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Grande Bretagne - 6 août 2005
Par Mark Perry
Les échanges Straw-Shalom pourraient paraître terre-à -terre vus de l’extérieur, mais pour ceux qui ont, ne serait-ce qu’une connaissance relative de l’histoire récente, surtout ceux des anglais dont la mémoire est nettement plus fine que celle de Shalom, cette nouvelle rencontre a été un rappel poignant et dérangeant du passé.
L’apparition de Silvan Shalom, ministre israélien des Affaires Etrangères, aux cêtés Jack Straw, secrétaire d’état anglais aux Affaires Etrangères, Ã Londres le 26 juillet, s’est voulue une démonstration de solidarité entre deux nations victimes du terrorisme.
Devant une foule de caméras et de reporters, Straw a remercié Shalom d’être auprès du peuple anglais après les bombes qui ont pris des dizaines de vies britanniques.
Shalom s’est vu congratulé par félicitations inhabituelles de la part de Straw et lui a rendu la pareille.
"La Grande Bretagne et Israël partagent les mêmes valeurs de tolérance et de Droit qui sont les deux menaces les plus graves pour les militants islamistes mais la défense la plus importante contre leur violence." a-t-il dit. "Israël rejoint la Grande Bretagne en affirmant notre engagement pour ces valeurs."`
Mais comme il l’a fait dans le passé, Shalom n’a pas pu s’empêcher de comparer la détresse du peuple anglais à la détresse des Israéliens, et à sauté sur l’occasion pour condamner le mouvement de résistance islamique, le Hamas, dans les mêmes termes qu’il a condamné les poseurs de bombes de Londres.
"Les groupes terroristes radicaux comme le Hamas sont les ennemis de la véritable démocratie que tous les gens désireux de paix souhaitent voir pour le peuple palestinien" a-t-il dit, "permettre que les fondamentalistes terroristes du Hamas deviennent des participants légitimes au processus politique serait ouvrir la porte à un cheval de Troie qui détruirait tout espoir de démocratie palestinienne et de paix au Proche Orient".
Les échanges Straw-Shalom pourraient paraître terre-à -terre vus de l’extérieur, mais pour ceux qui ont, ne serait-ce qu’une connaissance relative de l’histoire récente, surtout ceux des anglais dont la mémoire est nettement plus fine que celle de Shalom, cette nouvelle rencontre a été un rappel poignant et dérangeant du passé.
Il n’y a pas si longtemps, après tout, que les Anglais furent la cible de différentes formes de terrorisme.
Le 6 novembre 1944, le représentant du gouvernement anglais au Caire, lord Moyne, fut assassiné par des membres du Lehi, un groupe terroriste qui s’opposait au mandat anglais sur la Palestine.
Le Lehi était sans scrupule en raison de la vision (qu’ils avaient) de la violence : "Ni la morale juive, ni la tradition juive ne peuvent rejeter l’usage de la terreur comme moyen de se battre." déclara le fondateur du Lehi, Avraham Stern. D’ailleurs, l’assassinat de lord Moyne ne fut pas une opération isolée.
Elle fut suivie par une campagne de lettres piégées visant les hommes politiques anglais.
L’opération du Lehi contre lord Moyne peut se justifier, évidemment, comme un acte de légitime défense d’un groupe qui ciblait le responsable d’un gouvernement dont la politique avait été de continuer l’occupation d’une terre étrangère.
Mais il serait difficile d’utiliser ce type argument pour défendre ce que fit l’Irgoun.
L’Irgoun a bombardé l’hêtel King David le 22 juillet 1946, deux ans après le meurtre de lord Moyne.
L’opération terroriste ne mit pas seulement les anglais hors d’eux, mais aussi des groupes de juifs plus modérés qui soulignèrent que tandis que 28 des 91 morts du bombardement étaient anglais, dix-sept étaient juifs.
Evidemment comme l’Irgoun le soutint, le King David abritait le quartier général du Mandat Britannique.
Hélas, les Américains se sont servis du même argument, en soutenant avec arrogance qu’Hiroshima était le site d’une base navale.
Tout cela est manifestement tendancieux : les Israéliens et les Palestiniens (et leurs partisans) donnent ces exemples jusqu’Ã plus soif depuis cinquante ans et on n’a pas analysé grand chose.
Mais déclarer, comme Shalom l’a fait, que c’est "absolument scandaleux" d’oser dire que ce qu’on fait le Lehi et l’Irgoun (dont les leaders avaient des valeurs) peut se comparer aux gens du Hamas (dont les leaders, de son point de vue, n’en ont certainement pas) est idiot.
Nous ne parlons par de "valeurs", nous parlons de cibles.
Une relecture de cette histoire, pourtant, n’a pas pour but d’excuser ou d’admettre ce que font des lanceurs de bombes terroristes de Londres mais d’éclairer les méandres dérangeants de l’histoire qui affectent toutes les nations.
En 1944, les leaders anglais auraient trouvé inimaginable que le cerveau du meurtre de lord Moyne, Yizhak Shamir, deviennent un jour premier ministre d’Israël.
Ils n’auraient pas non plus imaginé que viendrait à ce même poste, comme successeur de ce "cerveau" des bombes du King David, Menachem Begin, qui a reçu le prix Nobel de la Paix (qui fut créé, par Alfred Nobel – l’inventeur de la dynamite).
L’Histoire enregistre que, la réaction des groupes de Juifs modérés pour l’Indépendance, au meurtre de Moyne et aux bombes du King David fut sans appel ou du moins donne l’impression d’être sans appel.
"La jeunesse juive doit combattre la terreur et ceux qui la répandent" avait déclaré l’Agence Juive en 1947. "On doit la déraciner de nos écoles, la bannir de nos ateliers. Toute propagande (en faveur de la violence ) écrite ou parlée doit être interdite."
Menachem Begin, commandant de l‘Irgoun, refusa pour sa part d’être mis en cause. "Vous pouvez rester des juifs calmes et fidèles", dit-il, "il n’y aura pas de lutte fraternelle dans ce pays".
Il en résulta une décision instructive de la part du premier gouvernement d’Israël : ni le Lehi ni l’Irgoun ne furent désarmés, et Israël ne s’est pas dissous dans la guerre civile.
Au contraire, en 1948, et le Lehi et l’Irgoun ont été officiellement dissous et leurs unités ont été intégrées dans l’armée israélienne.
Pour être plus précis, on leur a aussi permis de conserver leurs fusils quand il changèrent d’uniformes.
Le 13 mai 1948, les chefs des deux groupes ont été amnistiés.
En 1980, Israël a institué le "ruban" du Lehi, fièrement porté dans des rassemblements publics par ses vétérans âgés.
De manière plus poignante, Yizhac Rabin avait noté : "Qui aurait jamais imaginé que le peuple juif voterait un jour pour faire entrer le terroriste Yizhak Shamir à la Knesset ?".
Le mot clef dans la phrase de Rabin n’est pas "terroriste" mais "voter".
Faire le tri dans le maladroit fouillis qui distingue entre les terroristes "qui n’ont pas de valeurs" et les acteurs politiques qui utilisent la violence à des fins politiques est presque impossible comme Silvan Shalom lui-même doit s’en rendre compte.
Comme il l’a souligné : "Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir, d’équivalent moral entre un parti politique légal et ses supporters qui œuvrent pour une démocratie – Israël - et une organisation terroriste dont la soi-disant méthode politique est l’assassinat d’innocents."
Ca paraît juste, mais qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que le ministre israélien des Affaires Etrangères considèrerait le Hamas comme un "parti politique légal" s’il cessait "l’assassinat d’innocents" et ne ciblait que les soldats israéliens ?
Appellerait-il cela "de la légitime résistance" ou du terrorisme ?
De plus, Shalom paraît vouloir dire dans sa déclaration qu’il peut être simplement possible que le Hamas adopte une "méthode politique" qui au lieu "d’assassiner des innocents", assassinerait les coupables ?
Est-ce que c’est bien ce qu’il veut dire ?
Est-ce que les Etats-Unis, ou Israël ou tout autre démocratie sont moins responsables de ce qu’ils font simplement parce qu’ils sont des démocraties ?
L’Amérique a connu une histoire horrible et douloureuse en réglant ce type de question.
En 1967 par exemple, H. Rap Brown, militant noir des droits civils (qui trouvait la violence aussi "américaine qu’une tarte aux cerises") encouragea ses partisans à brûler le délicieux petit village ségrégationniste de Cambridge, dans le Maryland.
Sa phrase restée fameuse "brûle, Baby, brûle" était sur les lèvres de tous les Américains scandalisés.
Les mots de Brown et ce qu’il a fait étaient inexcusables et ne l’ont pas été – il a été arrêté, jugé, et reconnu coupable pour incitation aux émeutes. Mais ce n’est pas parce que ses mots étaient inexcusables que ça voulait dire qu’on ne pouvait pas les expliquer.
H. Rap Brown avait grandi et avait été élevé dans une société où le droit de vote était systématiquement refusé Ã toute une race, souvent par la force armée. Est-ce que Shalom croit vraiment qu’interdire au Hamas le droit de participer au processus politique modérera son point de vue, renversera sa tactique, fera d’eux des citoyens respectueux des lois ?
Le bombardement de cafés et de bus n’est pas excusable. Mais l’assassinat gratuit d’innocents ne peut pas plus passer inaperçu qu’il ne peut rester sans explication.
Absolument rien ne garantit que le Hamas va réduire sa tactique en échange de sa pleine participation au processus politique. Ils ont certainement l’air de le vouloir, mais que d’innombrables mouvements révolutionnaires aient adopté la démocratie et aient été d’accord pour participer à un processus politique ne signifie pas forcément que le Hamas fera la même chose.
Pourtant, l’expérience prouve que le déni systématique des droits fondamentaux, Ã commencer par ce droit central de toutes les démocraties, le droit de vote, est un des bons moyens d’institutionnaliser la violence et de garantir la continuation de la politique par d’autres moyens.
Et si Shalom ne le comprend pas, alors il devrait relire un peu l’histoire israélienne.
Source : Palestine Report
Traduction : CS pour ISM
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