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Moyen Orient -

Surmonter le Sectarisme au Moyen-Orient : Interview d'Hisham Bustani

Par

Hisham Bustani est le Secrétaire du Forum de la Pensée Arabe en Jordanie et membre du Comité de Coordination de l'Alliance du Peuple Arabe Résistant. La version arabe originale de cet entretien est disponible en ligne à raya.com.

Dans une récente interview diffusée par le quotidien qatari Al Raya, l'écrivain et militant jordanien marxiste, Hisham Bustani, analyse les questions d'actualité : la situation dans la région Arabe ; les menaces contre l'Iran ; l'"Initiative du Grand Moyen-Orient" ; les États-Unis, les régimes arabes et les Islamistes, ainsi que les perspectives du projet de libération arabe.
Cette interview, menée par le journaliste As'ad al Azzouni, clarifie les processus internes de soumission et leurs liens avec des développements externes.

Surmonter le Sectarisme au Moyen-Orient : Interview d'Hisham Bustani

As'ad al-Azzouni : Nous voyons ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie , au Liban et en Irak. Comment doit-on lire l'état actuel des choses dans la région arabe, et comment voyez-vous l'avenir ? Existe-t-il un moyen de sortir de cette situation ?

Hisham Bustani : La région arabe est un endroit où deux projets et des variables qui leur sont liées sont en concurrence. Malheureusement, ces deux projets n'ont rien à voir avec la libération arabe.

Le premier et le plus dangereux des deux, celui de "première priorité" sur l'agenda de la confrontation, est le projet ancien/nouvel impérialiste/sioniste.
Il s'appuie sur la poursuite de la domination colonialiste et les divisions qu'elle a créés dans le monde arabe, avec son cortège de fragmentation dans les pseudo-Etats fabriqués existants qui ne parviennent pas à mettre en oeuvre un véritable projet de libération.

Les nouvelles variables dans l'évolution de l'impérialisme sont :
1) l'unipolarité,
2) son besoin urgent de reconstruire la géographie politique qui avait été relativement stable au cours de la période colonialiste et tout au long de la guerre froide, et
3) ses efforts pour paralyser les puissances nouvellement émergeantes : pour l'essentiel la Chine, l'Inde et l'Europe.

La nouvelle règle politique dans la région arabe est la fragmentation et la réorganisation des sociétés post-coloniales en des unités de familles et clans plus petits, à sectarisme religieux et ethnique.

Les États arabes oppressifs et leurs régimes patriarcaux et tyranniques ont joué un rôle majeur en ouvrant la voie à la fragmentation grâce à la destruction de la population civile et des structures sociales.

Ici, nous pouvons discerner clairement le rôle hautement fonctionnel des régimes arabes en tant que soutiens de l'impérialisme et de ses programmes de contrôle.

Outre les exemples de l'Irak et du Liban, qui sont actuellement en ébullition, l'observateur objectif peut trouver des amorces de divisions en vue d'une éventuelle explosion dans bien des pays arabes.

Mais il faut les étudier soigneusement pour trouver des contradictions potentielles internes : dans les pays du Golfe et au Yémen (entre les Sunnites et les Chiites), en Syrie (entre les Sunnites/Alawis/Durzis/Kurdes), en Jordanie (entre les Jordaniens et les Palestiniens et les divisions clans/familles), en Egypte (entre les Musulmans et les Coptes), et dans les Etats du Maghreb (entre les Arabes et les Amazighs (ndt : les Berbères))

Il est à noter que les régions déjà déchirées par des fragmentations internes et anéanties par des conflits sont celles où existe une résistance organisée (Irak, Liban et Palestine). Cela indique clairement une dynamique de cause à effet : l'une des raisons les plus importantes à la création et à la reproduction de structures sociales fragmentées, c'est de contenir et d'éliminer les phénomènes de résistance et d'empêcher ou de contrôler l'apparition de nouveaux foyers de résistance.


Le second projet important dans la région arabe est le projet iranien.
Son aspect problématique, c'est qu'il ne s'agit pas d'un projet de libération, mais qu'il est basé sur un programme expansionniste avec des aspects nationalistes et confessionnels.
Bien qu'il se heurte à l'impérialisme américain et à ses orientations, la lutte du régime iranien contre l'impérialisme est basée sur des avantages et des sphères d'influence, et elle n'est pas orientée vers une politique de libération.

De cette façon, nous pouvons mieux comprendre l'émergence des contradictions dans la politique iranienne : le soutien du régime à la résistance au Liban et en Palestine, sa facilitation de l'invasion et de l'occupation américaines en Afghanistan et son rôle destructeur en Irak par le financement de milices sectaires et politiques, ce qui a causé la destruction du pays et la mort de nombreux Irakiens.

Pour ces raisons, les Arabes ne peuvent pas compter, pour leur libération, sur le projet iranien, et ils ne peuvent être que des clients et des subalternes s'ils optent pour le projet impérialiste/sioniste.
En outre, ils ne peuvent pas jouer sur les puissantes contradictions entre les deux projets, tout simplement parce qu'ils sont plus faibles qu'eux.

Dans cette équation géopolitique, un projet qui est basé sur la faiblesse, et encore plus un projet qui n'existe pas, ne peut pas lutter contre des projets mondiaux et régionaux puissants.

La seule perspective d'avenir est celle axée sur la résistance, avec toutes les dimensions que ce concept suppose. Une résistance comme agenda primordial est le seul mécanisme capable de pousser vers une régénération et une émancipation collectives.

Même si certaines parties de la résistance adoptent une apparence confessionnelle et un compas, elles ne seront jamais victorieuses à moins que l'on puisse éliminer ce sectarisme, car c'est le principal obstacle qui se dresse sur son chemin. Surmonter le sectarisme à l'intérieur d'un programme de résistance est la clé de l'avenir.

La résistance dans la région arabe se retrouve dans trois espaces de lutte. Ces trois résistances portent le fardeau de transformation du statu quo. Les Sionistes ont été battus à deux reprises au Liban (2000, 2006); la puissance militaire de Washington et sa crédibilité sont gravement mises à mal en Irak, à un point tel que de nombreux analystes et hommes politiques aux Etats-Unis parlent ouvertement d'un retrait.
En Palestine, la division et la fragmentation de la résistance et la brutale oppression du Sionisme maintiennent et reproduisent une situation tragique qui représente un scénario futur sinistre.

Le projet de libération arabe ne pourra connaître une renaissance que dans les conditions suivantes :

Si les groupes de la résistance irakienne réussissent à former un véritable front de coalition nationale avec un agenda stratégique collectif. Ce premier front devra élaborer une vision concrète pour une transition de post-occupation (un gouvernement restructuré qui répondra à un conseil exécutif représentant tous les groupes anti-occupation ainsi que les différentes structures sociales et la fixation d'une date ultérieure pour des élections générales).
La stratégie doit nécessairement affronter la principale raison de la défaite : le sectarisme et le statisme post colonial (le confinement des efforts de libération dans les frontières de l'état post-colonial fabriqué où il sera objectivement enterré -- un récent exemple frappant : le Hamas à Gaza).

Si la résistance libanaise incarnée par le Hezbollah est capable de se transformer en un mouvement de libération national supra-sectaire, en allant bien au-delà de la spirale du sectarisme où il a été piégé par ses opposants depuis la victoire de 2006, empêchant le Hezbollah de récolter les gains politiques de la victoire sur l'impérialisme américain et israélien.

Si la résistance palestinienne arrive à retenir les leçons du Fatah et du Hamas : à savoir que la soi-disant Autorité Nationale Palestinienne n'est pas une autorité pour tous, et ne pourra jamais être "nationale", tout pendant qu'elle sera sous l'influence de l'occupant sioniste et de son agenda pour une domination sur l'ensemble de la Palestine, même dans les sujets les plus futiles.
Tout pendant qu'elle sera basée sur les accords d'Oslo, ce qui signifie une reconnaissance sans équivoque de l'occupation et de l'entité de l'Etat sionistes, sa tentative d'hégémonie sur tout processus politique, économique ou sécuritaire à l'intérieur des "territoires palestiniens" tronqués sera fondamentalement compromise.

L'Autorité Palestinienne est en fait la route qui mène à une subordination efficace au centre sioniste et à ses stratégies de contrôle. Si les Palestiniens comprennent cela, ils seront en mesure de passer à l'élaboration d'un programme stratégique qui refuse de reconnaître la légitimité de l'entité sioniste et la légitimité de tout processus politique qui le reconnaît ou le domine.

La lutte pourrait alors être renvoyée vers son incubateur panarabe, au lieu de l'horizon d''État post-colonial qui conduit inévitablement à un autre "Madrid" ou "Oslo." Le Panarabisme, au-delà des faux États existants, est la matrice pour une résistance efficace en Palestine et dans toute la région.

Si toutes ces pré-conditions ne sont pas remplies, il est probable que nous verrons le scénario actuel palestinien (des structures éclatées, fragmentées complètement sous le contrôle de l'occupant, même sans occupation directe), se répandre et se généraliser le long des lignes de front de la lutte (Irak, Liban, Palestine), suivi des transformations analogues de désunion dans les autres États arabes.


As'ad al-Azzouni : Il existe des menaces imminentes d'"agression" américaine contre l'Iran. Si ces menaces deviennent réalité, quelles seront les conséquences dans le Golfe et le reste de la région ?

Hisham Bustani : Nous nous opposons à toute agression ou intervention impérialiste partout dans le monde et nous nous opposons à tout projet américain pour l'Iran. Mais je doute que les menaces américaines puissent être facilement mises en oeuvre.
Il existe un certain nombre de raisons à cela, parmi lesquelles :

• Les États-Unis maintiennent actuellement plus de 160.000 soldats en Irak. Si l'on considère l'énorme influence iranienne en Irak, ces soldats deviendront instantanément des otages, et la moyenne quotidienne de décès de soldats américains passera du nombre actuel de 5 à 10 par jour à plus de 100 par jour en cas d'attaques aériennes ou autres contre l'Iran.
Si le nombre actuel de morts parmi les soldats américains provoque des problèmes majeurs à l'administration Bush, que se passera-t'il s'il est décuplé ?

• L'Iran a des relations étroites avec le Hezbollah au Liban et avec le Hamas et le Jihad Islamique en Palestine. Toutes ces organisations armées peuvent faire beaucoup de mal au principal allié des États-Unis dans la région, "Israël", si des hostilités contre l'Iran devaient être lancées.

• Les États-Unis maintiennent d'énormes bases militaires dans les pays du Golfe. Toutes sont à portée de tir direct de l'Iran, et donc courent des risques.

• L'Iran peut facilement arrêter le flux de pétrole dans le Golfe par le détroit d'Ormuz et le long de la côte iranienne, paralysant ainsi l'approvisionnement mondial en pétrole à un moment où le coût du pétrole a atteint un nouveau sommet sur les marchés internationaux.

• L'Iran a des relations diplomatiques et économiques fortement positives avec les principaux acteurs internationaux (Allemagne, Russie, Chine), et ils peuvent agir en tant que fonction de soutien ou de pacification.

Pour toutes ces raisons, je suppose qu'une agression américaine de grande envergure contre l'Iran est peu probable à cause des coûts géopolitiques élevés qu'elle entraînerait. Je pense aussi que les menaces américaines envers l'Iran sont orientées vers l'accomplissement de certains "progrès" sur le front irakien.

Nous entendons parler de nombreuses réunions entre les Américains et les Iraniens pour discuter d'arrangements en Irak, et en dépit de l'amère ironie de ces réunions (des responsables américains et iraniens discutent de l'avenir de l'Irak occupé!), non seulement elles soulignent l'absence d'un projet arabe influent dans la région, mais elles font également penser qu'une attaque majeure des Etats-Unis contre l'Iran est peu probable.


As'ad al-Azzouni : Qu'est devenu le projet du Grand Moyen-Orient ? Et pourquoi voyons-nous l'administration américaine se détourner de son chemin dans son approche sur cette question ?

Hisham Bustani : Le Grand (ou Nouveau) Moyen-Orient est confronté à des obstacles énormes, dont le plus important est celui de la résistance armée qui est capable de vaincre l'ennemi sur le terrain. Cela est principalement présent en Irak et au Liban.
Si l'agression israélienne contre le Liban en juillet 2006 a marqué les "douleurs de l'accouchement d'un nouveau Moyen-Orient", comme l'a dit Condoleezza Rice, et que l'occupation de l'Irak était son plus important paradigme, alors, à en juger par l'échec à la fois de l'agression et de l'occupation, le projet du Grand Moyen-Orient et l'Initiative Nord Africaine (BMEI), avec sa "stratégie avancée de liberté", était mort-né dès sa conception. Et le reste aussi, du moins pour le moment.

Le second obstacle est que de nombreuses puissances internationales et régionales trouvent une contradiction entre leurs intérêts et le Grand Moyen-Orient.

L'administration néolibérale maintenant à la tête de Washington est tellement autoritaire, avec son arrogance et sa confiance en elle, qu'elle ne peut plus se coordonner ou consulter ses plus proches alliés. Cet unilatéralisme est contre-productif pour un tel projet.

Les Européens (beaucoup plus proches géographiquement de la région arabe, et donc plus susceptibles d'être directement affectés par les conséquences d'un changement) ont leur propre projet, le partenariat euroméditerranéen, qui ne cadre pas bien avec le Grand Moyen-Orient.

La Chine, la Russie, l'Iran voient dans un remaniement géopolitique à leurs frontières une menace stratégique et nous pouvons conclure que la récente Organisation de Coopération de Shanghai et ses exercices militaires font partie d'une confrontation à l'expansion accélérée des Américains vers l'Est après la chute du Mur de Berlin, la tombée de l'Europe de l'Est et des républiques baltes dans le bec des Americains, et l'occupation de l'Irak et de l'Afghanistan.

Le troisième obstacle est l'absolu refus populaire arabe d'une "normalisation" de l'entité sioniste et de considérer qu'elle est une "partie normale et acceptable" de la région.
Une normalisation implique d'accepter l'anormal, l'injuste et ce qui est contraire aux intérêts de la population comme un fait devant être traité en tant que statu quo acceptable.
Une normalisation signifie de promouvoir une fausse édition de l'histoire qui pousse les gens à penser et à agir en conséquence, et elle agit en supplément aux autres énormes mensonges (ou autres "normalisations"), comme la "légitimité internationale", qui représente vraiment la volonté politique des puissances impérialistes, avec les Etats-Unis à leur tête.

Une normalisation faciliterait énormément la voie à "Israël" pour qu'il devienne le centre de l'hégémonie capitaliste dans la région qui ensuite contrôlerait un certain nombre de structures sociales fragmentées.

Depuis sa création en tant qu'entité coloniale, "Israël" n'a rien accompli sur cette question, sauf une rupture de l'unité au niveau des régimes (quand il a conclu trois accords de "paix" et s'est assuré d'une reconnaissance de tous les gouvernements de la Ligue Arabe) . Cette reconnaissance est d'une importance mineure, car les régimes arabes font partie du projet sioniste/impérialiste et ne lui sont pas antagonistes.


As'ad al-Azzouni : Les intentions de l'administration américaine au sujet d'une "démocratisation" de la région arabe ont été gelées. George W. Bush était-il honnête au sujet de cette "démocratisation" ? Pourquoi le discours américain sur la démocratie s'arrête-il quand il touche les Islamistes, malgré le fait que l'Islam politique est un allié des Etats-Unis contre les Soviétiques en Afghanistan et dans d'autres endroits ?
Pourquoi les États-Unis sont-ils autant ouvertement anti-islamiques aujourd'hui ?


Hisham Bustani : Dans leur ensemble, les régimes arabes sont des structures politiques suspendues en l'air. Ils n'ont aucune légitimité représentative et ils sont installés à leurs postes par la "poursuite" des règles en lien avec l'ère coloniale.

La poursuite de leur niveau d'autorité est liée au degré avec lequel ils sont capables de s'acquitter de leur principale fonction en tant que serviteurs et facilitateurs du projet impérialiste.

Les régimes arabes ne sont pas des "icônes sacrées" aux yeux des Etats-Unis, et ils ne sont pas un élément organique de l'impérialisme (contrairement à l'entité sioniste, par exemple). Par conséquent, ils peuvent sauter à tout moment s'ils ne sont plus bénéfiques aux États-Unis ou s'ils commencent à devenir un fardeau politique ou propagandiste.

La rhétorique américaine au sujet de la démocratie est un mensonge évident. Sa fonction est de soumettre les régimes arabes autoritaires mais coopératifs (qui sont oppressifs par nature) à plus de perversion pour une plus grande subordination. Rien n'horrifie plus les régimes oppressifs qui n'ont aucune légitimité populaire que les propos au sujet de la "démocratie", par conséquent, ils sont l'un des outils importants de la perversion.

En outre, "la démocratie" garde les options américaines ouvertes à toute autre force qui ambitionne d'avoir une chance de mettre la main sur le pouvoir, ouvre des pistes pour des "accords", et explore leur potentiel à se conformer aux exigences et aux intérêts américains.

D'une troisième perspective, l'illusion de la "démocratie" joue un rôle important dans la propagande américaine en interne et pour une partie du public dans le tiers-monde, et de cette manière, cela devient une excuse à l'interventionnisme et à l'hégémonie au nom d'"idéaux" abstraits.

Pour toutes ces raisons, les régimes arabes sont piégés dans une spirale de peur et de perversion : une perversion externe des puissances extérieures susceptibles de les renverser à tout moment, et une peur à l'intérieur du pays de tout courant politique ayant une légitimité populaire (tels que les mouvements islamiques), surtout si ces courants peuvent représenter une alternative acceptable pour les Américains et que l'on peut arriver avec eux à un minimum d'"arrangements".

En Irak, le Parti Islamique Irakien est l'un des piliers du processus politique financé par l'occupation, tandis que les Frères Musulmans Syriens prennent parti pour la version syrienne d'Ahmad el Jalabi : Abdul Halim Khaddam, l'ancien vice-président syrien qui est parti pour la France et est proche des cercles français et américains, comme possible remplaçant de Bachar El Assad.

Les Islamistes de Jordanie, tout en déclarant des positions politiques radicales sur l'Irak et la Palestine, s'opposent farouchement à toute discussion sur le rôle de leurs homologues irakiens et n'ont eu aucun scrupule (par exemple) à rencontrer le collaborateur en second du Secrétaire d'Etat américain en 2001, juste après le 11 Septembre.
Ils continuent à rencontrer des émissaires des milieux de Droite comme des représentants de la Carnegie Endowment for International Peace et à participer aux activités des ONG locales bien connues pour leur financement par l'USAID et d'autres sources analogues "corrompues par l'impérialisme".

Le Hamas en Palestine a accepté de prendre part aux "élections", de participer à un "Conseil Législatif" et de former un "gouvernement" – tout cela dans le cadre du processus politique dominé par l'occupation sioniste et basé sur les Accords d'Oslo.
Il a maintenant commencé à parler d'un "Etat palestinien dans les frontières de 1967", ce qui signifie qu'il a commencé à descendre la pente glissante de gestion du statu quo en tant que pouvoir politique "installé" qui a besoin de préserver ses réalisations insignifiantes (une voie que le Fatah a été le premier à suivre).
L'alternative serait plutôt de reconnaître ouvertement que l'"Autorité Palestinienne" n'est pas une autorité pour tous et de se préserver dans les tranchées de la résistance de principe.

L'Islam politique n'est pas visé par les États-Unis : ce qui l'est, c'est la résistance, quelle que soit son étiquette. En Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est, la résistance prend une forme de Gauche (les FARC, les partis communistes philippins et népalais), donc les Américains les attaquent. Dans la région arabe, la résistance prend une forme islamiste, donc les Américains les attaquent aussi. Le facteur commun est la résistance à l'hégémonie de Washington et à son agenda pour un contrôle, et non pas l'Islam.

En réalité, les Etats-Unis n'ont aucune objection à traiter avec un Islam modéré (comme le "modèle turc" et ses copies). Il convient de noter que les Islamistes de Turquie maintiennent leur traditionnelle alliance stratégique avec "Israël", et je présume que les Américains préfèrent confier la région arabe aux Islamistes modérés, pour diverses raisons.

Ces Islamistes représentent une force avec des extensions populaires et sociales ; Ils peuvent parler aux gens dans un langage que les masses comprennent, et ils peuvent offrir des structures sociales/économiques/politiques opérationnelles, contrairement aux régimes arabes qui n'ont rien de comparable.

C'est pourquoi les régimes arabes utilisent des techniques d'oppression afin de préserver leur pouvoir et les intérêts américains dans la région. Cette oppression peut, dans certaines circonstances, provoquer des situations explosives ou générer des phénomènes incontrôlables.
Par conséquent, dans cette perspective, s'insinuer dans les bonnes grâces des Islamistes "modérés" pourrait être perçu par le projet impérialiste comme une alternative plus viable et plus durable.

Cela pourrait expliquer l'énorme peur et haine que les régimes jordanien et égyptien vouent au mouvement islamique (les Frères Musulmans), en dépit du fait que ces derniers ne soient pas totalement radicaux, et qu'ils se présentent toujours comme un mouvement modéré wasati(1), fonctionnant toujours dans des concepts "classiques". Ce qui est nouveau, c'est la perception par ces régimes de la formation d'une alternative plus puissante.

En conséquence, ils cherchent à démanteler le mouvement islamique de l'intérieur, tandis que dans le même temps, ils lancent une violente campagne de relations publiques à usage externe pour convaincre l'administration américaine que ces Islamistes sont en fait tout sauf des modérés, et donc qu'ils doivent être partie de la cible et dans l'œil du cyclone de sa "guerre contre le terrorisme."

Le problème à double face ici est que le mouvement islamique assoiffé de pouvoir ne voit pas qu'il n'y a pas de perspective à l'horizon dans la formule politique actuelle sauf d'obéir et de faire des courbettes aux Américains et aux Israéliens, parce que le "pouvoir" qu'ils tiennent tellement à prendre dispose d'une structure subalterne.
À cet égard, l'"Autorité palestinienne" est le meilleur exemple. Au sein des structures subalternes du pouvoir, il est très facile de détourner ou d'étrangler quiconque cherche à mettre la main sur ces structures.

D'autre part, les mesures prises par les régimes arabes pour démanteler les mouvements islamiques modérés propulsent une partie de ces mouvements dans la clandestinité et créent des groupes violents et des attitudes qui explosent en une société ravagée et à capacité destructrice.

En outre, les régimes arabes peuvent en fait s'engager délibérémment dans cela, pour prouver leur "théorie" que les mouvements islamistes modérés ont un "noyau dur" qui est fondamentalement violent et qu'on ne peut pas arriver à des "arrangements" avec eux, alors que la société plus large, dans sa vulnérabilité nourrie par le sentiment de menace fabriquée, estime avoir besoin des régimes actuels pour préserver sa sécurité. De cette façon, les régimes arabes fabriquent un sentiment de "besoin" d'eux en interne et en externe.

Je pense ici que la violence politique est une création des régimes pour préserver leur position d'autorité, parce qu'ils ne bénéficient pas de véritable légitimité populaire, et qu'ils ont toujours besoin de raisons internes et externes pour assurer leur emprise sur le pouvoir.

Les Islamistes qui se voient du côté de la clarté politique doivent comprendre l'impossibilité de lier un programme de libération à une structure subalterne de pouvoir, et ils doivent décider de leurs options en se retirant d'une prétendue approche pragmatique qui permet un confinement et une manipulation des puissances internationales et régionales.

Les Islamistes doivent s'ouvrir aux autres forces non-religieuses (marxistes et nationalistes) et épouser un programme de libération civil et laïc, et ils doivent apprendre des expériences au Liban et en Irak, où l'élément religieux et sectaire était à la base du jeu de l'hégémonie et le fondement de la fragmentation qui a monté les gens les uns contre les autres au lieu de les unir contre leur ennemi commun.

Cela ne veut pas dire que les Islamistes sont opportunistes alors que les forces laïques ne le sont pas. Je me suis concentré sur les Islamistes parce qu'ils sont la seule véritable force politique sur la scène arabe aujourd'hui. Il y a deux tendances au sein du mouvement islamique, une tendance opportuniste et l'autre basée sur des principes.
Et les Islamistes de principe devraient faire attention car, à la lumière de cette analyse, ils seront les premiers à être sacrifiés par leurs frères opportunistes dans la foi et la bagarre.

Bien sûr, il y a aussi des opportunistes de Gauche (des bénéficiaires des ONG et des Marxistes devenu libéraux), et des nationalistes xénophobes (avec des tendances fascistes contre les Iraniens, les Kurdes et les Turcs), mais ces phénomènes sont insignifiants, puisque leurs courants sont trop faibles pour descendre dans les rues et défier le pouvoir actuel.

Globalement et comme principal desideratum, il y a aujourd'hui un énorme et pressant impératif pour la Gauche d'unir tous ses courants : la Gauche du mouvement islamique, la Gauche du mouvement nationaliste, et la Gauche de la Gauche progressiste et du mouvement révolutionnaire, sur la base d'un programme de résistance, de libération,et de clarté politique.
La Droite opposée à tous ces courants est déjà unie et prend des mesures.


NOTES

1 - En Arabe, wasati signifie centre. Cela a des implications politiques et religieuses dans le sens où un mouvement wasati adopte une position intermédiaire entre deux extrêmes.



Source : http://mrzine.monthlyreview.org/

Traduction : MG pour ISM

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