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Europe - 1 décembre 2011
Par Manlio Dinucci & Tommaso Di Francesco
Edition de samedi 26 novembre 2011 de il manifesto
Ce 25 novembre, le président russe Medvedev a accusé les États-Unis d’avoir imposé à leurs alliés le « bouclier anti-missiles » en Europe, prévenant de nouveau que la Russie prendrait des contre-mesures parmi lesquelles l’installation dans l’enclave de Kaliningrad d’un nouveau système radar et de missiles mobiles Iskander à courte portée (jusqu’à 500Kms), qui peuvent transporter aussi des têtes nucléaires. Est-ce un bluff dans la campagne électorale, en vue des législatives du 4 décembre et des présidentielles du 4 mars ? Sans aucun doute Medvedev et Poutine, qui sont en train de perdre des consensus, haussent-ils le ton pour montrer que sous leur direction la Russie ne courbe pas la tête face à l’extra-puissance USA/OTAN. Mais on ne peut pas réduire la question à une simple manœuvre électorale.
On assiste en Russie à l’accroissement, surtout dans les forces armées, d’un sentiment anti-USA, motivé en particulier par la décision de l’administration Obama de réaliser à n’importe quel prix le « bouclier » en Europe. A Washington, on continue de répéter que celui-ci n’est pas dirigé contre la Russie, mais servira à faire face à la menace des missiles iraniens. A Moscou, on le considère par contre comme une tentative de prendre un avantage stratégique décisif contre la Russie. Le nouveau plan prévoit, en regard du précédent, un nombre plus grand de missiles déployés encore plus près du territoire russe. En outre, comme ce seront les USA qui le contrôleront, personne ne pourra savoir si ce sont des intercepteurs ou des missiles pour l’attaque nucléaire. Et, avec les nouveaux systèmes aérotransportés et satellitaires, le Pentagone pourra surveiller le territoire russe plus efficacement que ce qu’il n’est en mesure de faire aujourd’hui.
Le contentieux s’est exacerbé ces derniers mois. En avril, les USA ont opéré « le test le plus réussi du système de défense anti-missile qu’ils déploieront en Europe ». En mai, la Roumanie a consenti à l’installation sur son propre territoire de missiles mobiles étasuniens Sm-3, qui seront déployés aussi en Pologne. En ce point, Moscou a demandé à Washington des « garanties légales » que le système n’est pas dirigé contre la Russie, en proposant un traité Russie/OTAN dans lequel soient spécifié le nombre, les types et les lieux de l’installation des missiles et des radars. Mais, en juin, le secrétaire général de l’OTAN Rasmussen a rejeté la proposition, sous prétexte que la question peur être résolue par une « plus grande confiance » et non pas avec des « formules légales compliquées qui rendraient difficile le consensus et la ratification entre les 28 pays membres de l’OTAN et la Russie ».
Immédiatement après les USA ont envoyé en Mer Noire le croiseur Monterrey, doté d’un système Aegis anti-missiles, et la Russie a protesté. En septembre, la Turquie a annoncé vouloir installer, sur son propre territoire et d’ici la fin de l’année, un des radars du « bouclier » étasunien ; et la Russie a de nouveau demandé des garanties à cet égard. En octobre, les États-Unis ont stipulé un accord avec l’Espagne, qui leur permet d’utiliser la base de Rota pour faire stationner en permanence en Méditerranée et dans l’Atlantique orientale des navires de guerre dotés du système Aegis anti-missiles.
En même temps, les USA ont annoncé que des radars anti-missiles seront installés en Europe méridionale (à coup sûr aussi en Italie), pour « protéger tout le territoire de l’OTAN », et que les missiles Sm-3, seront ensuite remplacés par des missiles en mesure d’intercepter non seulement ceux à courte et moyenne portée, mais aussi les missiles balistiques intercontinentaux. L’objectif stratégique est évident : si les États-Unis arrivaient un jour à réaliser un « bouclier » anti-missiles fiable, ils seraient en mesure de lancer une first strike contre un pays doté lui aussi d’armes nucléaires, comme la Russie, confiants dans la capacité du « bouclier » de neutraliser les effets de représailles.
Le « bouclier », que la Russie entend opposer avec « des méthodes adéquates et asymétriques », ne servira donc pas à garantir une « Europe plus sûre ». Du tac au tac, il sera utilisé par Washington pour créer de nouvelles tensions, et justifier un renforcement ultérieur de sa présence militaire en Europe. Afin d’attacher toujours plus les pays de l’Europe orientale à la remorque des USA et de maintenir leur leadership sur ceux de l’Europe occidentale.
Source : Il Manifesto
Traduction : Marie-Ange Patrizio
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