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Israël - 10 janvier 2006
Par Akiva Eldar
Roberts avertit que si toutes les parties concernées n'agissent pas plus courageusement, le pire n'est pas encore arrivé.
Il dit qu'il retourne au quartier général de la Banque Mondiale à Washington D.C. très inquiet.
Il craint que l'Autorité palestinienne, le plus grand employeur dans les territoires, affronte une crise financière qui pourrait avoir comme conséquence dans les mois à venir de ne plus être en mesure de payer les salaires de ses plus de 130.000 fonctionnaires et personnel de sécurité.
Aucune des parties concernées (que ce soit par ordre ou par omission) dans la prise de contrêle par le Hamas des territoires et dans le chaos qui y règne ne tirera beaucoup de satisfaction dans la confession de départ de Nigel Roberts, l'homme de la Banque Mondiale en Cisjordanie et à Gaza. Personne ne semble irréprochable : ni l'Autorité Palestinienne, ni le gouvernement israélien, ni les Etats-Unis, et ni les pays donateurs.
Ce haut fonctionnaire, né en Grande-Bretagne, possédant une maîtrise de l'Université d'Oxford, ne se trouve pas non plus d'excuses.
En effet, il y a plusieurs jours, Roberts a écrit dans une publication de la Banque Mondiale qu'il ne pensait pas que quelqu'un qui a travaillé si longtemps dans le processus de paix pouvait partir d'ici avec un sentiment de réussite, en ajoutant : "J'ai également manqué des occasions et j'ai fait des erreurs de jugement."
Dans une interview avec Haaretz, Roberts suggère que tout le monde devrait se regarder dans la glace et se demander : Est-ce que j'ai fait tout ce que je pouvais pour la paix? Est-ce que j'ai pris les risques nécessaires?
Il donne la réponse: "L'apparence reflétée dans le miroir est tout à fait déprimante. Je suis frustré par l'absence de progrès et le manque de courage de toutes les parties, y compris moi."
Les cinq années qu'il a passées dans les bureaux de la Banque Mondiale situés dans le secteur d'Ar-Ram, Ã la frontière nord de Jérusalem, ont été les pires années pour les Palestiniens et leurs voisins israéliens depuis l'occupation.
Roberts avertit que si toutes les parties concernées n'agissent pas plus courageusement, le pire n'est pas encore arrivé.
Il dit qu'il retourne au quartier général de la Banque Mondiale à Washington D.C. très inquiet.
Il craint que l'Autorité palestinienne, le plus grand employeur dans les territoires, affronte une crise financière qui pourrait avoir comme conséquence dans les mois à venir de ne plus être en mesure de payer les salaires de ses plus de 130.000 fonctionnaires et personnel de sécurité.
En clair : L'Autorité Palestinienne est au bord de la faillite fonctionnelle.
L'impossibilité de payer les salaires en totalité et à temps affectera des centaines de milliers de personnes qui en dépendent, et des dizaines de milliers de fournisseurs et de marchands qui gagnent leur vie grâce à ses employés. Ils rejoindront la masse des chêmeurs.
Selon la Banque Mondiale, le taux de chêmage dans les territoires excède les 20%, avec un taux d'environ 30% dans la Bande de Gaza et de plus de 40% dans la partie sud de Gaza et parmi les jeunes (âgés de 16 à 25 ans) du Sud de Gaza, la source préférée de la chair à canon du Jihad Islamique, le chêmage atteint le taux alarmant de 70%.
La faillite de l'Autorité Palestinienne après les élections, avertit Roberts, pourrait produire un choc d'une dimension inimaginable.
Il pointe sa première flèche en direction de l'Autorité Palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas (Abu Mazen). "Le gouvernement palestinien a besoin de l'aide permanente de la communauté internationale", déclare Roberts, "et pour garantir cela, il doit commencer par assumer ses responsabilités."
Augmenter les salaire au moment où les ressources ne sont pas disponibles pour ça, constate-t'il, est précisémment l'opposé d'une manifestation de responsabilité et de fiabilité.
La conséquence directe de cette initiative fût une décision prise par la Banque, soutenue par la Commission Européenne, de geler les 60 millions de dollars destinés à financer le budget de fonctionnement de l'Autorité Palestinienne.
Selon Roberts, cette mesure de grande envergure a été prise parce que les Palestiniens n'ont pas rempli leurs engagements sur le contrêle du budget.
Si les donateurs n'avaient pas tenu pour responsable l'Autorité Palestinienne, ils perdraient la confiance de leurs contribuables qu'on peut exercer suffisamment de contrêle pour empêcher que l'argent soit utilisé pour financer des actes terroristes.
Autorité insuffisante
Roberts note que le montant de l'aide attribuée aux Palestiniens - 5 milliards de dollars en cinq ans, soit 300 dollars par personne et par an - est la plus forte accordée à toute entité depuis la Seconde Guerre Mondiale.
"Pour maintenir l'importante participation des donateurs et leur attention diplomatique, ainsi que le désir du secteur privé d'investir de l'argent supplémentaire, l'Autorité Palestinienne doit améliorer ses performances", déclare Roberts.
Malheureusement, elle continue. Le départ de Yasser Arafat n'a pas provoqué un changement dramatique pour le meilleur - en fait, cette dernière année a vu une détérioration sérieuse de la loi et de l'ordre et dans la gestion du budget.
"Début 2005, quand Abu Mazen a été élu président, nous avons espéré une nouvelle impulsion en direction des réformes gouvernementales et du combat contre la corruption, et dans la législation - les étapes les plus essentielles pour encourager les investissements privés", explique le haut représentant de la banque mondiale.
Arafat est mort, mais tout ce qui appartient au système de gouvernement corrompu, l'"Arafatisme", est encore vivant et perdure, indique Roberts.
"Arafat avait créé un système qui était conçu en fonction d'un mouvement de libération, mais pas pour un Etat à une époque de réconciliation. Nous n'avons pas pensé que s'accoutumer à de nouvelles normes prendrait tellement de temps."
Le temps, selon lui, n'est pas à l'avantage des Palestiniens : "Nous sommes maintenant très proches d'une situation dans laquelle la communauté internationale décidera que l'Autorité Palestinienne ne répond pas aux espérances - et les implications en sont claires."
Roberts souligne qu'il y a certaines personnes dans le gouvernement palestinien qui essayent de changer cette réalité, mais elles manquent d'autorité suffisante en raison de la fragmentation du régime, des pressions politiques internes (principalement la montée du Hamas) et des pressions externes dues à la politique de bouclage d'Israël : la pression de l'occupation israélienne, en particulier, les restrictions au déplacement de la population et des marchandises.
La seconde flèche vise Israël.
Sur le papier, Israël comprend le lien fort entre l'économie et la sécurité - ou, si on préfère, entre le chêmage et le terrorisme.
Même le directeur de la branche diplomatique-sécuritaire du Ministère de la Défense, le général (réserviste) Amos Gilad, a déclaré y a deux semaines au cours d'une réunion avec des ambassadeurs étrangers que la réadaptation économique des territoires est également un intérêt israélien.
On peut voir cela comme un changement crucial dans la politique "de destruction constructive" qui a été acceptée par la défense et l'establishment politique pendant les premières années de l'intifada.
Gilad et son patron, le Ministre de la Défense, Shaul Mofaz, et l'ancien chef d'Etat-Major, Moshe Ya'alon, croyaient que l'écrasement de l'économie mènerait les pauvres et les chêmeurs à faire pression sur les diverses organisations pour qu'elles déposent leurs armes.
Mais la réalité a prouvé qu'ils avaient tort:
Les revenus ont chuté et avec eux, le soutien à l'Autorité Palestinienne et la popularité d'Abu Mazen, et la terreur s'est intensifiée ainsi que le soutien à la violence et la popularité du Hamas.
Prix douloureux
Roberts a remarqué pour la première fois le changement d'attitude d'Israël au cours de la précédente réunion des pays donateurs qui s'est tenue à Oslo il y a un an.
Il y a une grande différence entre une prise de conscience au niveau intellectuel et un changement de situation sur le terrain. Roberts souligne que les bouclages entrainent une chute annuelle de 5%du PIB palestinien.
Done, la solution facile à court terme est coûteuse sur le long terme.
Roberts a été un témoin du cercle vicieux sans fin : Plus de sécurité pour Israël = plus de checkpoints et de bouclages = plus de dommages au principal moteur de l'économie palestinienne = plus de chêmeurs = plus de chaos interne = plus de terrorisme = moins de sécurité pour Israël.
La réparation des dommages de cette perspective de sécurité limitée coutera un prix douloureux et très cher, remarque-t'il.
Il ajoute que son précédent patron, James Wolfensohn, qui était le président de la Banque Mondiale et a été nommé en tant qu'Envoyé Spécial par le Quartet, est frustré par la vision à court terme d'une partie de personnel de la sécurité d'Israël, qui préfère regarder les choses au jour le jour plutêt que de regarder loin devant.
La troisième flèche vise, bien qu'avec beaucoup de précautions, le Quartet, et en particulier le chef des quatre : les Etats-Unis.
Roberts indique que malgré le fait que la Feuille de Route n'ait pas avancé, la pression du Quartet sur les Palestiniens en vue des réformes stipulées dans le plan est bien plus forte que sa pression sur Israël en ce qui concerne la question des bouclages.
Roberts a été impliqué dans toutes les étapes des négociations sur le passage des frontières à Karni et à Erez et sur l'accord de mise en place des convois entre la bande de Gaza et la Cisjordanie .
Il est satisfait de l'injection d'une dimension trilatérale dans un processus qui a été conçu pour être unilatéral, et est également satisfait par l'ouverture des passages.
Mais il ne cache pas sa déception au sujet de la violation de la section au sujet des convois dans l'accord imposé par le secrétaire d'Etat américain, Condoleezza Rice.
Quand on lui a demandé son avis sur la retenue de la grande superpuissance, il répond avec une grimace timide : "Je vous rappelle que David Welch (l'adjoint de Rice) a déclaré lors de la réunion des donateurs qui s'est tenue le mois dernier à Londres que les Etats-Unis s'attendaient à ce que l'accord soit totalement appliqué."
Pour résumer, Roberts a dit : "Avec tout le respect dû aux économistes qui permettent d'avancer en parlant des sujets chargés comme l'occupation et la sécurité, la clef de la solution se trouve dans la politique. Sa mission est de s'assurer qu'un Etat palestinien viable soit constitué."
A lire : "Glossaire de la Dépossession"
Source : Haaretz
Traduction : MG pour ISM
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