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Gaza - 23 août 2013
Par Haidar Eid
Le Dr Haidar Eid est professeur associé de littérature anglaise de l'Université Al-Aqsa dans la bande de Gaza en Palestine. Le Dr Eid est un des membres fondateurs du Groupe pour un seul Etat démocratique (One Democratic State Group - ODSG) et il est également membre de la Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d'Israël.
Le Dr. Haidar Eid parle de l'opposition à Gaza à la relance des pourparlers de paix, de la nécessité d'une autocritique palestinienne à propos des questions politiques actuelles, du déclin du soutien au Hamas et de la situation actuelle à Gaza. Selon Eid, ce qui se passe aujourd'hui à Gaza est un lent génocide.
Le monde assiste actuellement à une nouvelle tournée de négociations sous l'égide du ministre américain des Affaires étrangères Kerry. Où se situe Gaza dans ces pourparlers ?
Gaza est très diversifié et je ne puis parler pour Gaza en tant qu'entité mais manifestement, la plupart des gens ici sont opposés aux négociations. Le Hamas a fait connaître sa position officielle mardi : les responsables ont exprimé leur inquiétude quand à la reprise des pourparlers. La plupart des organisations faisant partie de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) – et parmi celles-ci aussi bien le Front populaire que le Front démocratique de libération de la Palestine (le FPLP et le FDLP) sont hostiles aux pourparlers – seules quelques membres de Fatah ont succombé au mensonge prétendant que les négociations pourraient apporter une solution viable.
Quand je m'exprime en mon nom personnel, en tant que partisan d'un Etat démocratique unique de Palestine, je suis opposé aux pourparlers, qui visent une solution à deux Etats. Nous estimons que créer deux Etats n'est pas une véritable solution mais une option raciste. Deux Etats viables sont devenus impossibles à réaliser – surtout parce qu'Israël a créé des faits sur le terrain qui faussent tout le concept.
Mais il y a plus encore : la solution à deux Etats ne garantit même pas un minimum de droits pour les Palestiniens. Il n'y a plus de pourparlers aujourd'hui sur le droit au retour des réfugiés, des villages et des villes qui ont subi une épuration ethnique en 1948. De 75 à 80 % de la population de Gaza est constituée de réfugiés et les lois internationales prévoient leur retour- qu'en est-il pour eux ?
Les accords d'Oslo n'ont jamais incorporé les lois internationales et, chose plus importante encore, ils n'ont jamais traité des mesures racistes et du système d'apartheid appliqués par Israël à l'encontre des Palestiniens.
Quelle alternative favoriseriez-vous ?
Fatah est la seule force qui soutient officiellement les négociations. Quand je m'y oppose, je ne représente pas seulement les gens de Gaza mais aussi la majorité des Palestiniens. Notre alternative ? S'en tenir à l'appel soutenue par la plupart des organisations en 2005 : Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) ! La campagne demande à la communauté internationale de boycotter Israël, de désinvestir dans son économie et d'imposer des sanctions jusqu'à ce qu'Israël obéisse aux lois internationales. Ensuite, lorsqu'il y aura des pressions, nous pourrons négocier.
En Afrique du Sud, l'ANC n'a pas négocié avant de bénéficier d'un soutien substantiel – nous ne pouvons négocier autour des droits fondamentaux : l'égalité des droits doit être la base des négociations à propos de toute forme d'Etat ! La seule solution juste est une solution comme celle de l'Irlande du Nord et de l'Afrique du Sud, ce qui veut dire un Etat laïque et démocratique pour tous.
Comment y arriver ?
La première étape : une autocritique sérieuse. Les Palestiniens doivent considérer publiquement ce que la direction de l'OLP et du Hamas ont fait pour que la cause palestinienne depuis les accords d'Oslo. Ces vingt dernières années ne nous ont menés nulle part. Au contraire, les colonies ont pris de l'extension et Gaza a été transformé en le plus large camp de concentration de la planète.
Deuxièmement, une autocritique sérieuse aboutira au démantèlement de l'AP. L'institution de l'AP crée une impression erronée, parmi la communauté internationale, d'égalité entre les deux camps. Comme si les Palestiniens avaient une armée et qu'ils occupaient un peuple ! Nous, en tant que Palestiniens, nous devrions avoir une administration locale afin d'organiser la vie quotidienne et la résistance, et non pour les saper.
Troisièmement, nous devons oublier la solution à deux Etats. C'est un complet gaspillage de temps et d'énergie. Nous devrions tous parler d'un seul Etat démocratique, par ce que deux Etats, c'est une fiction.
Quelle est la situation à Gaza pour l'instant ? Dans quel isolement vit la population ?
La situation s'est détériorée. Israël a durci son blocus. Les choses ont empiré dans les derniers jours du gouvernement de Morsi en Égypte, quand il a été décidé de détruire tous les tunnels (à la frontière entre l’Égypte et Gaza), qui sont d'une importance vitale pour l'acheminement de toutes les denrées de base ici. Après l'éviction de Morsi, la destruction des tunnels s'est poursuivie, et, aujourd'hui, la plupart sont fermés.
En outre, le seul point de passage officiel vers l’Égypte, Rafah, est fréquemment fermée comme aujourd'hui, par exemple. Rafah est d'une importance vitale ! Comme tous les points de passage vers Israël sont virtuellement fermés, Rafah est en quelque sorte le seul goulot pour sortir de Gaza.
Le Hamas a d'abord désavoué le régime syrien et le Hezbollah, aujourd'hui il a perdu les Frères musulmans en tant qu'alliés puissants en Egypte. Qu'est-ce que cela signifie pour le gouvernement du Hamas ?
Le Hamas est retourné dans les limbes, aujourd'hui. Il a perdu ses principales alliances stratégiques avec l'Iran et le Hezbollah, et il y a renoncé pour avoir des relations plus étroites avec les Frères musulmans et le Qatar. Maintenant que les Frères musulmans ont été destitués du gouvernement en Égypte, le Hamas reste suspendu en l'air. Et le nouvel émir du Qatar témoigne d'un nouveau style de diplomatie, qui accroît encore la pression sur le Hamas.
En fait, le Hamas n'a pas une vision politique bien définie. On continue à entendre des positions contradictoires de la part de divers responsables. Cela a également affecté les pourparlers en vue de la réconciliation avec le Fatah en Cisjordanie , qui, effectivement, ont abouti à une impasse.
Gaza est contrôlé par le Hamas, oui, mais le Hamas n'est rien d'autre que le chef des détenus parmi le 1.7 million de prisonniers que comptent Gaza.
Quels sont les sujets actuels de la politique interne de Gaza ?
D'abord, il y a la nécessité de mettre un terme à ce siège mortel, médiéval imposé à Gaza en 2006. Il se produit ici un lent génocide qui a déjà causé la mort de plus de 200.000 personnes qui n'ont pas reçu de très importants traitements médiaux. Le taux de malnutrition à Gaza est le plus élevé de la planète.
La fin de ce siège ne viendra que dans le cadre d'une solution politique à la question palestinienne dans son ensemble Quand nous parlons de négociation, nous parlons également du sort de Gaza – c'est aussi pourquoi nous, les activistes à Gaza, soutenons les BDS avec tant de rigueur.
Nous sommes très affectés par ce qui se passe en Égypte. Dès maintenant, nous retenons notre souffle. Nous voulons que l’Égypte rouvre le passage de Rafah fermé le 27 juillet. C'est notre seule option, aujourd'hui précisément de façon à ne pas nous transformer en otages des quatre volontés israéliennes.
Et quelle est l'importance du soutien dont bénéficie le Hamas aujourd'hui à Gaza ?
Le Hamas a perdu une part importante de sa popularité de fait qu'il s'est servi d'outils et de tactiques de répression contre ses opposants. La plupart des gens qui ont voté pour le Hamas ne l'ont pas fait parce qu'ils étaient partisans du Hamas, mais parce qu'ils étaient contre la corruption de l'AP et contre le concept de la solution à deux Etats. En tant que tel, le Hamas était la seule option.
Aujourd'hui les gens mettent en question tout ce que le Hamas a dit avant les élections. Il promettait la résistance mais, en fait, depuis les accords avec Israël, il ne permet plus le moindre genre de résistance indépendante et populaire du tout.
Y a-t-il une perspective pour Gaza ?
Pour moi, il y a une seule vision correcte : une solution pour la Palestine dans son ensemble et qui appliquerait la résolution 194, de l'ONU qui réclame le droit au retour pour tous les réfugiés et des compensations pour les décennies qu'ils ont passées en exil. Gaza devrait faire partie d'un Etat laïque démocratique unifié appelé Palestine.
Israël a une autre vision : Il veut se débarrasser de Gaza. Il eut que Gaza fasse partie de l'Égypte comme il l'était avant 1967, et ce afin de se débarrasser une fois pour toutes de ses problèmes avec Gaza. Les Égyptiens n'en veulent pas et ne permettront jamais la chose. En lieu et place, ce qui se passe aujourd'hui, c'est un lent génocide, à Gaza.
Interview publié sur AIC le 18 août 2013. Traduction : JM Flémal.
Autre publication de Haidar Eid sur le site Pour la Palestine : Lettre ouverte "from Gaza to Obama"
Source : Pour la Palestine
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