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Palestine - 29 novembre 2007
Par Abdel Bari Atwan
Nous ne connaissons pas le secret qui fait que la plupart des présidents américains ne s’intéressent à la question palestinienne et n’organisent des conférences de paix pour la résoudre qu’à l’automne de leur présidence, c'est-à-dire à quelques mois avant de quitter la Maison Blanche.
C’est ce qu’a fait le président Clinton et, avant lui Georges Busch père et, après lui Georges Bush fils qui héberge aujourd’hui la conférence d’Annapolis en présence des représentants de plus de cinquante Etats dans une kermesse médiatique sans précédent.
Sûrement que les avis sont partagés quant aux chances de succès ou d’échec de cette conférence, mais il est sûr par contre que le président Bush ne fera pas son entrée dans l’histoire comme un artisan de la paix et n’aura pas le prix Nobel de la paix.
Il y sera par contre comme l’homme qui a détruit deux Etats au Moyen-Orient, l’Irak et l’Afghanistan, semé le désordre et la violence, causé la mort d’au moins un million de personnes, légitimé la torture à Abou Graieb, nui aux plus grandes valeurs occidentales de liberté et de l’indépendance de la justice, en ouvrant le camp de Guantanamo.
Le président Bush a passé plus de sept ans de ses deux mandats à la Maison Banche, en ignorant le conflit arabo- israélien, refusant de fournir le moindre effort sérieux pour atténuer les souffrances de plus de neuf millions de Palestiniens, dans le pays et en exil.
Pourquoi donc se rappelle-t-il brusquement de ce conflit et décide-t-il de convoquer une conférence internationale pour le résoudre ?
Serait-ce les installations nucléaires iraniennes qu’il veut détruire, dans une nouvelle guerre, ou bien parce qu’il a senti que la direction palestinienne était suffisamment faible pour lui soutirer des concessions fondamentales que nulle autre direction palestinienne n’a fait et ne pourra faire ?
Le président Mahmoud Abbas participe à cette conférence parce qu’il a placé tous ses œufs dans le panier américain et que son autorité à Ramallah ne peut vivre un seul jour sans l’argent de la Maison Blanche et la satisfaction d’Israël.
Quant au chef du gouvernement israélien, Yehoud Olmert, il y va parce qu’il ne peut dire non à l’administration américaine et qu’il est tout à fait certain de pouvoir compter sur le soutien de cette administration et sa compréhension de sa propre position intérieure et des intérêts stratégiques d’Israël.
La participation arabe :
Le plus grand paradoxe réside dans la participation massive des pays arabes à cette conférence d’Annapolis. Aucun des pays invités ne s’y est absenté. Reconnaissons à d’autres, comme la Libye, la Somalie, Djibouti ou les Comores, qu’ils n’ont pas quémandé des invitations ni cherché à y participer.
En Somalie, il n’y a pas de gouvernement réel et Djibouti n’est guère concerné, son président ne disposant pas d’avion spécial pouvant le conduire à Washington. Peut-être qu’il n’aurait même pas fait le voyage en avion de ligne, préférant économiser à son peuple le prix du billet d’avion et les frais de séjour. Il doit en être de même pour le président des Comores.
Les ministres des affaires étrangères arabes vont à Annapolis en tant que faux témoins et pour éviter d’effaroucher le président américain et ses amis. Leur rôle se limitera à normaliser leurs relations avec Israël, publiquement ou dans les coulisses, et peut-être aussi à exercer des pressions, en cas de besoin, sur le représentant palestinien pour qu’il assouplisse sa position et se montrer aussi pragmatique que possible.
Cela signifie qu’il n’a pas à s’accrocher à des positions "peu réalistes" telles que le droit au retour des réfugiés, la récupération d’Al Quds, le démantèlement des colonies et la nécessité que le document final commun le spécifie clairement.
Cette conférence, qui se tient après l’Intifada, est susceptible de déboucher sur deux scénarios possibles :
Le premier, c'est que les deux parties, palestinienne et israélienne, se seraient entendues sur un accord commun sur l’ensemble des problèmes de la phase finale, à l’exception, peut-être, de quelques détails dont la solution nécessiterait l’intervention des américains, en temps utile. Auquel cas, une autre conférence se tiendra pour l’adoption de la solution trouvée et pour lui donner une légitimité internationale.
Les partisans de cette vision estiment qu’il n’est pas logique que huit rencontres au sommet entre Abbas et Olmert, en plus des dizaines de rencontres entre les deux délégations de négociation, au cours des six derniers mois, n’aboutissent qu’à du vent. Il est certain, disent-ils, que des avancées volontairement non rendues publiques ont été enregistrées et que les déclarations officielles les ont sciemment occultées.
Le deuxième, par contre, estime que les négociations palestino israéliennes n’ont fait que moudre du vent et qu’elles n’ont donné lieu à aucun accord et ce, à cause des tergiversations d’Olmert et de la complicité de l’administration américaine, convaincue de la fragilité du gouvernement israélien et de son incapacité à toucher aux problèmes sensibles et litigieux tels que Al Quds et les colonies, sans parler de la bombe explosive que constitue le problème de retour des réfugiés.
Le Deuxième scénario est plus plausible, parce que six mois de rencontres et de négociations, à tous les niveaux, n’ont pas permis de démanteler une seule colonie, lever un seul des plus de cinq cents barrages en Cisjordanie , ni libérer un seul prisonnier palestinien de premier plan, bien que les prisonniers soient des milliers et que leur nombre dans les prisons de l’occupant augmente chaque jour.
Le président Abbas n’est pas accrédité par le peuple palestinien à négocier en son nom des questions relevant de la solution finale. Il ne s’est adressé à aucune institution palestinienne légitime, représentative ou désignée (Le Conseil national ou l’Assemblée nationale) pour obtenir son avis ou sa caution dans cette entreprise.
Il a consulté tout juste la poignée de personnages de son entourage, tels que Salam Fayadh qui représente un groupe parlementaire composé de deux députés, lui-même et le Docteur Hanane Achraoui, qui a pris ses distances avec lui.
Il a consulté aussi Yasser Abd Rabbo qui ne se prévaut d’aucune représentativité dans cette assemblée et tire sa légitimité en tant que membre d’une "commission exécutive" qui a terminé son mandat depuis dix ans et dont nombre de ses membres sont décédés. Ceux d’entre eux qui sont encore en vie, sont ou bien malades ou tout confinés chez eux.
Il est important de noter que l’autorité présidée par Abbas, qui n’a cessé de protester, très justement, contre la répression des manifestations de ses supporters à Gaza, est celle là même qui a interdit les manifestations de protestation contre la conférence d’Annapolis en Cisjordanie .
Les récalcitrants qui auraient l’intention de passer outre cette interdiction, auront à faire face aux nouveaux véhicules blindés qu’Israël a autorisé leur introduction en Cisjordanie , pour accomplir, justement et pleinement cette tâche.
Le président Abbas va à Annapolis, désigne les négociateurs, rencontre Olmert ou le président Bush sans en référer ni demander l’avis de quiconque. Cela ne s’est jamais passé ainsi, depuis le début de la lutte contre le projet sioniste en Palestine, il y a de cela un siècle.
Même en admettant qu’il reviendra de cette conférence et des négociations ultérieures avec un accord de paix, il n’a pas la capacité, les prérogatives et la popularité suffisantes pour le faire accepter par le peuple palestinien, ni même par les cadres du Fatah qu’il dirige et qu’il n’a guère consulté, par le biais de ses structures représentatives.
Pour la deuxième comme pour la énième fois, le succès de la Conférence d’Annapolis réside dans sa tenue, parce que cela veut dire que la normalisation arabo-israélienne, partielle ou totale, s’est accomplie et qu’on a essayé tristement d’améliorer l’image du président Bush auprès des arabes et des Musulmans, après ses crimes et son échec flagrant en Irak et en Afghanistan.
Ce succès réside aussi dans la tentative inédite de constituer un front arabo-israélien, sous la direction américaine, pour frapper l’Iran.
Source : Al Quds Al Arabi
Traduction : Ahmed Manai pour www.tunisitri.net/
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Abdel Bari Atwan
29 novembre 2007