant de voir comment les Israéliens tiennent désespérément à ce qu'ils pensent être la 'normalité '.
Ils sont désespérés d’être 'comme tout le monde' dans n'importe quel autre pays occidental, ils vont travailler, ils vont faire des emplettes, ils sortent dans des bars et des café-restaurants avec des amis.
Ils sont choqués et désespérés quand les militants palestiniens perturbent de temps en temps cette routine de la 'normalité '. À un certain niveau, je peux compatir avec cela.
Après tout, l'une des raisons principales de mon départ d'Israël était que je trouvais ce mode de vie insupportable
Quand la vie est si difficile, je suppose que c'est humain de souhaiter la fin de vos difficultés.
Mais voilà où se trouve réellement le problème.
Quand un individu, un groupe ou une société entière vit avec un sombre secret ou nie quelque chose d’important de leur passé, ils ne peuvent pas éprouver la paix.
C’est tout simplement impossible de vivre une vie 'normale' ou paisible sur la base de mensonges et de secret.
Nier le nettoyage ethnique des Palestiniens en 1948, essayer de ne pas penser aux conséquences des longues années d’occupation brutale, et juste souhaiter que tout cela disparaisse n'est rien d’autre qu’un fantasme.
Dans une thérapie de famille, il y a un principe admis que si les injustices sérieuses ne sont pas abordées, il ne peut pas y avoir de véritable paix.
Les familles qui protègent des sombres secrets payent toujours le prix fort.
J'ai observé les intellectuels israéliens à la télévision s'engager dans une véritable discussion en essayant d'analyser et de comprendre pourquoi les choses sont si mauvaises en Israël.
Ils ont soulevé tours les raisons possibles à la situation sauf la plus évidente : l'histoire d'Israël.
C’était atroce de regarder cela mais c’était également familier.
Je n'ai jamais vu une société aussi engagée dans la dénégation que la société israélienne.
La totalité des hommes politiques israéliens sont dans le déni de l'histoire d'Israël et c'est pourquoi je n’ai pas beaucoup plus confiance en la Gauche israélienne.
La poignée de ceux qui ne sont pas dans le déni comme le Dr Ilan Pappe qui est venu en Australie l'an dernier, ou le Dr Uri Davis, se situent à l’extérieur.
Leurs recherches sur les événements de 1948 et les circonstances entourant la naissance de l'Etat d'Israël ne sont pas abordées sur la télévision publique et ne se trouvent pas dans les livres d'histoire israéliens.
L'Israélien moyen ne sait pas même qui ils sont.
Bien qu'édités par des éditeurs honorables comme la Cambridge University Press, les livres du Dr Pappe ont été, à ce jour, refusés de publication en hébreu. La raison donnée est qu'ils manquent de valeur scolaire.
La manière dont la plupart des Israéliens perçoivent leur propre histoire est comme s’ils avaient toujours été la faible victime.
La question de savoir si oui ou non c’était moralement bien ou même sage de créer un Etat aux dépens d’un autre peuple n'est jamais soulevée.
Personne ne remet en cause la validité de la démocratie dans un pays où le droit à la citoyenneté est basé sur la race (vous pouvez devenir un citoyen israélien seulement si vous pouvez prouver que votre mère est juive).
Quand les Israéliens s'engagent dans des 'discussions de paix", il est important de comprendre leur position de base.
Ils n'ont aucun véritable intérêt dans une solution qui va au coeur de leur problème.
Ils sont comme un individu qui veut que ses symptômes partent mais qui refuse de faire quoi que ce soit concernant leurs véritables causes.
Un souhait 'de rester seul' n'est pas vraiment une base pour une paix durable, au moins pas sans une autre opération de nettoyage ethnique.
Cinq millions de Palestiniens sont là pour rappeler à Israël son passé, et ils ne s’en vont pas n'importe où.
Un jour, et j'espère que ce jour viendra, quand les Israéliens décideront de cesser de vivre dans la dénégation, ils se rendront compte que la véritable paix viendra seulement par la justice.
La justice dans ce contexte signifie une chose, que l'idéal d'un état exclusivement juif au prix d'un peuple entier doit être abandonné.
Seul un Etat Bi-national et un droit au retour pour les réfugiés palestiniens pourra rectifier certaines des injustices commises en 1948 et depuis.
Après avoir été éthniquement nettoyé, c’est également ce à quoi les Palestiniens ont droit en vertu du droit international et de la décence humaine commune.
Ce pourrait être l'expiation d'Israël.
Ce sera également l'occasion pour Israël de se débarasser de ce fardeau de culpabilité qui, à mon avis, transforme leurs vies et la vie des Palestiniens en cauchemar.
Oui, ce sera un défi.
Mais cela offrira une possibilité de paix réelle et durable pour les Israéliens et pour les Palestiniens, et probablement pour la région entière.
Continuer avec la mentalité et la politique de refus mènera nulle part, et continuera à coûter les vies et le bonheur de beaucoup plus de personnes et de communautés.
Source : http://electronicintifada.net/
Traduction : MG pour ISM-France
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