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Palestine - 26 juillet 2007
Par Arjan El Fassed
Arjan El Fassed est l'un des co-fondateurs de The Electronic Intifada. Première parution le 22 décembre 2006
Certains ont appelé Mohammad Dahlan "l'Ahmed Chalabi palestinien", parce qu'il aurait négocié avec les USA et Israël la prise de contrôle de Gaza après le plan de désengagement d'août 2005. En avril 2002, témoignant à la Knesset devant la Commission des Affaires Etrangères et de la Défense, le Ministre de la Défense (israélien) Benjamin Ben-Eliezer a déclaré avoir offert le contrôle de la Bande de Gaza à Dahlan.
Dahlan en août 2005, lors d'une rencontre avec le Ministre israélien de la Défense Shaul Mofaz.
En échange, ce dernier, qui contrôlait la force militaire la plus importante à Gaza, devait garantir le calme complet le long de la frontière (1).
On pense qu'il a déjà signé un accord, lors d'une réunion à Rome en janvier 1994, avec des responsables militaires israéliens et du Shin Bet pour contenir le Hamas, et qu'il a été activement impliqué dans des négociations ultérieures avec les Israéliens.(2)
Aujourd'hui, Dahlan est devenu le visage d'une des facettes du Fatah, lorsque la violence s'est accrue entre le Hamas et le Fatah. Ces derniers temps, il est revenu dans le giron du président de l'Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas.
La semaine dernière, le Hamas a accusé Dahlan d'avoir planifié une tentative d'assassinat du Premier Ministre Ismail Haniya, du mouvement Hamas.
Haniya rentrait d'une tournée au Moyen Orient pour collecter des fonds vitaux pour les Palestiniens sous occupation, et avait obtenu la promesse du gouvernement syrien de libérer tous les Palestiniens emprisonnés dans ses prisons, lorsque le chaos a débuté.
La situation à la frontière égyptienne avec Gaza était tendue car elle n'avait pas été ouverte suffisamment longtemps pour permettre le passage des milliers de personnes, qui attendaient de chaque côté.
Les Israéliens avaient fermé la frontière lorsqu'Haniya a essayé d'entrer, la première fois, et qu'il rapportait des fonds, démarche interdite par le blocus économique et politique mené par les USA et imposé après que le Hamas ait remporté les élections parlementaires en janvier.
Dahlan a entrepris une tournée des villes palestiniennes cette semaine pour rallier des soutiens au Fatah, mais le succès n'a pas été spectaculaire.
Le 17 décembre 2006, alors que Dahlan était en visite dans le camp de réfugiés de Jénine, des résistants ont tiré en l'air au passage du cortège, lui gueulant dessus jusqu'à ce qu'il parte promptement.
Il a accusé le Hamas d'être à l'origine de l'assassinat de trois enfants à Gaza ville et a déclaré que le Hamas "n'a aucun programme politique, il laisse les Palestiniens dans le pétrin depuis que ce gouvernement est arrivé au pouvoir."
Entre temps, les Etats-Unis ont accéléré leurs transferts d'armes vers le Fatah via Israël. Dahlan est maintenant aux commandes d'une campagne armée contre le Hamas, depuis le quartier général présidentiel à Ramallah.
Dahlan est un des membres fondateurs de Shabiba, l'association pour la jeunesse du Fatah.
En 1994, il a dirigé les bien connues Forces préventives de sécurité à Gaza. On connaît ses bonnes relations avec la direction égyptienne et l'administration US, par ses liens avec la CIA.
Il a monté une force d'environ 20.000 hommes et a reçu l'aide des officiels de la CIA pour les entraîner.
Jibril Rajoub, un autre homme fort du Fatah, est l'ennemi juré de Dahlan. Ils ont tous les deux été emprisonnés par Israël pendant la Première Intifada.
Sous Oslo, ils ont pris la tête des services de la sécurité préventive, respectivement à Gaza et en Cisjordanie . A cette époque, on les considérait comme des pragmatiques, représentant la nouvelle génération de Palestiniens qui pouvaient vivre avec Israël.
Dahlan et Rajoub ont été impliqués dans des scandales financiers et des violations des droits de l'homme. Dahlan a travaillé avec les autorités israéliennes pour éliminer les groupes d'opposition, en particulier le Hamas, dont il a fait arrêté des milliers de membres.
Il était aux commandes lorsque les Forces préventives de sécurité ont arrêté arbitrairement des centaines de Palestiniens. Le premier affrontement violent entre ses forces et des manifestants a éclaté le 18 novembre 1994.
Le nombre de victimes, au moins quinze morts et des centaines de blessés, a soulevé beaucoup de questions sur ses troupes.
Tout au long des dernières années, les forces de Dahlan ont été impliquées dans des actes de violence et d'intimidation contre des critiques, des journalistes et des membres de groupes d'opposition, le Hamas en premier, emprisonnant les membres du mouvement, sans réelles accusations, pendant des semaines ou des mois.
De nombreux prisonniers sont morts dans des circonstances suspectes pendant ou après les interrogatoires menés par les hommes de Dahlan. (3)
En 1996, les troupes de Dahlan ont été impliquées dans les arrestations arbitraires de masse des opposants du Fatah. A la suite des attaques suicides de février-mars en Israël, c'est quelques 2.000 personnes qui ont été raflées, souvent de façon arbitraire.
La plupart de ces détenus n'ont jamais été accusés de crimes et n'ont jamais eu de procès. La torture et les mauvais traitements ont été régulièrement pratiqués par ses hommes au cours des interrogatoires et ont fait de nombreux morts.
En 2000, Dahlan a participé aux négociations de Camp David et les dirigeants israéliens l'ont vu comme quelqu'un avec qui ils pouvaient traiter.
En tant que responsable d'une des principales organisations palestiniennes de sécurité, Dahlan a également négocié avec les fonctionnaires israéliens pour tenter d'arranger un cessez le feu plusieurs fois après qu'ait éclaté la Deuxième Intifada en septembre 2000.
Avec le début de la Deuxième Intifada, Dahlan a affirmé qu'il n'était pas en mesure de mettre un terme aux activités de groupes militants comme le Hamas.
En 2001, il a mis en colère feu le Président palestinien Yasir Arafat en exprimant son insatisfaction sur le manque d'une politique cohérente pendant le soulèvement en cours.
Dahlan a démissionné en juin 2002 à la suite de désaccords avec Arafat sur la réforme de l'Autorité Palestinienne. Il a essayé de rassembler des soutiens pour constituer une alternative électorale à Arafat mais il n'y a pas donné suite, lorsque l'administration Bush a demandé le changement de la direction de l'Autorité Palestinienne en juillet de la même année.
Avant sa démission de l'Autorité Palestinienne en juin 2002, Dahlan a fait souvent partie des équipes de négociation sur les questions sécuritaires.
En mars et avril 2002, Dahlan a fait partie de la "Bande des Cinq" qui a dirigé l'Autorité Palestinienne pendant le siège du quartier général d'Arafat à Ramallah.
Bien qu'Arafat ait conservé le pouvoir et ait nommé Dahlan Conseiller à la sécurité nationale en juillet 2002, celui-ci a démissionné trois mois plus tard se plaignant du manque d'autorité et d'organisation de l'Autorité Palestinienne.
Contre la volonté d'Arafat, Mahmoud Abbas, qui était alors Premier Ministre, a nommé Dahlan Ministre de l'Intérieur, mais lorsqu'Abbas a démissionné, Dahlan est resté en dehors du gouvernement qui venait être formé.
Après avoir été écarté du nouveau gouvernement de l'Autorité Palestinienne, Dahlan a commencé à rassembler le soutien de sous-fifres du Fatah et d'anciens officiers des services de sécurité préventive, en réponse à ce qui était perçu par les dirigeants du Fatah comme un manque de réformes démocratiques.
En 2004, c'est Dahlan qui a fomenté les troubles qui ont duré une semaine à Gaza après la nomination du neveu d'Arafat, Mousa Arafat, largement accusé de corruption, à la tête des forces de police de Gaza.
Certains ont pensé que cette nomination était une démarche délibérée d'affaiblissement de la position de Dahlan avant le processus de désengagement dans la Bande de Gaza et elle a été à l'origine de protestations massives.
Dahlan est revenu sur le devant de la scène politique et l'arène sécuritaire cette semaine.
Il est apparu lors d'une réunion avec la Secrétaire d'Etat US Condoleezza Rice, à Jéricho, et lors de rencontres avec Javier Solana, de l'Union Européenne, et avec le Ministre des Affaires Etrangères allemand.
Il semble que, pour quelque raison que ce soit, les dirigeants mondiaux pensent que Dahlan est la bonne personne avec qui traiter.
Notes de lecture :
[1] Ha'aretz, Gideon Alon (30 avril 2002)
[2] Middle East International, 520.
[3] Annual reports of Palestinian Independent Commission for Citizens' Rights (PICCR); various reports from Addameer, PCHR and LAW; Palestinian Self-Rule Areas: Human Rights under the Palestinian Authority, Human Rights Watch (September 1997); Annual reports Amnesty International and Human Rights Watch (1994, 1995, 1996).
Source : Uruknet
Traduction : MR pour ISM
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